22 novembre 2024

70e anniversaire de la proclamation de la République Populaire de Chine

L’anniversaire du 70e anniversaire de la proclamation de la République Populaire de Chine est une date importante.

En ce mois d’octobre, nous fêtons le 70e anniversaire de la proclamation de la République Populaire de Chine. Nous publions ci-dessous des extraits d’un article de l’Unité Communiste de Lyon, dont nous partageons largement les idées. Il s’agit de revenir sur une immense victoire révolutionnaire et sur presque 30 ans de construction du socialisme en Chine. Mao Zedong et surtout la Grande Révolution Culturelle sont aujourd’hui les cibles de l’anticommunisme. Pour les bourgeois, la politique de Mao Zedong fut criminelle, sanglante et chaotique. Le « crime » selon les bourgeois a consisté à critiquer les bureaucrates petit-bourgeois dans l’administration et de les destituer, s’ils n’étaient pas prêts à renoncer à un comportement de « nouveaux maîtres ». Les leçons de la Grande Révolution Culturelle visant à vaincre une ligne de restauration capitaliste et révisionniste dans le PCC sont inestimables dans la perspective d’un nouvel essor de la lutte pour le communisme. D’autant que cette ligne de restauration a abouti à une évolution tragique qui a fait de la Chine aujourd’hui un nouvel impérialiste. L’article peut être lu en intégralité sur le site de l’UCL.

Cet anniversaire possède un sens double. D’une part il est à célébrer, car il marquait une victoire révolutionnaire. Il est l’incarnation d’une victoire contre l’impérialisme, contre la réaction, pour la construction d’une société meilleure.

De l’autre, il est également l’aboutissement d’un cheminement à étudier, celui de 22 ans de guerre civile chinoise, mais également le point de départ de la construction d’un nouveau monde, durant près de 30 ans. Cette lutte pour le pouvoir populaire, tout comme ce que ce pouvoir populaire a fait, forment une somme immense d’expérience, qui doit nous servir pour les combats de demain. Nous ne devons pas les oublier.

Aujourd’hui, honorons les héros de la lutte révolutionnaire !

La lutte pour la révolution en Chine a été une lutte sur de nombreux fronts. Contre les colonisateurs tout d’abord, qui s’étaient découpés l’Empire du Milieu en parts, se réservant des zones d’influence à coups de canonnières. Ces colonisateurs, s’ils n’avaient pas formellement pris possession du pays, détenaient la réalité du pouvoir, appuyés sur des seigneurs de la guerre à leur service. Ils réduisaient à l’état d’esclaves les masses populaires chinoises.

Depuis la première République de Chine, proclamée en 1911 par le Dr. Sun Yat Sen, à la République Populaire de Chine, ce furent 38 ans de combats constants. Combats contre les impérialistes et leurs laquais seigneurs de la guerre, pour libérer la Chine. Combats contre la droite du Kuomintang, qui voulait faire de la Chine une dictature militaire et écraser la juste lutte populaire. Combats pour construire le Parti Communiste, seul à même de pouvoir réaliser les mots d’ordre de Sun : Les « Trois Principes du Peuple » : Démocratie, Socialisme et Nationalisme anti-impérialiste.

Enfin, a partir de 1927, la longue guerre civile. Une guerre civile qui a transformé chacun des camps. Les Kuomins, de nationalistes anti-impérialistes, sont devenus les agents de facto des Japonais, puis des impérialistes américains, préférant lutter contre le PCC que de défendre les idéaux du Dr. Sun. Chang Kaï Check, le dictateur du Komintang, a ainsi donné la Mandchourie aux agresseurs japonais, en 1931.

Cette guerre civile a transformé aussi le PCC. L’anabase(1) de la Longue Marche, cette traversée de la Chine, en a changé l’encadrement. Les dirigeants d’avant, formés par le Komintern, sincères dans leur engagement, mais incapables de percevoir la réalité de la Chine, sont progressivement écartés. Dans les grottes de Loess de Yennan, le PCC est devenu le parti de la victoire. Il s’est lié aux masses, principalement paysannes dans la région. La direction du PCC, dans laquelle Mao est devenu le personnage central, a partagé la vie des masses populaires, leur misère, mais également leurs aspirations à une vie meilleure. Cette liaison avec les masses, cette relation fusionnelle, la ligne de masse, est devenu le ferment de la victoire. De là, naît la conception de la Guerre Populaire Prolongée.

Durant la longue guerre anti-japonaise, de 1937 à 1945, pendant laquelle entre 20 et 60 millions de Chinois perdent la vie, le Kuomintang se montre incapable de défendre le pays. Il se marginalise, se coupe des masses populaires, devient intégralement dépendant des USA et des occidentaux. De plus, il ne respecte pas la trêve avec le PCC.

À l’inverse, celui-ci perfectionne la guérilla, en liaison avec les masses, comme « un poisson dans l’eau ». Lorsque l’armée Showa(2) évacue progressivement, le PCC est désormais en position de force. Lorsque la guerre civile reprend, dès 1946, la situation n’est plus celle d’avant-guerre. Les kuomins sont chassés, refoulés, et doivent évacuer à Formose, où ils bâtissent un régime de terreur.

Le premier octobre 1949, Mao Zedong, a Beijing, proclame la République Populaire de Chine. Cette accession au pouvoir est faite à l’inverse du système bolchevique. En URSS, la proclamation du pouvoir est le préalable à sa conquête effective, par la Guerre civile. En Chine, c’est le contrôle territorial et l’administration du territoire qui est le préalable à la proclamation de la RPC.

Elle est un choc pour le monde entier. Le pays le plus peuplé du monde est passé du côté de la révolution prolétarienne. Près de la moitié de la population mondiale est désormais sous le drapeau rouge. La réaction du monde « libre » sera d’ailleurs féroce : tenter à tout prix de contenir l’expansion du communisme, en instaurant un réseau de dictatures d’extrême-droite : Taïwan, Thaïlande, Vietnam-Sud, Corée du Sud… Ce cordon sanitaire justifie tout, y compris les massacres, comme en Indonésie, ou les guerres les plus brutales, comme celle de Corée.

La construction du socialisme en Chine bénéficie de l’apport de l’URSS, qui, malgré ses plaies béantes dû à la guerre 39-45, tente de faire son possible pour aider au décollage économique de son pays-frère. De même, contrairement à l’URSS, le PCC était déjà une organisation avec une solide expérience en termes d’administration des régions libérées. En dépit du caractère particulièrement primitif des forces productives, il paraît possible de passer rapidement à une économie planifiée et d’industrialiser le pays. La vie des masses change rapidement. Les femmes, horriblement opprimées, connaissent l’égalité. La situation de servage de facto des paysans est abolie. L’éducation entre dans les campagnes, avec les soins et la culture.

Les biens de consommation étaient rares dans la Chine féodale. Ils se répandent progressivement, bien que l’abondance ne soit pas encore là. La Chine connaît la dernière famine de son histoire. Surtout, le paysan et la paysanne chinoise avant n’avaient pas d’espoir de connaître une vie meilleure. Ils peuvent désormais faire des études, quitter la campagne, espérer une vie meilleure, voir un autre destin. Des ouvriers et ouvrières, des paysans et des paysannes deviennent des élus, des cadres dirigeants.

Seulement, tout ne fonctionne pas toujours comme prévu. Une conjonction de phénomènes négatifs impacte très fortement cette tentative de faire un « Grand bond en avant ». Sécheresse, rupture avec l’URSS, départ des ingénieurs soviétiques, surestimation des possibilités. En somme, l’effort demandé est simplement trop important et la base industrielle prévue n’est pas obtenue. Mais elle existe. Dans le même temps, les cent fleurs sont lancés, en 1957, pour permettre qu’une émulation socialiste, critique, puisse s’épanouir. De nombreux réactionnaires, théocrates, féodaux, tentent d’en profiter pour lancer attaque sur attaque contre le gouvernement socialiste. Ils sont réprimés, notamment, car le contexte de la période est particulièrement difficile.

Durant cette période, en effet, un schisme se produit entre URSS et RPC. Souvent, il est mentionné que Staline et Mao ne s’entendaient pas. Cela n’est pas vrai…

La véritable raison de la discorde n’est pas dans la question du leadership entre URSS et Chine, mais elle est dans la déstalinisation. Le PCC était d’accord pour critiquer Staline, en 1956. Mais la manière dont cette critique a été faite, mettant tout le monde devant le fait accompli, et le fond de l’affaire, changer la ligne politique du PC de l’Union Soviétique, ont poussé à la rupture. Khrouchtchev, derrière la déstalinisation, préparait la satellisation de l’Europe de l’Est, l’intégration dans une hypocrite division internationale socialiste du travail. Surtout, il capitulait devant l’Occident sur l’idée d’une révolution, jugeant que l’heure était venue pour un monde coupé en sphère d’influences.

Le Parti du Travail d’Albanie et le PCC ont fait front contre le révisionnisme khrouchtchevien. Quand il est apparu que Moscou ne changerait pas de ligne, la rupture fut consommée. Deux camps socialistes, l’un révolutionnaire, l’autre révisionniste, sont apparus. Ceux qui rejetaient la capitulation, voulaient soutenir les mouvements révolutionnaires et libérer les pays dominés ont été chassés des Partis Communistes révisionnistes…

En Chine même, l’échec du Grand Bond en Avant fragilise la position de Mao dans le PCC. Une nouvelle équipe dirigeante, animée par Liu Shaoqi et Deng Xiaoping dirigent la Chine dans une espèce de NEP-bis. La bride est laissée aux cadres locaux du PCC, qui se comportent parfois en potentats locaux, se fondent des petits royaumes. La planification elle-même est en péril, tandis que les écarts sociaux se creusent. Une crise se profile.

Celle-ci arrive à maturité en 1966. Un immense mouvement de masse, la Révolution Culturelle, créé une révolution dans la révolution. Partis des centres urbains, les Gardes Rouges, ouvriers, ouvrières, étudiants et étudiantes, s’en prennent aux cadres corrompus, aux révisionnistes, aux seigneurs locaux. Elle bouleverse l’ordre établi, cible le confucianisme, réactionnaire. Au mot d’ordre de « feu sur le commandement général », les Gardes Rouges soumettent à la critique et à l’autocritique tous les dirigeants. Liu Shaoqi est fusillé, Deng est envoyé en prison. Mao Zedong, Zhou Enlai, redeviennent les points focaux du régime. La réorganisation du Parti fait que l’Armée Populaire de Libération joue un rôle structurant. Seulement sa direction elle-même est tiraillée par la lutte des classes : Lin Piao est un relais des Soviétiques dans le pays, il représente une menace bonapartiste. Il s’enfuit vers l’URSS, son avion est abattu en vol.

La révolution culturelle connaît des soubresauts, mais finit par se calmer quelques années après. La Chine est cependant désorganisée et doit se reconstruire. La production a chuté du fait des troubles.

L’influence de la Révolution Culturelle est immense et international. Elle marque les étudiants et les étudiantes de mai 1968 en France, tout bourgeois qu’ils pouvaient être. Elle marque le mouvement des droits civiques aux USA. Surtout la Chine est un symbole pour les pays dominés. Elle est le fer de lance de la libération des peuples colonisés. Elle attire. Intellectuels progressistes, militants et militantes révolutionnaires, travailleurs et travailleuses en lutte voient en elle un nouveau phare, surtout avec le pâlissement de l’URSS.

La période est paradoxale, la Chine cherche à s’ouvrir et à quitter le cordon sanitaire qui a été dressé autour d’elle. Du fait de l’attitude de l’URSS, elle accepte les offres d’ouverture des USA, menant à la rencontre Mao-Nixon, grand choc international. Elle parvient cependant à rentrer à l’ONU et a prendre la place de Taïwan.

En termes de politique intérieure, l’équipe dirigeante est vieillissante. Les nouveaux cadres sont souvent compétents, mais idéologiquement peu sûrs. La porte du révisionnisme est restée ouverte. Finalement, ceux qui ont gagné en influence ne sont pas les plus fervents militants, mais ceux qui ont été le plus capable de passer pour cela. Elle ne comprend pas le besoin de rigueur politique, d’une économie parfaitement maîtrisée, de la lutte idéologique.

Le décès de Mao et de Zhou Enlaï, en 1976, cause une vacance de direction. Celle-ci est occupée par des conciliateurs, des modérés, qui non seulement libèrent les inculpés de la Révolution Culturelle, mais leur ouvre la voie vers le pouvoir.

Très rapidement, dès 1977, Deng Xiaoping revient sur le devant de la scène. Il met en place, sous le nom de « modernisation » une politique capitaliste. Surtout, il va semer une confusion terrible avec la « théorie des trois mondes ». Mao avait déjà employé cette formule, avec un contenu autre. Chez Deng, celle-ci justifie tout : alliances avec l’Afrique du Sud de l’Apartheid, travail avec la RFA etc. Tout ce qui peut affaiblir les « superpuissances » est jugé comme positif. Elle va contribuer à désorganiser le mouvement maoïste, qui ne voit pas forcément le changement d’équipe comme un point de non-retour. Certains, comme Hoxha, vont analyser cela téléologiquement. Seul allié de la Chine, il considère que si elle n’est pas parvenue au socialisme, c’est que sa direction a fait intégralement fausse route. Il la rejette en bloc, déniant toute qualité à Mao.

Après Deng, la Chine se dirige irrémédiablement vers une économie de marché, une intégration dans les échanges inégaux de la mondialisation. S’il est indéniable qu’elle a développé économiquement le pays, il n’en demeure pas moins que la RPC n’est plus une puissance socialiste, mais qu’elle est capitaliste et impérialiste.

En dépit des efforts faits par le PCC pour ne pas connaître le même sort que le PC d’Union Soviétique, le révisionnisme a triomphé. Le PCC n’a pourtant pas lésiné sur les moyens pour essayer de contourner les difficultés. Maintien d’une démocratie interne vivante au sein du Parti, où les luttes de ligne étaient faites de manière ouverte, autour d’une culture de débat. Appel constant aux masses pour juger de la qualité de l’action du Parti et de ses membres. Le PCC mettait également au premier plan, au-dessus de l’importance du Parti même, la question de la lutte idéologique, primant sur la discipline du Parti. C’est là un des fondements de la Révolution Culturelle.

Nous avons beaucoup à retenir de cet anniversaire.

L’héritage de cette révolution est toujours vivant. Il doit le rester à plus d’un titre.

D’une part comme la mémoire d’évènements, de succès, de réalisations faites par les masses populaires, sous la direction d’un Parti Communiste qui mérite ce qualificatif. La bourgeoisie essaie de nous enlever cette mémoire en la salissant, en répandant des calomnies sur son compte, en mentant à son sujet. Lorsque cette histoire ne présente plus d’intérêt, elle la fait oublier. Sur plus d’un thème, sur plus qu’une période, il existe un vide de connaissances, de savoir. Elle a été effacée. Nous avons un travail à réaliser pour lui redonner vie.

Mais l’histoire ne suffit pas. Elle n’est qu’une chose morte si elle n’est pas reliée à la politique et à la lutte actuelle.

Dans cet héritage, nous retrouvons des questions fondamentales, tant philosophique, sur la compréhension de la dialectique, du « un se divise en deux », que des aspects politiques ou pratiques. La stratégie de la Guerre Populaire Prolongée est ainsi un des apports, tranchant avec les théories insurrectionnelles. Elle pose la question de l’accession révolutionnaire au pouvoir comme le fruit d’un processus, non d’une seule épreuve de force. De même, la démocratie nouvelle est un élément fondamental pour l’alliance entre les classes populaires.

Dans la pratique, l’enquête, la lutte de ligne, la ligne de masse, le débat franc et ouvert sont des principes qui préexistaient auparavant dans les écrits d’autres, mais que Mao et le PCC avaient systématisés.

Dans le monde entier, toutes les organisations qui combattent pied à pied l’impérialisme et le capitalisme sont inspirées par l’exemple chinois. Ceux qui ont rejeté cet héritage ont généralement rejeté, en même temps, l’idée de la lutte révolutionnaire et du combat contre les forces capitalistes et impérialistes. Le drapeau rouge de la révolution, dans les pays dominés et exploités, s’est nourri de cette expérience.

Dans les pays impérialistes même, cette influence se fait sentir, même si parfois, elle a servi à esquiver la question incontournable de Staline et de l’URSS. Aux USA comme en Allemagne, des organisations se sont montées, construites, et se sont démarquées du révisionnisme sous l’emblème du Marxisme-Léninisme-Maoïsme.

1L’Anabase est une œuvre de Xénophon qui raconte l’expédition des dix-milles. Incarnation de la traversée du désert, elle sert souvent comme illustration pour la longue marche.

2Le Japon Showa est le japon de la période de Hiro-Hito, c’est comme pour l’ère Meiji par exemple.

3Téléologique signifie analyser les choses en sautant directement aux conclusions : « si ça a pas marché c’est que tout était faux ».