16 octobre 2024

Lénine : 100ème anniversaire de sa mort

Maïakovski : « Hier, à six heures cinquante minutes est mort le camarade Lénine »

Le 21 janvier 1924, mourait Lénine. Maïakovski, le lendemain, commence un long poème rendant hommage au grand dirigeant de la révolution russe, nous en publions de larges extraits.

Maïakovski est né en 1893 en Géorgie dans une famille de garde forestier. Le père mort, la famille déménage à Moscou. C’est un temps de misère noire, de répression tzariste. A 15 ans il s’engage dans le Parti bolchevick de Lénine, sera arrêté à plusieurs reprises et fera de la prison. Il dévorera la littérature, la philosophie, plus tard le jeune rebelle s’engage dans un groupe « futuriste », puis après la révolution de 1917 il fera parti de l’association des écrivains prolétariens. Il ira déclamer ses poèmes dans les usines auprès des ouvriers.

« — Hier, à six heures cinquante minutes
est mort le camarade Lénine. —

Cette année a vu ce que ne verront pas cent.
Ce jour entrera dans la morne légende des siècles.

L’horreur fit sortir un râle du fer.
Sur les bolchéviks roula une vague de sanglots.
Terrible, ce poids !
On se trainait comme une masse au-dehors.
…..

La joie est un escargot rampant.
Le malheur, un coursier sauvage.
….
La nouvelle assaille l’ouvrier devant son tour.
Une balle dans l’esprit.
Et c’est comme si l’on avait renversé
un verre de larmes sur l’outil.
Et le moujik qui en a vu de toutes sortes,
qui a, plus d’une fois, regardé la mort dans les yeux,
se détourne des femmes, mais se trahit
par les traînées noires essuyées du poing.
Il y avait des hommes — du silex, ceux-là mêmes
se mordaient la lèvre, à la percer.

Les enfants étaient pris d’un sérieux de vieux,
et les vieux pleuraient comme des enfants.

Le vent pour toute la terre hurlait l’insomnie,
et ne pouvait, se levant, relevant, penser jusqu’au bout
que voilà, dans le gel d’une petite chambre de Moscou,
il y a le cercueil du père et du fils de la révolution.
La fin, la fin, la fin. Il faut y croire !

..

La rue — on dirait une plaie ouverte,
tant elle fait mal, et tant elle gémit…
Ici chaque pierre connaît Lénine,
piétinée par les premières attaques d’octobre.

Ici chaque tour a entendu Lénine,
et l’aurait suivi à travers feu et fumée.
Ici Lénine est connu de chaque ouvrier —
….
Il menait au combat, annonçait les conquêtes,
et voilà le prolétaire maître de tout.

— Ici, chaque paysan a inscrit
dans son cœur le nom de Lénine
Il ordonna d’appeler leurs, les terres
dont rêvent au tombeau les grands-pères morts sous le knout.

Et les Communards — ceux de la Place Rouge —
semblaient murmurer : « Toi, que nous aimons !
Vis, et nous n’avons besoin d’un destin plus beau —
cent fois nous irons à l’attaque prêts à mourir ! »
….

Mais dans cette glaciale et terrible queue,
tous s’alignaient avec enfants et malades.
Les villages se rangeaient à côté des villes.
La douleur tintait, enfantine ou virile.
La terre du travail défilait en revue,
bilan vivant de la vie de Lénine.
Le soleil jaune, louchant tendrement,
se lève, et jette les rayons à ses pieds.
Comme traqués, pleurant l’espoir,
penchés de douleur défilent les Chinois.
Les nuits venaient sur le dos des jours,
confondant les heures, mélangeant les dates.
….

Mais voilà que s’arrêtent le chant et le souffle,
et on n’ose faire un pas — sous le pied, c’est le gouffre,
c’est le bord tranchant d’un gouffre de quatre marches.
Tranchant l’esclavage de cent générations,
où l’on ne connaît que de l’or la sonnante raison.
Le bord du gouffre — le cercueil de Lénine,
sur tout l’horizon, la commune.

Peut-être des yeux sans larmes en verraient-ils plus.
Ce n’est pas de ces yeux que je regardais.
La soie des drapeaux flottants s’incline,
rendant les derniers honneurs :
« Adieu, camarade, tu l’as terminé, ton chemin honnête et vaillant. »

Ferme les yeux, ne regarde pas,
comme si tu marchais sur un fil de soie.
Comme si un instant tu étais
seul à seul avec une immense et unique vérité.

Je suis heureux…
Heureux d’être une parcelle de cette force
qui a en commun même les larmes des yeux.

Plus forte, plus pure, ne peut être la communion
dans l’immense sentiment nommé classe !

Et la mort d’Ilitch elle-même
devint un grand organisateur-Communiste.
Déjà au-dessus des troncs d’une forêt monstrueuse,
des millions de mains tenant sa hampe,
la Place Rouge — drapeau rouge, monte,
s’arrachant d’une terrible saccade.
De ce drapeau, de chacun de ses plis,
vient, à nouveau vivant, l’appel de Lénine :

— En rangs, prolétaires, pour le dernier corps à corps !
Esclaves, redressez vos genoux pliés !
Armée des prolétaires, dans l’ordre, avance !
Vive la révolution, joyeuse et rapide ! vive la révolution…
Ceci est la seule et unique grande guerre,
de toutes celles que l’histoire ait connues. »

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