ICOR : SÉMINAIRE LÉNINE. En septembre 2023, la Coordination Internationale de l’ICOR (CCI) avait décidé : A l’occasion du centième anniversaire de la mort de Lénine de faire un séminaire sur « Les enseignements de Lénine sont vivants ». Le séminaire a eu lieu les 13, 14 et 15 septembre 2024 en Allemagne avec 700 participants de 45 pays. Voici l’intervention de camarades sur Lénine et le syndicalisme.
L’écrit de Lénine « A propos des grèves » et son importante signification théorique et pratique à l’époque actuelle.
Par la coordination européenne (ECC) et l’échange d’expériences des dockers internationaux
La collaboration des dockers de différents pays européens avec les Pays-Bas, l’Allemagne, l’Italie et la Grèce soutient les conflits et les grèves des dockers et des marins au niveau international. Ces dernières années en particulier, les grèves des travailleurs des transports, des cheminots, des dockers – en tant que partie importante du prolétariat industriel international – se sont nettement animées. Si l’on compare les années 1870-1996, 35% de tous les conflits du travail recensés ont été menés par des travailleurs des transports, des transports maritimes et portuaires, des chemins de fer et de l’aviation.
L’ouvrage de Lénine « A propos des grèves », publié en 1899, reste une référence importante 125 ans après. Avec la formation de grands entreprises et de cartels, la monopolisation, la classe ouvrière est également entrée en scène avec d’innombrables grèves. L’ouvrage de Lénine traite de l’importance des grèves, des méthodes de conduite des grèves et des tâches des socialistes dans ce contexte.
Nous voulons résumer cela en sept points et les soumettre à la discussion :
1. Les grèves signifient, selon l’analyse de Lénine, le début de la lutte de la classe ouvrière contre l’ordre social capitaliste. Les travailleurs qui établissent ensemble leurs revendications et refusent de se soumettre à celui qui « a un gros sac d’argent » cessent d’être des esclaves, ils deviennent des êtres humains. C’est aussi la raison pour laquelle nous préconisons l’implication et la participation active de tous les collègues dans les grèves pour des salaires plus élevés, des horaires de travail plus courts, contre le harcèlement au travail et l’usure prématurée de la marchandise humaine qu’est la force de travail.
2. Lénine écrit : « Chaque grève rappelle aux capitalistes que ce ne sont pas eux les vrais maîtres mais les ouvriers, qui proclament de plus en plus hautement leurs droits. ». C’est aussi la raison pour laquelle les capitalistes du port et les compagnies maritimes font tout pour empêcher les grèves, pour refuser aux ouvriers le droit de faire grève et pour étouffer les grèves qui ont éclaté. Il n’est pas totalement injustifié que les gouvernements capitalistes et les maîtres dans les étages des entreprises expriment la crainte : derrière chaque grève se profile l’hydre [le monstre] de la révolution …
3. Chaque grève apprend aux travailleurs à comprendre ce qui fait leur force : le nombre, l’unité et l’organisation ! En 2022, 12.000 dockers du Nord de l’Allemagne ont fait grève – dans un cadre syndical avec de nombreux éléments indépendants – pour obtenir des salaires plus élevés. Ils portaient une banderole : « Nous, les 12.000 dockers, on peut vous faire la peau, Pfeffersäcke ». (Pfeffersäcke est une expression du Nord de l’Allemagne qui désigne les capitalistes). Il est du devoir de tous les ouvriers conscients de leur classe, des socialistes et des combattants pour la liberté communistes de faire un travail d’éducation : l’adversaire des ouvriers n’est pas seulement le capitaliste individuel, mais toute une classe de capitalistes. Les travailleurs doivent comprendre qu’au-delà de leur collègues, c’est toute la classe des travailleurs qui peut et doit déployer sa force.
4. À chaque grève, les travailleurs commencent à comprendre que les lois de la société capitaliste ne sont édictées que dans l’intérêt des riches. Que les gouvernements respectifs, les organes de l’Etat, les représentants des partis bourgeois sont du côté des entreprises et de leurs intérêts de profit. Témoignage original d’un docker lors d’une assemblée de grève lors d’une grève autonome de quatre équipes dans le port de Hambourg en novembre 2023 : « Oui. Il faut certainement réfléchir à la question de savoir s’il peut encore fonctionner avec ces salauds là-haut. Bien sûr qu’il faut réfléchir à des alternatives. Cela devient de plus en plus important ».
A l’heure actuelle, cela inclut également le rôle des médias bourgeois, dans lesquels les luttes ouvrières sont souvent présentées avec un mélange de désinformation, de demi-vérités et de mensonges. Surtout lorsqu’elles ont un caractère indépendant !
5. Au cours des dernières années, les premières grèves ont été organisées aux Etats-Unis, en Italie, en Grèce et en France autour de revendications politiques telles que la lutte contre les guerres impérialistes, contre les gouvernements réactionnaires, contre les livraisons d’armes à Israël et contre la guerre barbare contre le peuple palestinien. Dans de nombreux pays européens, des mouvements de grève et des conflits de masse se sont développés autour du droit de grève. Lénine souligne explicitement que « la classe ouvrière doit de toute nécessité conquérir le droit de grève, le droit de publier des journaux ouvriers, le droit de participer à la représentation nationale … ». Il s’agit là d’une lutte importante au sein du mouvement ouvrier contre les influences réformistes et révisionnistes qui veulent limiter – sans tenir compte de la réalité – les grèves ouvrières à des revendications économiques et politiques quotidiennes.
6. Lénine a développé une idée très importante selon laquelle les grèves sont une école de la guerre, mais pas encore la guerre elle-même. Une expérience importante tirée d’innombrables mouvements de grève montre que les grèves peuvent être menées avec d’autant plus de succès qu’elles sont menées dans l’esprit qu’il s’agit d’une école de la lutte des classes. Le fait qu’il s’agisse d’une école signifie que la classe ouvrière apprend dans les grèves comment la lutte pour sa libération et pour la révolution socialiste peut être développée. Avec une grande clairvoyance, Lénine mettait déjà en garde contre le fait que «la classe ouvrière peut se borner à faire grève… et que [ça suffit] à la classe ouvrière pour arracher une amélioration sérieuse de sa situation, voire son émancipation ». Il s’agit là aussi d’un débat d’une brûlante actualité lorsque des dirigeants réformistes de gauche dans les syndicats, mais aussi des représentants du camp trotskiste, propagent la grève comme moyen de lutte suprême. Aussi nécessaires que soient chaque grève individuelle, les grèves menées à l’échelle des branches, les mouvements de grève coordonnés à l’échelle internationale, la grève générale en tant qu’arme aux mains des travailleurs : il s’agit de les mener et de les comprendre comme des signes avant-coureurs d’un changement social réellement révolutionnaire.
7. Notre collaboration au sein de l’échange international d’expériences des dockers en s’est délibérément établie il y a 15 ans sur un plan militant, antifasciste et non partisan, incluant ainsi des révolutionnaires, des marxistes-léninistes et des communistes. Toute notre expérience est que chaque grève dans le port, mais aussi dans d’autres secteurs, représente toujours un vue de la liberté pour les travailleurs. Un regard vers une société où l’exploitation et l’oppression capitalistes prendront fin !
L’ouvrage de Lénine se termine par cette invitation : « Des grèves isolées les ouvriers peuvent et doivent passer et passent effectivement dans tous les pays à la lutte de la classe ouvrière tout entière pour l’émancipation de tous les travailleurs ». L’écrit de Lénine est un appel flamboyant et convaincant à ce que nous n’épargnions aucun effort pour préparer, déclencher et mener des grèves, pour les faire évoluer de luttes isolées en luttes de masse, pour les lier à la lutte politique et pour ancrer toujours et partout la nécessité d’une libération socialiste. Mais aussi pour organiser les travailleurs dans un parti révolutionnaire et s’approprier ensemble la lutte pour la révolution socialiste. Dans les conditions actuelles, il s’agit en particulier d’une lutte menée en masse pour changer la mode de penser dans le mouvement ouvrier, pour emprunter la voie prolétarienne de l’offensive ouvrière et pour une perspective de révolution socialiste. Aujourd’hui, il s’agit – et pas seulement pour les dockers – de lier la lutte pour les intérêts sociaux à la lutte politique et aux grèves contre la préparation de la guerre mondiale, la catastrophe écologique et le danger fasciste.
Tout à fait dans l’esprit de la dernière phrase de l’écrit de Lénine :
« Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ».