Palestine, Liban, Syrie,…
Le « Grand Israël » ; et l’équilibre impérialiste mondial rompu ? (Partie 1)
La guerre d’agression menée par l’armée israélienne contre plusieurs pays arabes et peut-être aussi contre l’Iran vise à réorganiser les zones d’influence au Proche-Orient en faveur de l’impérialisme israélien. Elle suit l’objectif fasciste sioniste de créer un « Grand Israël ».
Les plans du Grand Israël fournissent la justification déterminante de l’expulsion systématique de la population palestinienne par des colons réactionnaires et fascistes en Cisjordanie. C’est la liquidation et l’expulsion délibérées de toute la population palestinienne d’Israël.
Les plans fascistes du Grand Israël ne sont pas le fait de « fanatiques » isolés, mais correspondent à la nature agressive de l’impérialisme israélien. Ses projets politiques et militaires de domination dans toute la région est la conséquence des lois économiques du système impérialiste mondial.
L’Asie de l’Ouest est en grande partie identique à la région appelée jusqu’à aujourd’hui « Proche et Moyen-Orient », selon la terminologie du colonialisme européen. Elle est d’une importance capitale pour tous les impérialistes, tant en raison des très grandes réserves mondiales de pétrole et de gaz que du point de vue géostratégique comme lien entre l’Asie, l’Europe et l’Afrique.
Jusqu’en 2022, le bloc du G7 dirigé par les États-Unis, malgré ses revers en Irak, en Syrie et en Afghanistan, avait une nette suprématie en Asie occidentale, s’appuyant sur Israël et les pays néo-impérialistes subordonnés au G7, à savoir l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et la Turquie, membre de l’OTAN. En revanche, le bloc dirigé par la Chine autour des pays du BRICS ne pouvait s’appuyer que sur l’Iran comme avant-poste. Depuis lors, un important transfert de pouvoir s’est opéré en faveur du bloc dirigé par la Chine :
Neuf mois avant le 7 octobre 2023, l’Arabie saoudite et presque tous les États du Golfe étaient admis comme partenaires de dialogue de l’« Organisation de coopération de Shanghai » (OCS) dirigée par la Chine et la Russie, l’Iran en devenait même membre à part entière. Six mois avant le 7 octobre, l’impérialisme chinois réussit un autre coup politique important : à Pékin, l’Arabie saoudite et l’Iran, sous la direction de la Chine, convenaient de normaliser leurs relations après des décennies d’hostilité mortelle attisée principalement par les États-Unis. Avec toute une série de conséquences immédiates ; entre autres, le régime syrien d’Assad (tombé depuis lors) est réintégré dans la Ligue arabe – c’était la fin définitive des rêves du G7 de changement de régime en Syrie. En août 2023, le sommet des BRICS en Afrique du Sud annonce que les pays d’Asie occidentale, l’Iran, l’Arabie saoudite et les Émirats Arabes Uni (EAU), ainsi que le voisin d’Israël, l’Égypte, seront admis dans le groupe. Parallèlement, les premières mesures ont été prises (qui seront considérablement renforcées en 2024) pour que les transactions pétrolières de la Chine avec les EAU et l’Arabie saoudite ne se fassent plus en dollars américains mais en monnaie chinoise (le Renminbi ou Yuan). Les deux pays pétroliers sont également devenus les piliers d’un projet de monnaie numérique propre aux BRICS (mBridge2), dirigé par la banque centrale chinoise, qui devrait à terme briser le monopole du dollar américain en tant que monnaie de référence mondiale. Ce monopole est l’un des pieds d’argile sur lesquels repose le colosse américain. Il a jusqu’à présent empêché l’énorme dette publique américaine de conduire à son effondrement économique. De même, la guerre économique contre les pays mal vus sous forme de sanctions ou de gel des avoirs de l’État n’est possible pour l’impérialisme américain que grâce à ce rôle particulier du dollar – pour l’instant.
Entre-temps, la Turquie, membre de l’OTAN, a également annoncé sa demande d’adhésion à l’OCS dirigée par la Chine et aux BRICS.
Les contradictions et les manœuvres tactiques entre les pays néo-impérialistes d’Asie occidentale et leurs intérêts propres ne se sont donc pas évaporés. Mais l’évolution en défaveur des impérialistes du G7 et d’Israël est indéniable.
Israël préjuge sa chance
En 2023, la classe dirigeante israélienne a très vite compris que le rapport de force était en train de changer radicalement. L’intérêt d’Israël pour le G7 avait soudainement augmenté massivement en Asie occidentale. Israël y a vu l’occasion d’imposer enfin ses propres plans néo-impérialistes contre la volonté de ses maîtres à Washington. Mais de quels plans s’agit-il au juste ?
Vaincre l’état d’apartheid – par le génocide
Les dirigeants d’Israël ont compris : L’état d’apartheid actuel n’est pas adapté à l’avenir rêvé d’une puissance néo-impérialiste stable. Car il engendre inévitablement de nouveaux soulèvements et révoltes des Palestiniens opprimés. Il n’existe toutefois que trois alternatives à l’état d’apartheid. Les deux premières, la solution d’un seul État et celle de deux États, sont toutes deux rejetées par Israël. La seule solution restante est l’assassinat ou l’expulsion de l’ensemble de la population palestinienne du territoire revendiqué du « Grand Israël ». Ce nettoyage ethnique est l’objectif des attaques israéliennes depuis le début et non pas, comme on le prétend, l’anéantissement du Hamas.
Avant le 7 octobre, le génocide ouvert n’a pas pu être imposé à la puissance dominante, les États-Unis. Non pas en raison d’un intérêt américain pour les droits des Palestiniens, mais parce qu’un génocide et une guerre fascistes aussi ouverts vont à l’encontre des objectifs géostratégiques impérialistes des États-Unis. Cependant, en raison de la modification du rapport de force en Asie occidentale, Israël était certain que les États-Unis/G7 n’avaient désormais plus d’autre choix que de soutenir inconditionnellement leur dernier avant-poste fiable – s’ils ne voulaient pas perdre totalement leur influence en Asie occidentale. Le régime sioniste a finalement utilisé le 7 octobre 2023 comme justification pour commencer un génocide planifié de longue date.
Dans quel dilemme insoluble cela a-t-il placé les impérialistes occidentaux, en premier lieu les États-Unis ? Et qu’est-ce que cela signifie pour la lutte contre le danger d’une troisième guerre mondiale ?
(Partie 2) La défense stratégique d’Israël et le dilemme du G7
Le renversement du régime d’Assad en Syrie souligne que le transfert de pouvoir entre les blocs impérialistes en Asie occidentale est un processus très dynamique. Mais la direction de l’évolution en défaveur des impérialistes du G7 et d’Israël est indéniable. Les changements de rapport de forces économiques sous-jacents ont un poids bien plus important à long terme qu’un changement de pouvoir en Syrie.
Le régime Biden, la Turquie et Israël poursuivent des objectifs différents en instrumentalisant les bandes terroristes fascistes d’Al-Quaida rebaptisées HTS. Pour Erdogan, il s’agit avant tout de contrôler le nord de la Syrie et donc le Kobané. Les États-Unis et Israël ont remporté une victoire tactique à court terme en affaiblissant massivement l’Iran et le Hezbollah en leur coupant les voies d’approvisionnement et en permettant à Israël d’avancer sur le territoire syrien, sur le Golan. Il n’est toutefois pas certain que cela soit à son avantage à long terme. L’affaiblissement de l’Iran le rendra encore plus dépendant de la Chine. Et un régime islamiste-fasciste avec sa propre armée directement à la frontière israélienne ne devrait guère contribuer à la stabilité, mais plutôt entraîner une déstabilisation massive de toute la région à moyen terme. Il faut donc se préparer encore plus à des évolutions irrégulières.
La stratégie défensive d’Israël
Malgré la récente avancée tactique de l’invasion du territoire syrien en violation du droit international, le déroulement de la guerre jusqu’à présent est en grande partie un désastre pour Israël. En particulier, son objectif principal, le nettoyage ethnique des territoires palestiniens est loin d’être achevé malgré tous les massacres perpétrés contre la population civile – surtout parce que la volonté de résistance des Palestiniens défie la terreur d’État d’Israël.
La crainte de devoir un jour interrompre le génocide sous la pression des protestations de masse mondiales et de devoir ensuite sortir de la guerre bannie dans le monde entier et affaibli politiquement, militairement et économiquement, dicte aujourd’hui l’action du régime sioniste.
En guise de prétendue issue, Israël tente régulièrement de provoquer une guerre ouverte contre le Liban et surtout l’Iran dans le cadre d’une stratégie d’escalade agressive. L’objectif est de mettre délibérément toute l’Asie occidentale à feu et à sang, ce qui équivaudrait à un risque aigu de troisième guerre mondiale. Le calcul d’Israël est que dans une telle escalade, les impérialistes de l’OTAN, les États-Unis en tête, seraient contraints d’entrer en guerre avec leurs propres troupes et de la décider en faveur d’Israël.
Un frein à la guerre américaine contre la Chine
Mais c’est précisément ce que l’impérialisme américain ne veut pas faire jusqu’à présent. La raison se trouve à des milliers de kilomètres à l’est, en Chine. Dans les centres de commandement américains, on a reconnu depuis longtemps que la nouvelle superpuissance chinoise, qui se développe à une vitesse fulgurante, ne peut déjà plus être vaincue sur le seul plan économique. Les annonces grandiloquentes et contradictoires de Trump concernant des droits de douane énormes, la réindustrialisation et le renforcement du dollar américain échoueront dans leur ensemble tout comme la guerre commerciale perdue de Trump/Biden depuis 2018, en raison des lois économiques capitalistes.
Depuis toujours, chaque puissance impérialiste tente de mener la lutte pour la domination mondiale sur le terrain où elle est la plus forte. C’est pourquoi la Chine mise sur son développement économique et politique, tout en se préparant à l’éventualité d’un conflit militaire. En revanche, la majorité de la classe dirigeante américaine considère que le seul moyen de continuer à affirmer sa prétention à dominer le monde entier est de lancer une guerre d’agression contre la Chine et son bloc. Ce serait le début de la Troisième Guerre mondiale. C’est surtout de cela que découle concrètement le rôle des États-Unis en tant que principal belligérant dans le monde – peu importe que le président s’appelle Biden ou Trump. Leurs camps ne se distinguent pas sur le mouvement vers guerre mondiale, seulement sur la stratégie de sa préparation et avec quels alliés cela doit se produire.
Le « conseiller à la sécurité nationale » de Donald Trump, Mike Waltz, le dit ouvertement dans une interview sur FOX News : Il y critique les livraisons d’armes et d’argent à l’Ukraine, alors que celles-ci « sont nécessaires de toute urgence pour le conflit avec la Chine ». Après l’Ukraine, les États-Unis ont été entraînés dans un deuxième bourbier régional qui les détourne de cet objectif tout en leur collant à la peau comme une chape de plomb. Les impérialistes du G7, avec les États-Unis à leur tête, ont ainsi été placés par leur propre avant-poste, Israël, dans un dilemme presque impossible à résoudre :
* L’objectif d’Israël d’escalader vers une guerre dans toute l’Asie occidentale mobiliserait peut-être leurs ressources financières et militaires pendant des années. Pendant ce temps, l’équilibre stratégique continuerait de pencher en faveur de la Chine.
* De plus, le G7, les États-Unis et l’Allemagne en tête, sont moralement discrédités dans le monde entier en raison de leur soutien presque inconditionnel au génocide des palestiniens. Leur hypocrisie sur la « démocratie » et les « droits de l’homme » est de plus en plus démasquée. Leur objectif de mettre la plupart des pays néo-impérialistes d’Asie occidentale en position de force contre la Chine sous la direction des États-Unis s’est éloigné. L’une des principales publications spécialisées de l’impérialisme américain en matière de stratégies géopolitiques, « Foreign Affairs », a publié dans son numéro de juillet/août 2024 un article extrêmement inquiet intitulé « America is Losing the Arab World – And China Is Reaping the Benefits » (L’Amérique perd le monde arabe – et la Chine en profite). Il montre que même dans les dictatures féodales d’Arabie saoudite ou de Jordanie, les dirigeants ne peuvent pas ignorer la colère des masses populaires contre Israël et sa puissance protectrice, les États-Unis – même s’ils le voulaient.
Ainsi, l’Arabie saoudite, les EAU, le Koweït et Oman ont récemment interdit aux États-Unis, après une rencontre avec le gouvernement iranien, d’utiliser des bases militaires dans leurs pays pour attaquer l’Iran. Une gifle pour la superpuissance, qui a déployé la majeure partie de ses 40 000 soldats de la région dans ces pays. Nous parlerons ultérieurement des pays africains qui ont demander à la France de fermer ses bases (Sénégal et Tchad notamment)
Cela nous montre qu’il ne s’agit pas des conflits isolés en Asie de l’Ouest. Pour le comprendre il faut considérer l’ensemble des crises et des rivalités mondiales pour comprendre que tout le système impérialiste est déséquilibré et menace l’avenir de l’humanité. La politique communiste et révolutionnaire impose d’aller vers un dépassement de l’impérialisme, vers le socialisme. Ceux qui soutiennent les BRICS, prétendus « meilleurs » impérialistes au nom d’un soi-disant « monde multipolaire », se trompent de route. Seule la perspective révolutionnaire pourra éviter à l’Humanité une Troisième Guerre mondiale nucléaire.
Écrit à partir d’un article de Rote Fahne (publication du Parti ml d’Allemagne)