Première victoire judiciaire dans l’affaire Total en Ouganda
Première victoire pour les associations françaises et ougandaises qui s’opposent, devant la justice, aux activités pétrolières de Total en Ouganda et Tanzanie. La multinationale prévoit de forer plus de 400 puits de pétrole situés, pour un tiers d’entre eux, au cœur de l’aire naturelle protégée de Murchison Falls en Ouganda, et cherche à édifier le plus long oléoduc chauffé du monde, nommé East African Crude Oil Pipeline (EACOP), pour exporter le pétrole extrait.
Après une décision du tribunal judiciaire de Nanterre en janvier 2020, qui s’était déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce, et sa confirmation en décembre 2020 par la cour d’appel de Versailles, les Amis de la Terre, Survie et leurs quatre partenaires ougandais avaient décidé début 2021 de se pourvoir en cassation. Mercredi 15 décembre, après deux ans de bataille juridique, la Cour de cassation a donné raison aux six organisations en reconnaissant la compétence du tribunal judiciaire. La Cour a tranché en faveur des associations en reconnaissant le « droit d’option » dont celles-ci bénéficient en tant que requérantes non commerçantes [1]. L’affaire va donc retourner en première instance au tribunal judiciaire de Nanterre, pour être examinée sur le fond. L’audience devrait se tenir dans les prochains mois.
Juliette Renaud, des Amis de la Terre France, a exprimé dans un communiqué le « soulagement » des associations, mais aussi leur inquiétude « par les délais que cette question a engendrés » : « Pendant ce temps, selon nos enquêtes, plus de 100 000 personnes sont toujours privées totalement ou partiellement de leurs terres et de leurs moyens de subsistance en Ouganda et en Tanzanie. Il y a urgence à agir, et nous espérons que la décision à venir sur le fond permettra d’ordonner à Total de prendre enfin des mesures concrètes pour faire cesser ces violations. »
Cette action en justice est la première sur le fondement de la loi sur le devoir de vigilance des multinationales. Cette loi a pour objectif de rendre les entreprises responsables des conséquences de leurs activités sur les tiers que sont les salariés de ses filiales, fournisseurs et sous-traitants, les communautés locales ou encore l’environnement. « Alors que le tribunal de commerce tire sa légitimité de la connaissance du monde des affaires, il s’agit ici d’enjeux externes, de protection des droits humains et de la planète, qui ne peuvent être réduits à un litige purement commercial », expliquent les organisations dans leur communiqué.