22 décembre 2024

Des COP sous la coupe des multinationales ou comment on trompe l’opinion publique

Greta Thunberg n’est pas allée à Charm-El-Cheikh. La militante suédoise a dénoncé « une opportunité pour les dirigeants […] d’obtenir de l’attention pour toutes sortes de greenwashing ou d’opérations de communication pour prétendre agir contre la crise climatique ». Le secrétaire général de l’ONU António Guterres n’est guère plus enthousiaste : « Nous nous dirigeons vers une catastrophe mondiale. Nous avons besoin d’action climatique sur tous les fronts et nous en avons besoin maintenant », disait-il fin octobre. La COP 27 s’est déroulée bien à l’abri des regards publiques.

En effet, depuis trente ans, alors que les réunions s’enchaînent, les émissions de gaz à effet de serre ne cessent de croître : en 2021, la concentration de CO2 dans l’atmosphère a atteint un nouveau record (414,7 parties par million (ppm) en moyenne). Sans cesse décevantes, les COP servent à quoi ?

Des engagements lors de la COP3 et de la COP21

Les conférences des parties (COP) rythment les négociations internationales sur le climat depuis trente ans. Chaque année, les représentants des 197 États signataires de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques et leur délégation prennent part aux négociations, sous l’œil de nombreux observateurs. Sauf que ces représentants sont bien souvent déjà fortement liés aux grands groupes monopolistes internationaux.

En 1997, lors de la COP3, à Kyoto (Japon), les pays développés se sont engagés à réduire de 5 % leurs émissions de gaz à effet de serre en signant le protocole dit de Kyoto. Les États-Unis, les plus grands pollueurs, n’ont jamais ratifié l’accord. Mais un premier pas semblait être fait.

« La COP de Copenhague de 2009 a pourtant permis de poser certains principes, assure Lola Vallejo, directrice du programme climat du Réseau Action Climat. Les pays développés ont promis de mobiliser 100 milliards d’euros par an à partir de 2020 pour aider les pays en développement à faire face au changement climatique. Est née aussi l’idée de créer un fonds vert pour le climat destiné à financer les projets d’adaptation au changement climatique, ainsi que le principe de « contribution déterminée au niveau national » ». La conférence de Copenhague a aussi posé le niveau de réchauffement de 2°C comme un seuil à ne pas franchir.

Bien plus ambitieuse, la COP21 s’est traduite en 2015 par la signature de l’Accord de Paris, le premier traité engageant l’ensemble des États à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Objectif : limiter le réchauffement climatique bien en deçà des 2 °C, et si possible de 1,5 °C. Le traité stipule aussi que la neutralité carbone doit être atteinte dans la seconde moitié du siècle et invite les États à rehausser leurs ambitions tous les cinq ans.

Des promesses non tenues

Si certains engagements sont ambitieux, « il existe un fossé entre la réalité physique et humaine du changement climatique et les engagements qui sont pris lors des COP, analyse Clément Sénéchal, porte parole de Greenpeace .

En 2021, face à l’insuffisance des engagements pris par les États, le Pacte de Glasgow leur a laissé une année supplémentaire. Seuls vingt-quatre pays ont joué le jeu, déplore l’ONU. Pire « Les progrès réalisés depuis la COP26 représentent un recul d’environ 0,5 gigatonne d’équivalent CO2 (Gt eq CO2) par an, résultant principalement […] de l’Australie, du Brésil, de l’Indonésie et la République de Corée », est-il précisé dans l’analyse des contributions publiée début novembre. Pour contenir le réchauffement en dessous de 1,5 °C, ces nouvelles contributions auraient dû atteindre 23 Gt eq CO2 !

Des décisions à leurs applications

« Ce n’est pas lors des COP en tant que telles que les Etats décident des réductions de leurs émissions, explique Alexandra Deprez, spécialiste de l’Iddri. Ils le font en amont… où doit être retranscrite la mise en œuvre. » Si les États-Unis ont promulgué le plus grand plan jamais engagé pour le climat, le pays n’est toujours pas en mesure d’atteindre ses objectifs de réduction de 50 à 52 % des émissions pour 2030. De même, l’Australie qui a voté une nouvelle loi climat à la faveur d’un changement de gouvernement continue pourtant de soutenir des projets sur le charbon et le gaz.

Et en France ? Alors que l’Union européenne s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 55 % à l’horizon 2030, seul un objectif de réduction de 40 % des émissions de GES est inscrit dans la loi française. « La loi Climat Énergie de 2019 était l’occasion de rehausser l’ambition de la France », de même que la loi Climat et résilience de 2021. Mais, dénonce Clément Sénéchal, « tous les amendements qui permettaient d’insérer cet objectif dans la loi… n’ont donc même pas été discutés au Parlement ». Dans un jugement rendu fin 2021, la France a même été condamnée par le tribunal administratif de Paris pour ne pas avoir rempli ses engagements. Comment demander aux pays en développement de faire des efforts quand les pays riches, ayant historiquement davantage contribué aux émissions de gaz à effet de serre, ne remplissent pas leur part du contrat ?

Les politiques énergétiques : un sujet tabou

Pour Nicolas Haeringer, de l’association 350.org, il existe un autre angle mort : « La question des politiques énergétiques — et de l’extraction des hydrocarbures — ne fait pas partie du mandat des COP. Ces questions restent discutées au niveau national. » Dans son rapport de 2021, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a clairement indiqué qu’il fallait cesser le déploiement de nouveaux projets pétroliers afin d’atteindre l’objectif de l’Accord de Paris. « Continuer ces projets, c’est délibérément choisir de ne pas respecter l’Accord de Paris », dénonce l’activiste.

Les pays sont de plus en plus accros aux énergies fossiles. La production d’énergie fossile (charbon, gaz et pétrole) a même bondi en 2022. Et celle de pétrole n’a jamais été aussi élevée. Les subventions pour ces productions restent massives.

Des COP sous pression des multinationales !

Autre point de tension pour les activistes, la présence envahissante du secteur privé et des lobbies. À l’instar du festival d’Avignon, deux espaces cohabitent : un in où l’on négocie les termes de l’accord, et un off — sorte de « foire expo du climat ». « Cela décrédibilise les COP », juge Clément Sénéchal. Le fait que Coca cola soit sponsor officiel de l’évènement a profondément choqué l’opinion publique. Pour Nicolas Haeringer, l’accès aux entreprises climaticides devrait être interdit, « comme l’OMS l’avait fait pour l’industrie du tabac ».

D’autant que de nombreux acteurs privés profitent des COP pour communiquer sur leurs engagements climatiques. De l’écoblanchiment, selon certains observateurs. Alexandra Deprez explique ainsi que « les entreprises peuvent choisir de compenser leurs émissions en achetant des crédits carbone ou en misant sur la séquestration du carbone sans opérer de réelles réductions des émissions ».

(Écrit en s’appuyant sur des articles publiés par Reporterre (un bulletin qu’il faut lire – avec une esprit critique – et soutenir).

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