22 décembre 2024

à propos du: Nouveau Statut du Travailleur Salarié (NSTS)

Un camarade syndicaliste nous écrit à propos  du:

Nouveau Statut du Travailleur Salarié (NSTS)

Remarque de la rédaction du Site: la démonstration du côté destructeur de l’unité de la classe ouvrière est très juste puisque ce Nouveau Statut attache le travailleur à « son » entreprise; et les syndicalistes de base ont raison de s’y opposer. Toutefois, un syndicalisme de lutte de classe ne peut se développer qu’en lien avec le Parti révolutionnaire. C’est justement lui qui nous manque, on ne peut s’y substituer en « radicalisant » le syndicalisme existant.

1ère Partie:

Au service du réformisme et du syndicalisme d’accompagnement
Le NSTS est la revendication phare de la confédération CGT depuis plus de quinze ans. Il occupe les débats de nombreux congrès d’UL, d’UD et surtout ceux de la confédération (il est dans les textes d’orientation de presque chaque congrès depuis 2006).
Adopté pour de bon lors du congrès de Lille en 2006, le NSTS se veut être un bouclier à vie pour chaque salarié. Ainsi, nous aurions tous un statut salarié avec un contrat de travail du début à la fin de notre vie active que l’on soit au chômage, malade ou autre. La confédération revendique par ce biais la fin de la précarité et le CDI pour tous. De fait, le NSTS serait le garant, là où les conventions collectives ou le code du travail failliraient, d’emplois stables : « Nous mesurons tous les jours que le droit du travail, les garanties collectives, les statuts, ne permettent pas eux seuls de juguler l’explosion de la précarité et de la flexibilité. L’insécurité au travail mine notre société »  .

En effet, ce qui existe aujourd’hui n’a pu empêcher l’émergence et la généralisation de tout un tas de nouveaux contrats précaires (intérimaires, stagiaires, CDD, CAE, CDI de chantier, Uberisation, etc.). Encore une fois, la confédération se range dans le camp des légalistes et des partenaires sociaux quand elle limite son horizon seulement à l’acte législatif ou dans celui d’une simple réforme qui réglerait tous les problèmes des travailleurs. D’ailleurs, il est bien explicité que le droit du travail et nos anciens conquis sociaux ne nous ont pas protégé de l’explosion de la précarité actuelle. Alors, comment, aujourd’hui, de nouveaux droits empêcheraient l’explosion à moyen terme de nouvelles formes de précarité ?

Finalement il y a là une entière confiance dans la résolution des maux du capitalisme au sein même de ce capitalisme. À aucun moment un bilan sur  l’action syndicale de lutte ou sur un travail d’ampleur pour amener un plan de bataille contre la précarité n’est mis sur la table afin d’enrayer cette offensive patronale. On reste coincé sur des bouts de papiers à signer avec le gouvernement sans rapport de force, sans lutte portée par la classe.
L’émergence, et ensuite la généralisation, des contrats précaires se sont faites au sein même des entreprises dans lesquelles étaient présentes la CGT. L’éclatement des grands sites de production en une myriade de petites et moyennes entreprises sous-traitantes s’est fait aussi au sein de sites où la CGT était présente. Mais nos syndicats n’ont pas su, ou pas pu, voire même pas voulu empêcher cette montée de la précarisation. Le niveau de protection qu’apporte telle ou telle convention collective, ou telle ou telle loi, n’est pas le fruit de la simple revendication ou d’une excellente négociation, mais découle bien d’un rapport de force mis en place par les travailleurs avec à leur tête les syndicats, dans les entreprises et dans la rue.

Agnès Le Bot : intervention d’orientation pour le NSTS lors du congrès de Lille, 2006. Seulement, l’argumentaire de la confédération sur le NSTS ne se cantonne qu’à de la négociation, comme cela est expliqué par Agnès Le Bot lors du congrès de Lille « de l’exigence de l’extension du droit syndical, d’un réel droit de négociation pour un nombre important de salarié » ; « de la nécessité de faire évoluer le paritarisme de gestion » ; on retrouve aussi ce genre de discours dans des formations ou de la documentation des UD : « Dans ce contexte, les refus patronaux et gouvernementaux de répondre aux exigences de négociations pour répondre aux aspirations de justice sociale sont de plus en plus brutaux ; la réforme du système de retraites est éloquent à cet égard ! » et dans le même document : « gagner la responsabilité sociale des entreprises » et pour terminer en beauté voilà ce que permettra le NSTS selon Agnès Le Bot toujours pour la confédération : « pour créer les conditions de la viabilité et de la pérennité de l’entreprise, il faut construire avec les salariés les droits et moyens d’intervenir sur leur travail et les richesses qu’il crée ». Voici le genre de lexique de négociateur, de partenariat social ou de responsabilité des syndicats en entreprises qui entourent cette revendication et qui, à aucun moment, ne met en avant la mobilisation dans la lutte des syndicats (et plus largement celle des salariés). Et ce, non pas pour une revendication qui les enfermerait dans un statut de salarié, à l’origine justement de tous nos problèmes par essence, mais dans un projet émancipateur, hors du cadre du système capitaliste imposé, nous y reviendrons. Au contraire on vient vanter les projets qui pérennisent l’entreprise, entreprises qui rappelons le, ne nous appartiennent pas.

N’oublions pas tout de même qu’il y a quelques années encore les syndicats avaient des moyens d’intervenir (CE, DP ou CHSCT, largement réduit aujourd’hui via les CSE). Pour autant, ces moyens d’interventions ne servaient pas à la pérennité des entreprises mais servaient une démarche d’amélioration des conditions de travail et de rémunération, entrant obligatoirement dans une logique de confrontation avec l’employeur dont les intérêts financiers et de profitabilité sont antagoniques avec ceux des salariés. Le slogan « win-win », à peine camouflé ici dans l’argumentaire du NSTS, veut nous amener à croire qu’employeurs et salariés ont un intérêt commun dans la « gestion de l’entreprise », qu’une bonne négociation se fait lorsque patronat syndicats sortent tous deux gagnants. Il n’y a pas plus grande confusion, ni plus grand fourvoiement, qui dessert systématiquement la cause de la double besogne.
L’une des idées phares de cette revendication de la confédération CGT est la disparition du chômage. C’est un véritable tour de magie que joue la CGT qui, premièrement, n’explique jamais ce qu’est le chômage, son origine, ou le fait que le capitalisme a toujours vécu, vit et vivra avec cette « armée de réserve du capital ». On a eu beau chercher dans la documentation confédérale, il est bien dit que le chômage est une catastrophe mais à aucun moment nous tombons sur une explication, disons scientifique, de l’existence du chômage et c’est là que le bât blesse car, si on se penchait sur le sujet, le reste de l’argumentation ne tiendrait plus debout (nous mettrons en fin de l’article une définition). Deuxièmement, voilà ce que revendique la CGT afin de faire disparaître le chômage : lorsqu’une personne est licenciée (oui il n’y a pas de revendication sur ce sujet puisque selon Agnès Le Bot « la proposition formulée  (http://www.cgt-paysdelaloire.org/public/Note_NSTS.pdf)
Double besogne : signifie militer d’une part pour les revendications à court terme comme l’amélioration immédiate de nos conditions de travail mais qui doit être rattachée à une revendication plus globale qui est le dépassement du système capitaliste. Les syndicats qui ne s’affairent qu’à la tâche immédiate sont considérés comme réformistes, ils ne veulent pas changer le système mais simplement l’améliorer. par certains d’interdire les licenciements n’apporte pas de réponse convaincante ».) elle gardera le contrat de l’entreprise jusqu’à retrouver du travail… cela s’appelle avec le NSTS « une période de transition ». Et voilà : vous avez repeint le lapin en vert et vous appelez cela une grenouille ! C’est écrit noir sur blanc, il n’y a pas de disparition de chômage (de toute façon impossible en régime capitaliste) il y a simplement un nouveau nom : « période de transition » et le tour est joué.

Il y a un autre sujet sur lequel la revendication du NSTS joue la confusion : celui de la nature du travail salarié, pourtant socle sur lequel s’élève la société capitaliste. La confédération avance le fait que le NSTS (qui est un statut salarié, donc source d’exploitation par nature) permet de ne plus le considérer comme marchandise. Toujours sans parler de mobilisation de la classe, encore moins de lutte de classes, la confédération par la voix d’Agnès Le Bot parle, au travers du NSTS, de « transformation du travail », de ne plus prendre le travail « comme une simple marchandise », que le NSTS est autant de conditions « pour transformer le travail, son contenu, les conditions de son exercice » … « c’est le moyen de dépasser les logiques patronales enfermant le travail dans la notion de coût ». Finalement, il est dit ici et ce très clairement, que le NSTS enlèverait au capitalisme sa nature capitaliste tout en restant dans une société de classes, exploiteuse et exploitée, autrement dit une société capitaliste. Par cette revendication, la confédération revient sur un principe fondamental du réformisme : faire croire aux masses qu’une revendication de fond, sans s’attaquer à la question du pouvoir ou de la propriété des moyens de production, permettrait seule de s’émanciper du capital sans l’abolir ! La confédération s’enfonce toujours plus dans ses tours de prestidigitation pour toujours plus tromper les masses et au premier chef les syndiqués CGT sur ce qu’est réellement l’émancipation des salariés. Vous trouverez dans les formations des UD qui revendiquent ce statut tout un tas de vocabulaire sur le pouvoir d’émancipation que possède le NSTS. Malgré tout, nous affirmons plus que jamais, alors que le capitalisme est entré dans une crise historique de surproduction appauvrissant jour après jour le prolétariat travaillant dans ce pays, que seul un système justement débarrassé du salariat et où les ouvriers et ouvrières possèdent et dirigent eux-mêmes les outils de production, pourra permettre de dépasser les logiques patronales. Si demain le NSTS permettait de juguler la précarité, après demain la bourgeoisie aurait déjà découvert la façon de le détourner. Car il suffit de laisser à cette même bourgeoisie, vorace par nature, une once de pouvoir, pour qu’elle s’en serve systématiquement pour l’oppression et l’exploitation accrue des salariés. Penser qu’une loi permet de contenir l’appétit financier des actionnaires ou des patrons de multinationales  revient à faire confiance, par exemple, aux grands États pour respecter la convention de Genève en temps de guerre (regardez donc les conflits : Rwanda ; Libye ; Palestine ; Irak ; Syrie ; etc. aucune des conventions ni lois ne sont jamais respectées) ! Il ne s’agit plus aujourd’hui, face à l’explosion de la paupérisation du prolétariat, de proposer tel ou tel maquillage du capitalisme comme le fait le NSTS, ou bien imaginer tel ou tel système qui permettrait une sortie de crise du capital en renforçant ses appareils d’État. Il s’agit au contraire de répondre aux questions posées par les batailles qu’entreprennent ici où là les
masses ouvrières. Voyez ce que disait Monmousseau lors du 6 ème congrès de la CGTU en 1931 et qui reste brûlant d’actualité face à la crise actuelle :« Comment nos camarades de la Direction Fédérale de l’Enseignement, […] peuvent-ils dire que dans l’exploitation patronale à outrance ne se trouvent pas les éléments de la radicalisation des masses ? Je ne veux me livrer à aucune polémique avec nos camarades de la Direction Fédérale de l’Enseignement ; mais il ne faut tout de même pas oublier que cette thèse a été soutenue et elle l’est encore par les militants et la direction de la C. G. T. en disant que jamais la révolution ne sortira de la misère des ouvriers, que la révolution sera le fait de l’éducation des masses et de l’ascension des masses à un niveau supérieur de vie. Or, c’est quand le capitalisme peut donner aux masses ouvrières des conditions supérieures d’existence qu’il se consolide et maintient ses positions en face de la classe ouvrière. Au contraire, quand il ne peut plus assurer aux masses une telle situation, lorsqu’il est obligé, comme aujourd’hui, d’aggraver son exploitation, lorsqu’il est obligé, par la nécessité de sa situation inextricable, de diminuer les salaires des ouvriers, de faire déferler, vague après vague, ses attaques contre les travailleurs, de jeter hors des entreprises, mois par mois, de nouvelles dizaines de milliers de chômeurs, le capitalisme favorise les conditions de l’essor révolutionnaire des masses. Si notre Congrès d’aujourd’hui a une telle ampleur, c’est justement parce que la situation actuelle a développé les attaques patronales contre les ouvriers, provoquant un tel état d’esprit que tous les travailleurs sont intéressés à notre VI ème Congrès. C’est pour cela que nos militants ont pu apporter ici l’expression du mécontentement des ouvriers de telle sorte que notre réunion se place sous le signe d’une mobilisation des travailleurs marquant l’accentuation de la radicalisation des masses et leur éloignement des dirigeants réformistes. »
« Cette situation montre simplement qu’il s’est produit un changement dans le caractère des grèves. Cela veut dire que devant les nouvelles difficultés de la lutte, créées par le patronat, devant la multiplication des forces de la bourgeoisie, en face de l’ampleur des attaques contre les salaires des ouvriers, ceux-ci recherchent de meilleures conditions de combat. Ils nous demandent de leur apporter un plan d’attaque, en accord avec notre conception de la lutte des classes. La grève du textile est la meilleure des démonstrations à ce point de vue. Cela correspond également à une montée de l’esprit de lutte des masses. N’oublions pas que la- grève dans les textiles du Nord a été illustrée par les barricades de Roubaix et de Vervicq.
N’oublions pas les grèves des mineurs du Nord et du Pas-de-Calais, où se déroulèrent des combats de rues acharnés entre les masses et les forces policières. En réalité, il se produit, dans la classe ouvrière, une poussée de l’esprit de bataille, une nouvelle conception de la lutte, dictée par les nécessités nouvelles, et il nous appartient de répondre, nous, aux questions ainsi posées par les masses ouvrières. »
Au lieu de revendiquer un nouveau statut du salariat, retrouvons l’énergie révolutionnaire de nos ancêtres, de ceux qui ont construit la CGT, qui l’ont développée non pas dans quelques salons ministériels, ou par des revendications tout droit sorties de la tête de quelques hauts fonctionnaires de la CGT. Trouvons l’énergie dans la dynamique des luttes ouvrières, de ces syndicalistes qui avaient à cœur cette double besogne, seul vaccin contre le syndicalisme réformiste et d’accompagnement. Retrouvons dans ces phrases le cœur politique de notre activité syndicale, tirée de la charte d’Amiens de 1906 :« Tous les travailleurs conscients de la lutte à mener pour la disparition du salariat et du patronat. » … « Mais cette besogne n’est qu’un côté de l’œuvre du syndicalisme ; il prépare l’émancipation intégrale, qui ne peut se réaliser que par l’expropriation capitaliste ».

Nous publierons prochainement la seconde partie: de la nécessité du chômage sous le capitalisme

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