22 novembre 2024

Notes succinctes sur les 60 années d’indépendance politique de l’Algérie

(voir en fin d’article nos commentaires)

Le mardi 5 juillet 2022 marque le 60e anniversaire de l’indépendance politique de l’Algérie. Ces soixante années sont une période suffisante pour voir ce qui a été fait ou pas fait par la bourgeoisie algérienne pour donner le pain, la liberté et les bienfaits de la science et de la civilisation moderne au peuple. Le 5 juillet 1962, le peuple algérien formait son État indépendant après avoir détruit l’odieux et atroce système colonial. Victoire d’importance mondiale qui se situait dans une évolution du rapport de force international favorable aux peuples coloniaux du fait de l’existence du camp socialiste. En effet, la victoire de l’URSS durant la Seconde Guerre Mondiale a favorisé l’alliance anti-impérialiste du mouvement de libération nationale des colonies, semi-colonies et du camp socialiste. Donc, la victoire du peuple algérien contre le capitalisme colonial français n’est pas un événement isolé de son contexte mondial.

Le peuple chinois sous la direction des communistes remporta la victoire contre les forces de la trahison nationale chinoise et l’impérialisme en octobre 1949. Le peuple vietnamien derrière son parti communiste avait bouté hors de sa patrie le colonialisme français avec la retentissante victoire militaire de Dien-Bien-Phu en mars 1954. Ces victoires d’une portée historique mondiale remportée par ces peuples sur l’impérialisme et le colonialisme jouèrent un puissant stimulant dans le soulèvement du peuple algérien contre le colonialisme français. A l’issue de huit années d’une guerre de libération nationale (novembre 1954-mars 1962) le peuple algérien mettait fin à l’atroce et odieux système colonial qui sévissant depuis la conquête de juillet 1830 par le capitalisme français. Contrairement aux révolutions nationales-démocratiques en Chine et au Vietnam, la révolution nationale démocratique algérienne se contenait de réaliser l’émancipation nationale du peuple algérien sans vouloir aller à l’émancipation sociale des travailleurs et paysans. Elle n’a pas détruit l’Etat colonial en juillet 1962. Celui-ci a été prit et utiliser comme tel par le Front de Libération Nationale (FLN) à l’usage de la petite bourgeoisie et bourgeoisie en devenir. L’État algérien tel qu’il existe aujourd’hui est une copie de l’État français comme ses homologues marocain et tunisien. Nous parlons de révolution nationale démocratique parce que les tâches qu’elle s’assignait étaient au fond des tâches démocratiques bourgeoises et non des tâches socialistes, prolétariennes.

La révolution algérienne a supprimé une forme d’oppression nationale (le colonialisme avec ses horreurs sans noms) et non toute forme d’oppression ordre social, politique et culturelle.  Les paysans et les ouvriers algériens ont fait une révolution (ils furent la force motrice de la guerre de libération nationale) non pour eux-mêmes, mais pour la petite-bourgeoisie. A cause de la défaillance théorique et politique du Parti communiste algérien (PCA) sur la question nationale et coloniale, la petite-bourgeoisie se couvrant de l’étiquette socialiste (mâtiner de concepts féodalo-patriarcaux) a su s’élever au rang d’avant-garde révolutionnaire du peuple algérien.  La plus importante décision fût prise par l’Algérie indépendante fut l’adhésion du pays au Fond Monétaire International (FMI) en novembre 1962. Sur le plan économique le FLN permit à l’impérialisme français de garder ses positions notamment dans le secteur pétrolier et gazier jusqu’au 24 février 1971, date de la nationalisation par l’équipe Boumédiène de ce secteur stratégique pour le développement économique du pays. L’option socialiste n’alla pas jusqu’à donner la terre au peuple au moyen de la nationalisation du sol et le partage des terres aux paysans pauvres et moyens.

Le FLN nationalisa la propriété foncière détenue par les colons européens (environ 3 millions d’hectares), mais ne toucha pas la grosse propriété terrienne algérienne. La nouvelle classe dirigeante se réclamait de «l’option socialiste» à base autogestionnaire. L’autogestion est un principe anarchiste et non communiste. Il n’existait aucune planification économique centralisée à l’instar de ce qui se faisait en URSS et dans les pays de la démocratie populaire. La réforme-agraire de 1972 était une réforme en trompe l’œil du fait qu’elle indemnisa pendant une quinzaine d’années les propriétaires fonciers expropriés. Une partie de la population algérienne notamment dans les campagnes trouva le salut non dans le pays même, mais dans l’émigration en France pour ne pas mourir de faim. En effet, les capitalistes français avaient exigeaient et obtenus du FLN (Accords d’Evian) qu’il envoie chaque année en métropole 20 000 Algériens pour satisfaire leur soif de profit. Cette force de travail ne trouvait pas preneur en Algérie parce que le pseudo-socialisme algérien (dit socialisme spécifique) ne pouvait l’absorber.

Certes, le pays était exsangue par les huit années de guerre, le délabrement et la ruine économique légués par le colonialisme. Il faillait à partir «de rien» bâtir une économie solide et efficiente pour la population. Mais, comme le FLN était pour l’économie de marché il ne pouvait mettre graduellement et progressivement en place des rapports socialistes. Cependant, on peut développer une thèse nihiliste refusant de faire la différence entre le colonialisme et la période d’indépendance même avec ces tares et carences. Des tâches d’édification nationale purent voir le jour comme la nationalisation même tardive des hydrocarbures et du gaz, une industrialisation qui a donné un appareil industriel relativement conséquent, la scolarisation gratuite du primaire à l’université, la médecine gratuite, une hausse indéniable des conditions de vie des Algériens sur une période relativement courte, des droits sociaux aux travailleurs, etc. Le rapprochement politique et économique de l’Algérie avec les pays du camp socialiste (devenu révisionniste) n’était pas motivé par principe (les dirigeants du FLN de Ben Bellah, Boumèdiene, Chadli et consorts étaient des anti-communistes notoires) était au fond motivé plus par des considérations opportunistes que des motivations idéologiques. Nous rappelons, ici, que cet exposé n’est pas une analyse exhaustive de la politique interne et externe de l’Algérie de l’option socialiste.

Au plan politique, le FLN qui avait supprimé en théorie les classes sociales aux intérêts antagonistes et la lutte qu’elles se livrent pour la conquête du pouvoir politique…supprima aussi cette fois-ci réellement les libertés démocratiques élémentaires. Celui-ci imita de façon caricaturale les pays de la démocratie populaire (dirigé par un parti communiste) en instaurant un parti unique. Parti unique qui prétendait servir tous les Algériens en dehors de leur condition sociale et de la classe auxquelles ils appartenaient. Ce mode de gouvernement ne pouvait tenir la route (il explose en 1988) du fait de l’accumulation des contradictions sociales et de la différenciation sociale de plus en plus poussée entre riches et pauvres, entre bourgeois et prolétaires, entre exploiteurs et exploités.

Au plan culturel. Ce fût une culture théorique qui fit office de politique culturelle promeut au nom de la lutte contre l’influence occidentale. Ce qui était visée à travers la promotion de la pseudo-culture nationale, «arabo-islamique», ce n’était pas la promotion de la pensée rationaliste arabe qui a apporté une grande contribution à la pensée humaine (Ibn Sina, Ibn Roch, Maraari, Ibn Khaldoun, etc.), mais la promotion du cléricalisme en général. La lutte contre l’influence occidentale était en réalité une lutte contre «l’esprit occidental» à l’origine du progrès social et scientifique des temps moderne. Le socialisme du FLN n’était pas un socialisme scientifique, mais un socialisme sentimental, réactionnaire, qui niait et combattait au nom de la religion les instruments de la connaissance du monde qu’il apporte aux hommes.

Aujourd’hui, l’Algérie qui est plus riche qu’il y a 60 ans n’a pas pu continuer à faire prospérer socialement et intellectuellement sa population. Celle-ci même si, elle est formellement éduquée subie l’emprise de l’irrationalité et de l’abrutissement. Une bonne partie de la jeunesse étouffant sous le poids du conformisme, de l’aridité intellectuelle et de la monotonie ambiante risque sa vie en mer pour la quête d’une vie meilleure en Europe. Le peuple algérien qui vivait plus misérablement du temps de la colonisation détient, aujourd’hui, un triste record : celui de l’émigration de nombreux de ses citoyens à travers le monde. Ce fait est rattaché directement à la mauvaise situation économique, politique et culturelle du pays. Les rapports de dépendance du pays envers le capital financier international sont de plus en plus préjudiciables aux Algériens.

Il suffit de comparer les prix des produits importés avec ceux pratiqués en France pour comprendre que l’Algérie est devenue une semi-colonie commerciale notamment du capitalisme français. Hier, elle a été une colonie aujourd’hui elle est réduite à l’état d’une semi-colonie commerciale. C’est bien la preuve que l’indépendance politique qui n’est pas accompagnée d’une indépendance économique ne peut mettre fin aux rapports économiques et politiques inégaux qui régissent les relations impérialistes universelles entre les pays capitalistes avancés et les pays capitalistes arriérés.

Les autorités officielles algériennes vont célébrer en grandes pompes les festivités du 60e anniversaire de notre indépendance. Le peuple travailleur d’Algérie doit être fière de cette date anniversaire non comme une fin en soi, mais comme le début de la lutte libératrice, génératrice d’une Algérie où l’oisif ira loger ailleurs. Le meilleur service que l’on puisse rendre à nos martyrs qui ont chassés le colonialisme c’est de terminer cette lutte libératrice par la libération sociale et intellectuelle des prolétaires algériens. Lutte qui s’inscrit dans la lutte générale et universelle des travailleurs pour se libérer de la servitude capitaliste.

Le 5 juillet 2022

Salah S.

4 réflexions sur « Notes succinctes sur les 60 années d’indépendance politique de l’Algérie »

  1. Défaillance signifie bien manquer à son rôle, sa mission historique, en l’occurrence pour le PCA prendre la direction du mouvement de masse pour libérer le pays de l’odieux joug colonial. Cette tâche salutaire et vivifiante n’a pu être réalisé jusqu’au bout par le PCA. La petite-bourgeoisie algérienne a su profiter de la ligne nationale-réformiste du PCA pour attirer à elle la paysannerie et le prolétariat arabo-musulman et conduire jusqu’au bout à la libération politique du pays.
    Alors pourquoi s’accrocher à un mot ? Contrairement au parti communiste vietnamien, le PCA était constitué par de nombreux européens in-intéressés par une rupture radicale, révolutionnaire, de l’Algérie avec la France. Le PCA a été le petit-frère du PCF quand il interprétait la question coloniale et nationale en Algérie non comme une question révolutionnaire, mais une question réformiste ; c’est- à -dire que la nation algérienne devait s’intégrer à la nation française où que c’est la révolution prolétarienne en France qui libérerait le peuple algérien. Cette conception paternaliste est étrangère à tout internationalisme, à l’égalité et à la fraternité entre les peuples. Ainsi, par la voix du PCF et de son petit-frère, PCA, le prolétariat français libérerait les peuples coloniaux et ceux-ci attendraient les bras croisés que la chose vienne de la métropole. Cette vision unilatérale, étriquée, de l’internationalisme à la Jaurès a été balayé par le flot impétueux de la victoire de la révolution nationale démocratique algérienne. Le PCF et le PCA n’ont pas compris que le caractère d’une révolution se détermine par les tâches historiques qu’elle doit accomplir. La conception étriquée de la révolution nationale démocratique lui a fait penser qu’il devait laisser la question nationale aux mains de la petite-bourgeoisie radicale, tandis que lui se consacrait à la politique démocratique (égalité des droits avec les occupants européens) et à la législation sociale pour les masses populaires arabo-berbères, spoliés et écraser sous le talon de fer colonial. Arrêtons là. D’autre part, quand le camarade écrit à la fin de son message  » Alors soyons rigoureux dans nos propos et nous y parviendrons » on se demande si ce n’est pas un tique chez lui : en effet, osez écrire que « Ce ne fût pas le cas le PCA glissa de plus en plus vers un opportunisme droitier jusqu’à sa propre disparition » sans faire preuve de rigueur historique c’est quand même fort. En 1996, nous avons célébrés à Lille le soixantième anniversaire de la fondation du PCA. Cette célébration a été à l’initiative de la section française du PADS. Parti qui représentait l’aile révolutionnaire (marxiste-léniniste) du défunt PAGS, dissout par les gorbatchéviens algériens au début de l’année 1993. Donc, quand le camarade use du mot « disparition » sans entrer dans la moindre précision factuelle et événementielle. Quand et comment le PCA le camarade ne ne dit pas. Alors camarade un peu de rigueur et peut-être que nous surmonterons nos divergences. La reconstruction d’une nouvelle organisation internationale des travailleurs ne pourra se faire sur la base du maoïsme du fait que cette théorie s’est enracinée plus dans les pays agraire que dans les pays capitalistes avancés. Seul le marxisme-léninisme a fait ses preuves dans les pays agraires et les pays capitalistes arrivés au stade impérialiste. Les congrès et conférences dans les pays du camp socialiste (URSS et démocraties populaires) de la période 1946 jusqu’au triomphe de la ligne révisionniste (20 congrès du PCUS) n’ont jamais mentionnés Mao Zedong comme un dirigeant marxiste-léniniste de la trempe d’un Staline, d’un Dimitrov ou un autre dirigeant de la même veine. C’est pendant la brouille URSS, révisionniste et Chine maoîste que nous avons vu apparaître la figure de Mao Zedong comme un continuateur de Staline. Cela ne correspond à aucune réalité concrète. Ces choses dites, je pense que pour nous la situation présente, marquée par une déception générale des travailleurs à l’égard du communisme, nous interpelle grandement pour les tâches qu’elle nous pose. Nous devons lutter pied à pied pour arracher les ouvriers à l’influence négative du réformisme avec ses formes diverses et variées sur le mouvement ouvrier. Celui-ci joue aujourd’hui non seulement le rôle du soutien social du régime bourgeois, mais il entrave la pénétration du communisme parmi les ouvriers et les petites-gens. Voilà selon, moi, la tâche que nous devons entreprendre si nous voulons que notre rêve colle avec le développement social. SF. salah sakhri

  2. Le courant communiste du PCA en Algérie après l’indépendance et surtout après la dissolution du PAGS est devenu discret. Peut-être a-t’il raison car les services de renseignements du régime sont partout et à l’affût pour asséner des coups bas aux oppossants. Le PAGS a été sous la coupe de dirigeants recrutés par les services de renseignements. Un Gorbatchev algérien a disloqué de l’intérieur le PAGS. Le mouvement prolétaire et les autres couches populaires ont besoin d’un unificateur et guide irremplaçable qui est le parti communiste algérien.

  3. Quand on accorde plus d’importance aux mots qu’aux faits on cherche la petite bête. Dans l’affaire ce n’est pas la politique anti-coloniale du PCA, dictée à l’évidence par la théorie para-colonialiste de Maurice Thorez, SG du PCF, « Algérie, nation en formation dans le creuset de vingt races » qui est l’objet de mes notes, mais bien la défaillance idéologique et politique du PCA. En effet, le terme défaillance signifie bien un état des choses causés par x ou x problèmes. En politique, on peut faire des erreurs parce que le rapport de force est contraire, on peut aussi faire des erreurs par une mauvaise analyse de la situation ou on peut faire des erreurs par opportunisme dans ce cas l’erreur n’est pas une erreur, mais une faute. Pour rester dans le sujet l’ancêtre du PCA la fédération communiste algérienne du PCF avait adoptée en février 1926 une motion réclamant l’indépendance de l’Algérie dirigée par un gouvernement ouvrier et paysans. Le PCA, aligné sur le PCF, a trahi cette résolution révolutionnaire au nom de la lutte anti-fasciste. Des historiens communistes peuvent chercher à expliquer sur la base d’une documentation fiable cette trahison, mais ce n’était pas l’un buts de mon texte. Maintenant, si des camarades souhaitent engager une discussion à propos de leur interprétation du marxisme-léninisme sur question nationale en générale et coloniale en particulier…cela ne pose aucun problème pour ma part. Bien à vous. salah sakhri

  4. Peut-on dire que c’est « à cause de la défaillance théorique et politique du Parti communiste algérien (PCA) sur la question nationale et coloniale, la petite-bourgeoisie se couvrant de l’étiquette socialiste (mâtiner de concepts féodalo-patriarcaux) a su s’élever au rang d’avant-garde révolutionnaire du peuple algérien ? »
    A mon avis non. Il n’y a pas eu « défaillance théorique et politique sur la question nationale et coloniale » du PCA. Si cela avait été le cas on peut toujours s’autocritisquer et rectifier. Ce ne fût pas le cas le PCA glissa de plus en plus vers un opportunisme droitier jusqu’à sa propre disparition.
    Le PCA, il faut l’affirmer à suivi dès le début une ligne opportuniste, s’opposant au nom de la France à la lutte de libération. Se faisant il reprenais la ligne du Parti Communiste Français (PCF) qui considérait l’Algérie comme un département français (le 93!). Stratégiquement il avait abandonné la ligne révolutionnaire de prise de pouvoir pour reprendre la ligne opportuniste du « passage pacifique au socialisme » développée dès 1945 par Maurice Thorez.
    C’est cette lutte de ligne qui va traverser tout le mouvement communiste et qui sera fort bien argumentée par les camarades chinois de la période maoïste. On sait aujourd’hui que la ligne opportuniste à liquider le mouvement communiste international qui nous reste à reconstruire aujourd’hui. Alors soyons rigoureux dans nos propos et nous y parviendrons.

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