8 novembre 2024

Dans les océans, les records de chaleur menacent la vie marine

Des constats terriblement alarmants. Dérèglements, perturbations et de nouvelles catastrophes en perspective. Un bon article scientifique paru dans la revue en ligne Reporterre. Il désigne comme responsable un « ON » anonyme. « ON » ? L’humanité entière ou une classe bourgeoise assise sur son mode production, celui du capitalisme ? Un système social qui engendre, par sa logique même, celle du profit à tout prix, de graves atteintes à la Nature, notre base de vie et dont l’humanité fait partie. On entend souvent qu’il faut « s’adapter. » S’adapter à la catastrophe ?! Nous disons nous qu’il faut là aussi résister ! C’est une question de la lutte de classe ! Sauver l’humanité du capitalisme par la révolution en construisant pas à pas, dès aujourd’hui, un large Front de résistance. C’est de cela que discutera la Conférence  stratégique pour l’environnement à Berlin sous le slogan : « Travailleurs et mouvement environnemental tous ensemble – dans le monde entier ! » (la rédaction du site)

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Les eaux de surface des océans du globe atteignent sans interruption, depuis mars 2023, des températures jamais enregistrées auparavant.

Voilà maintenant un an que l’océan global ondule en terrain inconnu. Depuis le 13 mars 2023, la température moyenne à la surface des océans bat quotidiennement des records, selon les données de l’Agence atmosphérique et océanique américaine (NOAA), traduites en courbes sur la plateforme Climate Reanalyzer de l’Université du Maine (États-Unis). Le 10 mars 2024, les eaux de surface mondiales atteignaient, toujours selon la NOAA, 21,2 °C. Du jamais-vu à cette période de l’année.

Les services météorologiques européens tirent eux aussi la sonnette d’alarme. Dans un communiqué publié jeudi 7 mars, l’observatoire Copernicus constate que la température moyenne de surface des eaux, au mois de février, s’est élevée à 21,06 °C. Un niveau supérieur au précédent record mensuel (20,98 °C), établi en août 2023.

Un coup d’œil à la carte mise au point par les experts donne une idée de la gravité de la situation : du Pacifique à l’océan Indien, en passant par la Méditerranée et la mer des Caraïbes, l’immense majorité des eaux tirent vers l’orange, traduisant une température moyenne supérieure, voire « très supérieure », à celle habituellement enregistrée en février au cours de la période 1991-2020. De très larges zones sont couvertes de rouge, indiquant le dépassement d’un record de chaleur.

Les écarts de température de la surface des océans en février 2024 par rapport à la moyenne de 1991-2020. climate.copernicus.eu

L’Atlantique nord, en particulier, a connu une année hors norme. À la fin du mois d’août, ses eaux de surface dépassaient les 25 °C, avec des anomalies de température supérieures de 1,3 °C à la moyenne 1982-2011. Les eaux irlandaises et britanniques ont été frappées par des canicules marines stupéfiantes, les températures pouvant dépasser de 5 °C les normales estivales.

« Une année complète comme ça, avec des records journaliers, c’est exceptionnel », note Thibault Guinaldo, chercheur en océanographie spatiale au Centre national de recherches météorologiques (CNRS-Météo France). Le changement climatique en est le principal responsable, explique-t-il : « Les océans absorbent une très grande partie de l’excès de chaleur dans l’atmosphère, ce qui se traduit par leur réchauffement constant d’une année sur l’autre. »

L’évolution quotidienne de la température mondiale à la surface des océans, de 1981 à 2024. climatereanalyzer.org À ce dérèglement d’origine humaine s’est superposée, en 2023, la perturbation naturelle El Niño. Ce phénomène climatique, qui réapparaît tous les trois à sept ans, s’est traduit par un réchauffement du Pacifique tropical. El Niño devrait normalement s’éclipser à la mi-2024, faisant légèrement redescendre le thermomètre. Du moins à court terme. « Tant qu’on émettra des gaz à effet de serre, l’océan continuera de se réchauffer » , dit Laurent Bopp, océanographe et chercheur au Laboratoire de météorologie dynamique.

« On perturbe le fonctionnement du système climatique »

Le réchauffement des océans a des conséquences majeures sur les sociétés humaines, le système climatique et la biodiversité. Il est notamment parmi les principaux responsables de l’élévation du niveau des mers, souligne Thibault Guinaldo : « Lorsqu’un fluide se réchauffe, il prend davantage de volume. Et donc, plus l’océan se réchauffe, plus son niveau augmente. »

« Lorsque l’eau est plus chaude, il y a davantage d’évaporation, dit également Laurent Bopp. Il y a un lien entre la température de l’eau de mer, l’abondance de l’eau dans l’atmosphère et donc, les épisodes de précipitations extrêmes sur les continents. » Ce phénomène est notamment documenté en Méditerranée. La hausse des températures modifie également les grands courants océaniques, qui redistribuent l’énergie entre l’Équateur et les pôles. « On perturbe le fonctionnement du système climatique », note-t-il.

La vie marine paie elle aussi un lourd tribut. Plus l’eau est chaude, moins elle peut contenir d’oxygène. Cela peut durement affecter le développement des poissons. Lorsque la température des eaux de surface augmente, elles deviennent par ailleurs moins denses, et se mélangent donc plus difficilement avec les eaux plus froides et lourdes situées en profondeur. Ce phénomène, appelé « stratification de l’océan », freine les échanges de chaleur, de carbone et d’oxygène entre les différentes couches d’eau salée. « Plus l’océan est stratifié, moins les éléments nutritifs de l’océan profond peuvent être amenés en surface et fertiliser le plancton », alerte le chercheur.

« Peut-être les prémices d’un bouleversement de l’habitabilité de l’océan »

À cela s’ajoutent les épisodes de blanchiment massif des coraux. Dans une étude publiée l’été dernier dans la revue scientifique Global Change Biology, une équipe d’une soixantaine de chercheurs internationaux a montré que les canicules marines qui ont frappé la région entre 2015 et 2019 avaient provoqué des « mortalités massives » chez une cinquantaine d’espèces de poissons, d’éponges, d’algues ou encore de mollusques, jusqu’à 40 mètres sous la surface de l’eau. « C’est comme si l’on se trouvait en face d’une forêt cramée », expliquait en juin 2023 à Reporterre Joaquim Garrabou, chercheur à l’Institut des sciences de la mer de Barcelone et co-auteur de cette étude.

Lorsque les eaux de surface deviennent trop chaudes pour eux, les organismes qui y vivent peuvent être contraints de migrer vers les pôles. Ce phénomène pourrait n’être « que la partie émergée de l’iceberg », selon le chercheur Météo-France au Centre national de recherches météorologiques Roland Séférian. Une étude à laquelle il a contribué, publiée en 2022 dans la revue scientifique Nature Climate Change, suggère que les écosystèmes situés à plus de 50 mètres de profondeur pourraient eux aussi être bouleversés par l’accumulation de chaleur dans l’océan.« Ce qu’on voit aujourd’hui, ce sont peut-être les prémices d’un bouleversement complet de l’habitabilité de l’océan. »

Seul espoir de mettre au pas ce phénomène meurtrier : « couper nos émissions de gaz à effet de serre », rappelle Thibault Guinaldo. « C’est la principale cause du réchauffement, et celle sur laquelle on peut jouer. » »

Article de la revue Reporterre de mars 2024, pour Soutenir Reporterre

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