21 novembre 2024

Les Antilles s’émeutent

Nous reproduisons ici un article d’Unité Communiste sur les révoltes en Guadeloupe et en Martinique que l’on ne peut que signer. Avec l’article, on ne peut que dire : Non à la répression aux Antilles, pour la fin du colonialisme, réparation entière des dégâts coloniaux et un programme d’aide réelle selon les réels besoins de la population mobilisée.

Les Antilles s’émeutent

Les émeutes dirigées contre les mesures anti-covid révèlent qu’une grande partie de la population est épuisée, en a assez, et n’aspire plus qu’a un retour à la normale.

En Allemagne, en Hollande, dans les Antilles, nous avons pu voir, à l’annonce de nouvelles restrictions, des scènes de chaos, des embrasements populaires.

Il existe des colères justes, des colères sincères, mais qui prennent des formes réactionnaires. Dans ces colères, il existe une énergie destructrice et créatrice immense. Le rejet des institutions existantes, de leur fonctionnent décevant, truqué. Le sentiment d’avoir été trahi, le sentiment qu’on nous ment en permanence, pour nous faire accepter une situation de larbin, d’exploité, de dominé. Et ces sentiments, cette colère, cette révolte juste s’exprime, explose, à des endroits imprévus. Elle se heurte à ce qui est le moins supportable, le plus visible  : les restrictions de liberté au nom de la lutte contre la pandémie.

Cependant, cette aspiration sincère ne peut faire oublier un état de fait  : tant que la pandémie rôde, nous courons le risque d’être contaminé, malade, invalide, tué. Mais nous courons aussi un deuxième risque  : celui de voir les libertés démocratiques durablement retirées. Nous avons le devoir d’en finir avec cette épidémie. Le ministre de la santé d’Allemagne a eu une phrase terrible  : à la fin de l’hiver, les Allemands seront “vaccinés, guéris ou morts.” C’est à la fois une injonction menaçante, mais à la fois aussi une réalité. Le Covid n’est pas parti. Il est là encore longtemps. Et surtout, les mesures anti-covid sont loin d’être l’axe de bataille premier de la bourgeoisie  : elle attaque toujours les droits sociaux, en profitant du fait que l’esprit d’une large partie de la population soit accaparé par ces dispositifs.

Mais, quoiqu’on puisse penser de ces mouvements, il nous faut regarder comment, de quelle manière, ils sont réprimés. Et, dans ce cadre là, nos regards ne peuvent se tourner que vers les Antilles.

En Guadeloupe, par exemple, le RAID et le GIGN ont été déployés pour faire face aux manifestants, devenus émeutiers. Des émeutiers qui ont débordé les moyens d’encadrement de l’île, au point de faire peser la peur d’une insurrection et d’une perte de contrôle. Il ne faut pas oublier que les Antilles ont été le cadre de très grandes luttes. Ainsi, en 2009, Liyannaj Kont Pwofitasyon avait lancé une grève générale en Guadeloupe. L’Union générale des travailleurs de Guadeloupe (UGTG), le syndicat majoritaire de l’île, dirigée par Élie Domota, avait lancé une lutte de longue durée. Partant du prix de l’essence, cette mobilisation avait fini par poser des questions sur l’intégralité du tissus économique et social de l’île, notamment contre la domination béké, coloniale,sans partage.

Si nous ne pouvons pas soutenir positivement le fait que cette révolte s’axe contre les mesures de santé publique, aussi dures soient elles, nous pouvons comprendre la colère. Le passé colonial a laissé des traces. Ainsi, à la Réunion, le scandale des avortements et des stérilisations forcées à de quoi susciter une défiance de la part de la population envers les politiques médicales d’État1.

De plus, le travail informel, qui ne donne aucun droit, représente près d’un quart de l’activité2. C’est énorme, et cela suffit à expliquer un rejet de ces mesures  : elles ne sont pas adaptées au tissus social et économique de la Guadeloupe et plus largement des colonies.

Ces émeutes méritent d’être regardées avec lucidité. A ce titre faut arrêter avec les mots couverts  : des scènes de pillage sont des scènes de pillage, les appeler auto-réduction, comme l’ont fait certains, est un abus, presque une manière de s’excuser que ces événements aient lieu. Soyons sans complexes  : le dire n’est pas une condamnation. C’est simplement un fait. La vie chère, le décalage de niveau de vie entre les békés coloniaux et la population, tout pousse à une colère économique tout autant qu’une colère politique. Et celle là se traduit aussi par l’envie d’accaparer des biens matériels, dont on s’est senti privé, frustré, depuis des années.

Quelle est la réponse du gouvernement français : envoyer les forces spéciales. Elles sont jugées être les seules capable de pouvoir juguler la menace. Les manifestants doivent donc s’attendre à avoir, comme réponse à leurs demandes, la répression. C’est là une manière de traiter les problèmes coloniaux assez typique  : a quelques jours d’un nouveau référendum en Kanaky, on ne peut pas oublier les bombardements réalisés par la marine française ou l’assaut de la grotte d’Ouvéa en 1984. La répression à Mayotte, en Guyane, dans les Antilles, en somme dans chaque zone dominée par la France est d’une nature spécifique  : elle est une gestion policière coloniale, dans laquelle l’utilisation de la violence est décuplée par la séparation entre colons et colonisés. Au lieu d’oxygène et de compromis, l’État choisit le conflit et se prépare à affronter les mobilisés.

Ceux-ci ont pillé une armurerie. Des tirs à balles réelles ont été signalés. En réponse, un couvre feu a été déclaré à partir de 18h00. Reste à voir ce qui se déroulera, mais toujours est-il que, si nous sommes pour une politique de lutte contre la pandémie avec force, nous n’acceptons pas cette gestion coloniale de la crise. Nous considérons qu’il est plus que temps de mettre fin au «  confettis d’empire  », et que le destin des Antillais et des Antillaises passe par leur liberté, par le choix d’un destin qui leur est propre. Ceux comme Jadot, comme Hidalgo ou comme Macron, qui veulent «  rétablir l’ordre  », parlent d’écraser les Antillais et les Antillaises, non de les libérer.

C’est ainsi, dans un travail de coopération et de collaboration au sein de la mer des Caraïbes, qu’ils peuvent espérer sortir de cette situation, qu’ils peuvent régler les problèmes, qu’ils peuvent avancer vers une prospérité nouvelle.

Pas de répression aux Antilles  !

Pour la fin de colonialisme  !

1https://fr.wikipedia.org/wiki/Avortements_forc%C3%A9s_%C3%A0_La_R%C3%A9union

2https://www.guadeloupe.franceantilles.fr/regions/departementales/ce-que-revelent-les-rapports-d-activites-des-commissaires-aux-comptes-sur-nos-economies-572045.php

 

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