24 novembre 2024

Sur la nature de la contre-révolution au Soudan

Soudan: nature de la contre-révolution

Retour de la vidéo conférence du dimanche 23 avril la contribution à la réunion Zoom, du Militant Syndicaliste Abdesselam Adib

1 – …. Je consacrerai mon introduction à discuter des affrontements militaires qui se déroulent au Soudan, en présentant un ensemble d’observations extraites de ce qui se passe réellement sur le sol soudanais, depuis le début de la révolution populaire au Soudan en 2018 jusqu’au déclenchement du conflit militaire soudanais, le 15 avril 2023.

2 – Depuis le samedi 15 avril, le Soudan connaît de violents affrontements militaires, entre, d’une part, l’armée régulière dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhan, actuel dirigeant de facto de l’Etat du Soudan, et, d’autre part, des milices armées appelées les « Forces de soutien rapide » dirigées par le général Mohammed Hamdan Dakolo « Hamedati », la deuxième personnalité dans la hiérarchie du pouvoir. Ces affrontements, selon les dernières statistiques de l’Organisation mondiale de la santé du samedi 22 avril, ont fait 434 morts et 3 551 blessés graves. Les affrontements ont également entraîné la mise hors service de 55 hôpitaux dans la capitale, Khartoum. Alors que les rues se remplissaient de cadavres de morts, et que les médicaments nécessaires manquaient pour soigner les blessés, alors qu’environ neuf médecins étaient tués. Les grands pays se sont précipités pour envoyer des avions à Djibouti pour travailler à l’évacuation des employés de leurs ambassades hors du Soudan, notamment après la mort d’un employé de l’ambassade américaine et d’un autre employé de l’Organisation internationale pour l’Immigrations.

3 – L’armée régulière soudanaise est considérée comme la troisième armée la plus puissante d’Afrique après l’Égypte et l’Algérie, et elle est classée dixième en Afrique et 75e dans le monde. L’armée régulière soudanaise compte environ 100 000 soldats, auxquels s’ajoutent 100 000 réservistes. Elle est bien équipée de toutes les armes légères et lourdes, avions et navires. Quant aux milices des Forces de soutien rapide, est une milice précédemment créée par Omar el-Béchir en 2010 pour servir de substitut à l’armée dans la lutte contre les forces séparatistes à Darfour, leur nombre atteint environ cent mille hommes armés, et ils ont participé à de nombreuses opérations de guerre hors du Soudan, comme leur participation, par exemple, aux côtés des forces militaires saoudiennes contre les Houthis, et son expérience de terrain lui a permis de qualifier ces forces pour mener la guerre actuelle contre l’armée régulière, malgré sa possession uniquement d’armes légères.

4 – Depuis l’indépendance du Soudan en 1957, le peuple soudanais a vécu continuellement sous le joug des tyrannies militaires continue, et la succession de ces chefs militaires à travers des coups d’État successifs, dont certains ont réussi et d’autres ont échoué, et ces forces s’arment d’islam politique pour légitimer leurs pratiques autoritaires. La seule exception est le soulèvement des masses populaires soudanaises en 2018, qui a duré huit mois et a parvenu à pousser le régime d’Omar Al-Bashir à se retirer du pouvoir en 2019. Les forces progressistes, socialistes et communistes, ont contribué à sensibiliser la population pour affronter la tyrannie militaire couplées par la corruption, ce qui a déclenché le soulèvement en 2018, et poussé Omar Al-Bashir à démissionner du pouvoir et l’émergence d’un conseil militaire dirigé par le général Abdel Fattah al-Burhan, qui a promis de remettre le pouvoir aux civils , mais s’est retourné contre cet accord en 2021 avec le soutien des forces réactionnaires (telles que les Forces pour la liberté et le changement, qui est une coalition de ce qu’on appelle faussement des organisations pro-démocratie).

5 – La tyrannie politique au Soudan s’est doublée d’une corruption scandaleuse, représentée par le monopole de la direction de l’armée sur l’exploitation des mines d’or et son exportation à l’étranger ouvertement ou par des canaux de contrebande. A noter qu’Al-Burhan et Hamidati étaient tous deux des alliés du dictateur Omar Al-Bashir dans sa corruption précédente, avant de se retourner contre lui dans le but de couper le cours du soulèvement populaire contre son régime tout en pratiquant une répression brutale contre ce soulèvement et le vider de son contenu révolutionnaire social avec le soutien des forces réactionnaires. Omar Al-Bashir lui-même est celui qui a emmené son allié Hamedati dans le domaine de la contrebande et de la vente d’or par le biais d’une société privée appartenant à sa famille. Reuters a déjà confirmé dans une enquête menée il y a un an l’existence d’opérations de contrebande d’or en provenance d’Afrique estimées à des milliards de dollars par an. Par les Emirats, considérés comme une porte d’entrée de la contrebande des richesses des peuples d’Afrique, notamment du Soudan et de la Libye vers l’Europe.

6 – Les Émirats arabes unis ont importé, selon un communiqué du ministre soudanais de l’Industrie et du Commerce en 2015, soixante-dix tonnes d’or. Au premier semestre 2018, le Soudan a produit 63 tonnes d’or. La Banque gouvernementale du Soudan n’en a acheté que huit tonnes, à un prix inférieur au prix du marché, tandis que le reste était passé en contrebande. Le nombre de sociétés minières et d’extraction d’or est de 243, dont onze sociétés franchisées. Il y a aussi des milliers d’individus à la recherche d’or grâce à des licences d’exploration accordées par l’État. Le Soudan possède également la troisième réserve mondiale d’uranium brut, qui est utilisé dans la fabrication d’armes nucléaires, et sa production atteint un million et demi de tonnes, selon des chiffres non officiels. Ce minéral se trouve au Darfour, dans les monts Nouba, au Kordofan, dans le Nil bleu, le Butana et l’état de la mer Rouge.

7 – L’orientation politique autoritaire de l’armée, soutenue par l’idéologie de l’Islam politique et des appartenances ethniques tribales, en plus de la propagation de l’analphabétisme, a approfondit l’aliénation populiste chez les Soudanais et l’usurpation vers le discours capitaliste libéral, facilitant ainsi la tendance de l’autorité militaire à se soumettre aux diktats et aux conditions des institutions impériales du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, qui sont les politiques qui ont appauvri la plupart des peuples qui l’ont adopté, à cause de la privatisation des services publics, ce qui a conduit à la destruction des services publics, et à augmenter le volume de l’endettement extérieur, et donc à augmenter le niveau des impôts. Elle a également conduit à l’élimination de l’agriculture collective coopérative et de la sécurité alimentaire, au profit de l’agriculture capitaliste, optant pour une seule production à gros rendement, comme c’est le cas pour la gomme arabique, dont la superficie de culture s’élevait à cinq cent mille kilomètres carrés, soit l’équivalent de un tiers de la superficie du Soudan. Le Soudan produit environ 75 % de la production mondiale de gomme arabique, bien qu’il n’exploite que 10 % des forêts produisant cette substance.

8 – Cette tyrannie militaire, appuyée par le discours religieux et des fanatismes tribaux, répandu au sein de l’armée soudanaise, et également répandue parmi les milices armées d’Hamedati, a pour effet la soumission de ces forces à l’ordre de leurs chefs, et à des pratiques brutales de répression des masses révoltées contre la tyrannie. L’armée a été confiée aux « Forces de soutien rapide » a joué le rôle principal dans la tentative d’éliminer violemment les manifestations des masses après le renversement d’Omar el-Béchir en 2018. Notez que cette force composée de mercenaires tribaux est moins sympathique aux masses révolutionnaires en comparaison avec les soldats et sous-officiers des forces régulières.

9 – Le compromis obtenu par les forces populaires révolutionnaires en 2019, que l’armée régulière a accepté, contrainte de préserver ses principaux intérêts, a préservé l’alliance militaire entre les deux généraux, Al-Burhan et Hamidati, debout face à la coalition des Forces pour « la déclaration de liberté et de changement », Qui a bénéficié de la pression exercée par les forces populaires révolutionnaires qui ont refusé de négocier. Certains d’entre eux ont été clivés de cette coalition. Les forces armées, par leurs retards à transférer le pouvoir aux civils, ont réussi à limiter la capacité de la coalition à lui imposer des réformes, puis ont réussi à diviser ses rangs par la scission du « Bloc d’accord national », c’est-à-dire « le Bloc démocrate » plus tard , et il a ainsi réalisé son deuxième coup d’État à l’automne 2021, renversant l’accord de négociation dans son intégralité. Cependant, le mouvement populaire a continué à faire pression contre lui, auquel « les Forces de liberté et de changement » sont revenues pour y participer, ainsi que la fréquence de la pression politique et économique internationale.

10 – En échange de cet échec, Hamidati a commencé à désavouer l’échec du coup d’État des forces armées menées par Abdel Fattah al-Burhan afin de préserver ses intérêts. De là, l’armée régulière a été forcée de retourner à la table des négociations pour renouveler un arrangement avec la médiation internationale, et elle a fini par accepter une fois de plus un nouvel accord avec les « Forces de la liberté et du changement », pire que l’accord de 2019. Et de préserver l’unité des forces armées, et donc de freiner « les forces L’appui rapide » définitivement avant la conclusion d’un nouvel accord et sa mise en œuvre.

11 – En marge de cette contradiction, des combats ont éclaté entre les deux parties le samedi 15 avril, après le refus des Forces de soutien rapide de rejoindre pleinement les forces armées régulières. Les combats acharnés actuels confirment l’impossibilité de toute coexistence entre les deux parties. Il est difficile d’imaginer une fin des combats sans que l’une des deux parties élimine l’autre, sauf dans le cas où chaque partie aurait une zone géographique indépendante du Soudan, donc de diviser à nouveau le Soudan.

12 – Au niveau géopolitique, le Soudan apparaît comme un trait d’union à travers le Nil entre l’Égypte au nord et l’Éthiopie au sud. Et si l’on ajoute la position stratégique de la Libye, l’intégration de ce groupe, s’il s’unit politiquement et idéologiquement, en fera une puissance régionale qui pourra permettre à leur peuple de réaliser un saut qualitatif de développement régional et mondial. Mais les impérialistes, qui se sont relayés pour piller et exploiter les peuples de cette région, travaillent constamment à détruire les fondements sociaux, économiques et politiques qui visent leur unité, et soutiennent les forces militaires tyranniques qui les gouvernent, et travaillent également à faire pression sur eux par des sanctions ou encourager des coups d’État contre eux en faveur de nouveaux pouvoirs tyranniques qui contrôlent bien leur destin. C’est ce que l’impérialisme français a fait en Libye en 2011, et c’est ce que l’impérialisme américain recherche au Soudan aujourd’hui.

13 – Malgré l’apparente contradiction entre Abdel Fattah al-Burhan et Hamedati au niveau de leurs différentes alliances avec les impérialistes américains et russes, il a été constaté d’une part qu’il existe un lien étroit entre la milice d’Hamedati et l’Organisation russe Wagner et la relation entre cela et la contrebande de tonnes d’or vers la Russie, contre laquelle les États-Unis d’Amérique veulent s’opposer. D’autre part, la tendance d’Abdel Fattah al-Burhan à s’allier aux États-Unis et à l’Égypte et son accord à conclure l’accord d’Abraham avec Israël comme condition pour la levée des sanctions américaines contre le Soudan, cependant, il existe des relations et des contacts qui unissent également Hamidati avec les États-Unis, l’Éthiopie, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, qui sont tous des pays en orbite des États-Unis d’Amérique. Ce fait confirme la nature réactionnaire de tous ces partis et leur position unifiée face à la vague populaire révolutionnaire au Soudan contre la tyrannie et la corruption militaire, et un rejet complet des politiques économiques et sociales capitalistes libérales qui ont appauvri le pays. Le succès de la révolution populaire au Soudan propagerait des révolutions populaires dans les différents pays voisins qui vivent également dans la tyrannie.

14 – La volonté des impérialistes de maintenir la continuité du même régime militaire tyrannique au Soudan apparaît particulièrement exagérer à communiquer avec les deux belligérants pour trouver des solutions pour régler le conflit existant, ou pour soutenir la victoire d’une partie sur L’autre. L’impérialisme parie constamment qu’un régime militaire autoritaire est le seul capable de maintenir les masses soudanaises soumises au mode de production capitaliste, et d’assurer la poursuite du pillage direct des richesses du Soudan ou indirectement par le biais de mécanismes néolibéraux.

15 – Nous concluons que ce qui se passe au Soudan en termes de combats est en fait une contre-révolution et une guerre de classe contre les masses populaires soudanaises afin d’assurer leur soumission à la seule domination des puissances impérialistes. Le cas du Soudan constitue un exemple idéal de ce qui se passe dans tous les pays africains et arabes qui ont fait de leurs peuples des prisonniers dans leurs casernes, gouvernés par des puissances militaires dominantes qui suivent la volonté de l’impérialisme dans ses anciennes formes coloniales ou dans ses nouvelles méthodes impérialistes.

16 – Enfin, la nature de cette guerre menée par l’impérialisme par procuration contre la liberté et l’indépendance des peuples pose la question de l’enracinement de la lutte des classes au niveau local, régional et international, tâche difficile qui nécessite son dépassement pour construire un front Uni ouvrier et populaire contre le fascisme et l’impérialisme.

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