Anaïs Sidhoum (Rapport de Force)
Si le printemps et l’été 2022 battent des records de chaleur, ils sont aussi marqués par une hausse de la température sociale aux quatre coins du globe. En cause : une inflation galopante. Pour ses lectrices et lecteurs, Rapports de Force a préparé un tour du monde des mouvements sociaux avant de vous laisser pour sa pause estivale.
L’augmentation du prix des produits alimentaires, de celui de l’essence, des salaires qui ne suivent pas, une crise économique sociale et sanitaire qui ne cesse de s’amplifier… Les conséquences d’années de pandémie, de la guerre d’agression russe dans le “grenier à blé” de l’Europe, des sanctions économiques des pays de l’OTAN et des effets du réchauffement climatique sur les cultures et les infrastructures sont mondiales. Et provoquent des réactions des populations, en premier lieu dans les pays les plus durement frappés.
Inflation et crise alimentaire
Dans les pays à faible et moyen revenus, les tensions d’approvisionnement – particulièrement importantes du fait de difficultés à tous les niveaux de chaînes conçues pour fonctionner en flux tendu – couplées aux flambée des prix des matières premières, commencent à provoquer des pénuries de produits alimentaires – mais aussi de fertilisants, essentiels pour assurer les prochaines récoltes. La Banque Alimentaire Mondiale estime ainsi que depuis 2019, se sont 150 millions de personnes qui ont basculées dans la faim, portant le nombre total à 828 millions. Elle avertie aussi que 20 pays et régions déjà en situation d’insécurité alimentaire critique pourrait voir leur situation s’aggraver d’ici septembre.
Si la hausse des prix est globale, certains pays à la monnaie fragile font face à de véritable crises inflationnistes. C’est le cas au Liban, où il devient difficile de trouver un commerçant qui accepte la livre, en Irak ou au Zimbabwe, confronté à un taux record d’inflation à 130%. Mais l’alimentation n’est pas le seul problème. Le prix du carburant est un enjeux majeur qui met la jeunesse dans la rue au Ghana comme au Népal, qui a été un déclencheur majeur des 18 jours de combat en Équateur et déclenché une grève massive au Pérou, dans le secteur du transport.
Crise sociale
La pandémie et ses effets dévastateur ont exacerbé les tensions dans le monde du travail, autant qu’ils ont mis en lumière l’importance de la solidarité collective et des services publics. Avec les revendications salariales, la défense des services public est donc sans grande surprise une revendication porté par les nombreuses de grèves du secteur public, qui parfois paralyse un pays entier comme au Liban ou en Afrique du Sud. Au delà des services public ce sont avant tout les secteurs qualifiés d’essentiels qui sont partout en première ligne des grèves. Parce que ces travailleurs font parti des plus impactés par les crises sanitaire et sociale, mais aussi parce que les très importantes tensions des infrastructures et des chaînes d’approvisionnement les placent en situation de force. Ainsi, la semaine dernière, Joe Biden intervenait personnellement pour empêcher une grève du secteur ferroviaire, qui seraient en capacité de paralyser totalement les plus grands ports de la côte ouest, déjà gravement saturés.
Plus de 2 millions de mineurs indiens se disent prêts à mettre à genoux le réseau électrique du pays, qui s’apprête à rentrer dans la saison critique de la mousson. Mais cette stratégie ne se déploie pas que par la grève. Les infrastructures sont aussi la cible de choix de la plupart des mouvement sociaux à travers le monde, des autoroutes du Panama aux tracteurs hollandais, en passant par les stations services pakistanaises. En Chine, c’est les banques qu’on menace d’une grève des remboursement de prêt immobilier, faisant trembler les marchés et réussissant à inquiéter un État policier pourtant tentaculaire. Au Mozambique ou en Iran, des manifestants osent à nouveau défier des États qui avaient maté dans le sang les mobilisations précédentes. Et si ni le degré de conflictualité ni celui de la répression ne sont bien sûr les mêmes du Sri Lanka au Royaume-Uni, la tendance générale est au durcissement, de l’un comme de l
’autre. D’autant que plusieurs de ces crises sont aussi politiques et institutionnelles. Comme en Tunisie, au Royaume Uni ou en Irak, ou encore au Kenya, dont les élections, qui doivent se tenir dans quelques jours, ont déjà fait plusieurs morts au nord du pays.