21 novembre 2024

Aller chercher Macron ? Comment ?

Nous publions ici- dessous une analyse politique de « l’Affaire Benalla » de l’Unité communiste de Lyon que nous partageons à plus d’un aspect. Aller chercher Macron ? Comment ?

 

C’est tout le pouvoir des monopoles qu’il faut aller chercher !

 

Les révélations faites autour de l’affaire Benalla ont plus d’un mérite. Elles ont ouvert une fenêtre plus que palpitante sur les contradictions du pouvoir en place, mais également sur les forces politiques qui officient en France, sur leurs conceptions et sur leurs limites ou leur opportunisme, en fonction des cas.

Plus l’enquête avance, plus un système complet de clientélisme, de passes-droit, de relations troubles fait surface. Sans être inattendu, car le régime bourgeois provoque et cherche la corruption, la révélation de ce réseau est néanmoins passionnante. Alexandre Benalla est un véritable symbole de ce fonctionnement dans lesquels les règlements et les lois sont transgressés, où la police couvre les traces des méfaits commis, et où le mensonge est érigé en art.

Lorsque les frasques sont sues, elles sont tues. Lorsque des sanctions sont prises, elles sont symboliques. En revanche, les avantages et tricheries internes sont encouragées et récompensent la férocité.

Les auditions des différents acteurs de cette affaire, dont l’ex-PS Gérard Collomb, ont pu faire la lumière sur l’hypocrisie de la direction de l’État bourgeois, laquelle n’a aucun état d’âme à mentir sans vergogne pour se sortir de ce mauvais pas. Les responsables font bloc le temps que la tempête passe, sachant que les risques d’être mis en cause concrètement et exposés à de véritables condamnations sont quasiment nuls.

Pour parachever cela, le président de la République, Emmanuel Macron, s’est même octroyé le fait de ses permettre une provocation, en s’exclamant « je suis le responsable, venez me chercher ! ». Tout en sachant pertinemment que son immunité le protège juridiquement.

Une légitime colère s’est emparée de ceux et celles qui ont vu dans ces propos la marque du mépris le plus total de la part du chef de l’État. La très grande majorité de la population du pays ne peut qu’être choquée par cette attitude.

Nombre d’organisations ont alors tenté de capitaliser sur cette colère pour faire leur beurre, et engranger un appui populaire. Les Républicains tout comme le Rassemblement National ont tenté de surfer sur ces questions pour jouer sur la corruption de l’exécutif et pour avancer leurs pions. A ce jeu là, les plus réactionnaires n’ont pas hésité à jouer sur l’origine du principal mis en cause pour déverser également leur haine raciste ou leurs thèses complotistes, faisant de Benalla un agent de la Franc-maçonnerie, un terroriste en puissance ou un agent d’Israël.

A gauche, « Allons chercher Macron » a été érigé en cri de ralliement. Seulement, derrière le cri, la question de la transcription pratique s’est posée. Or celle-ci n’est pas si anodine, elle est même particulièrement importante. Elle est particulièrement importante car elle pose la question du rapport à l’État et au pouvoir.

La FI comme le PCF ont joué la carte de la motion de censure, pour tenter de provoquer la chute du gouvernement. Le RN et les Républicains ont également opté pour cette voie. Pourtant elle est purement symbolique, car elle n’a absolument aucune chance d’aboutir. Ceux et celles qui la suivent ne peuvent l’ignorer. Elle est un moyen de faire un coup d’éclat pour se placer comme opposition principale, pour gagner un avantage moral -temporaire- et espérer capitaliser dessus pour les prochaines échéances électorale. Aller chercher Macron se limite, pour ceux-ci, dans toute leur variété, à une forme nouvelle de « votez pour nous ».

Hors de l’assemblée, les organisations trotskistes ou réformistes radicales ont été, elles aussi, plus que gênées par cette situation. Habitués à se cantonner dans le registre de la défense économiste, cette situation où il fallait répondre politiquement les ont désarçonnés.

Tout comme dans les slogans tels que « de l’argent, il y en a, dans les caisses du patronat » , « aux riches de payer la crise… » etc, se pose la question du « comment ? », « comment aller le chercher, comment leur faire payer ? » et où la réponse, en générale, est évasive. Dans les faits, il existe une pudeur invraisemblable à quitter le registre économiste et à poser la question en termes politiques, en termes de pouvoir.

Le NPA, par exemple, se limite à présenter une crise politique comme une opportunité économiste, « Nul doute que cet affaiblissement peut devenir un point d’appui pour les nombreux combats à mener à la rentrée. Face aux violences du gouvernement, qu’elles soient sociales ou physiques, il est grand temps de désarmer Macron ! » L’ironie de la chose voulant que l’exigence du désarmement paraît difficile à mettre en œuvre dans un système où la bourgeoisie bénéficie d’une « toute-puissance favorisée et rendue possible par les institutions de la Ve République. » 

Dans un autre article, sur le site « Révolution Permanente » l’auteur indique « Si l’affaire Benalla a montré toute la violence du régime présidentiel, il manque aujourd’hui une alternative à cette République des privilèges et des privilégiés, qui, en même temps de rogner sur les droits des travailleurs en leur demandant « l’exemplarité », ne respecte même pas les lois qu’elle feint de défendre. » Nous ne pouvons que être en accord avec cette déclaration. Mais cependant, l’alternative, qu’est-elle ? « Cette mobilisation extra-parlementaire, avec les méthodes qui sont les nôtres, la grève et les manifestations, est la seule à même de pouvoir remettre en question cette République de magouilles, de copinages et de vrais privilégiés. » La grève économique est, pour Révolution Permanente, la solution. Le même article regrette que la CGT et le mouvement ouvrier ne se soient pas plus impliqués, limitant le débat à des questions économiques et économistes.

Invocation, encore, lorsque le même déclare « si les travailleurs s’invitaient dans les débats qui traversent le pays actuellement, pour apporter leurs propres solutions, cela pourrait être un coup important contre l’ensemble de la Cinquième République et ses institutions pourries, et changer enfin la donne, non pas pour remplacer la cinquième par une sixième République, où il y aurait toujours un gouvernement des patrons malgré les changements de façade qui pourraient être proposés, mais pour que cela soit véritablement les travailleurs et l’ensemble des opprimés qui prennent leurs affaires en main une bonne fois pour toutes. »

Il suffirait donc que les travailleurs s’invitent dans le débat pour que cela puisse changer. Il s’agit là d’une des faillites de la conception trotskiste, laquelle ne comprends finalement pas le sens de l’organisation politique et de la révolution. « Il s’agira par la suite de chercher à construire une véritable mobilisation d’ampleur qui soit en capacité d’exiger et imposer à ceux qui nous ont trop longtemps gouverné la fin d’un régime de privilèges et de privilégiés. » Le comment se pose encore comme question.

Lutte Ouvrière, elle aussi reste dans une expectative d’un sursaut spontané du mouvement économique, qui, par l’œuvre du Saint Esprit, par une alchimie secrète, se muerait en mouvement révolutionnaire.

Dans les faits, « aller chercher Macron » revient à affronter la bourgeoisie dans toute sa force, dans le but de la chasser du pouvoir. Or l’expérience et l’histoire démontrent que ce n’est qu’autour de l’organisation politique, autour d’un Parti révolutionnaire que la bourgeoisie peut être chassée du pouvoir. Certes ce parti n’existe pas encore, mais il n’existera jamais sans compréhension politique du rôle de l’Etat et de la nature du changement politique à faire. Il n’aura jamais une influence politique sur les masses populaires et plus particulièrement les ouvriers et les ouvrières si il n’ose pas franchir le Rubicon de la politique et affirmer que son rôle est d’apporter la négation du pouvoir de la bourgeoisie. 

Certes, il existe un chemin immense à parcourir, mais ce chemin immense ne peut être arpenté par des voies contournant l’obstacle politique, et se limitant à des revendications économiques ou à des transfert de propriété juridiques (nationalisations) et qui, in fine, nient la question de la révolution, la question de la réaction de la bourgeoisie et celle du pouvoir populaire, sous la forme de la dictature du prolétariat, seule forme de pouvoir permettant de transformer la société et de repousser les assauts des réactionnaires et des restaurateurs. L’Unité Communiste de Lyon considère que les mouvements politiques révolutionnaires ont leur mot à dire et leur carte à jouer dans la situation politique actuelle. Le dégoût des institutions qui se renforce doit trouver son écho dans les mots d’ordres des communistes, lesquels ont la tâche de politiser les masses populaires, de politiser les luttes des exploités, de politiser la colère qui gronde. De politiser, d’organiser et d’agir contre l’Etat bourgeois, contre le pouvoir bourgeois, pour la révolution prolétarienne. Nous défendons l’extra-parlementarisme comme une étape, comme un moyen pour les masses de s’exprimer politiquement. Aussi imparfaite qu’étaient les expériences des indignés ou de nuit debout, elles ont joué un rôle d’étape dans le fait d’avoir une volonté de créer des instances de débat et de décision en dehors des cadres institutionnels. Elles ont été des expériences limitées dans le temps comme dans la profondeur, mais posaient des questions néanmoins plus profondes que les réformistes et les électoralistes. Elles posaient, en dernière instance, la question du pouvoir.

Au lieu de désarmer Macron, les positions de la gauche réformiste et radicale-réformiste entraînent les masses populaires sur la voie de la conciliation de classe, en attendant que « les gens se réveillent » et contribuent à maintenir l’illusion qu’un simple ’20h sur TF1′ est suffisant pour transformer concrètement et complètement la société capitaliste et à instaurer le communisme. Aller chercher Macron, c’est se doter des moyens de chasser la classe qu’il incarne du pouvoir, mais aussi se poser la question de la nature du pouvoir qui doit émerger.