21 novembre 2024

D-Day 1944 : Une action grandiose, mais impérialiste

Un révolutionnaire allemand et un historien français nous parle du débarquement des troupes américaines, anglaises et canadiennes il y a 80 ans en Normandie ; et, en fin d’article, une vidéo interview de l’historien Eric Branca.
D-Day 1944 : Une action « grandiose », mais impérialiste
En 1944, le marxiste-léniniste et résistant allemand antifasciste Willi Dickhut a analysé l’invasion de la côte atlantique nord de France par les troupes américaines, britanniques et canadiennes comme « l’action la plus grandiose de cette guerre ». Dans la lutte de résistance antifasciste du Parti Communiste d’Allemagne (KPD), mené dans l’illégalité, il disait de manière prémonitoire : « Le début de l’invasion est en même temps le début de l’effondrement militaire et politique de l’Allemagne hitlérienne ».
Lors de l’opération militaire appelée « D-Day » (Jour J), 156 000 combattants ont débarqué sur cinq plages de Normandie ou ont été parachutés dans l’arrière-pays. Leur faisaient face environ 50 000 soldats de l’armée allemande fasciste, qui s’attendaient à l’attaque dans leurs fortifications.
Par cette intervention la coalition anti-hitlérienne, qui regroupait l’Union soviétique, les États-Unis et la Grande-Bretagne en tant qu’alliés, avait enfin ouvert un deuxième front en Europe. Peu après l’attaque de l’Allemagne contre l’Union soviétique en 1941 et la formation de l’alliance militaire antifasciste, Staline avait déjà formulé une demande en ce sens. Aux États-Unis et en Grande-Bretagne, il existait également des mouvements dirigés par les partis communistes locaux en faveur de l’ouverture d’un deuxième front. 
La principale force de libération: l’URSS  socialiste
La guerre d’extermination menée par Hitler contre l’Union soviétique socialiste était partie de ses victoires en Pologne et en France et de l’occupation de presque tout le continent européen. L’Union soviétique devait porter le poids principal de la guerre et avait réussi, dès fin 1941, à infliger à la machine militaire fasciste sa première défaite dans ce conflit mondial lors de la bataille de Moscou. Au prix d’efforts et de sacrifices immenses, elle repoussa les envahisseurs et provoqua début 1943 un tournant définitif dans le cours de la guerre par la victoire à Stalingrad.
Mais les alliés Anglais et américains n’avaient cessé de retarder leur intervention directe sur le champ de bataille européen. Le débarquement en Normandie devint finalement nécessaire, en 1944, lorsque l’Armée rouge mena l’offensive d’été et montra qu’elle représentait la principale force de libération des peuples du fascisme, et qu’elle influencerait en conséquence l’ordre mondial d’après-guerre dans un sens socialiste.
Militairement grandiose, politiquement impérialiste
Afin de préserver leurs propres intérêts économiques et leur domination mondiale, les États-Unis et la Grande-Bretagne devaient agir. « Au cours des premières semaines de l’invasion, le général français Koenig fût nommé chef des “forces intérieures” de la France au quartier général d’Eisenhower. Le mouvement de résistance français fut ainsi intégré dans les planifications stratégiques des opérations alliées », écrit Willi Dickhut à propos de la suite des événements. Le commandant en chef américain Eisenhower, qui devint président des États-Unis en 1953, encouragea de manière ciblée les forces bourgeoises et permit, après avoir repoussé les troupes allemandes, au général de Gaulle (1) d’entrer dans Paris à la tête des libérateurs — il s’agissait alors de contrer la Résistance populaire et communiste.
Dans la représentation bourgeoise des événements, l’invasion est aujourd’hui célébrée – comme dans le mémorial américain du débarquement d’Omaha Beach – comme un acte décisif de libération du fascisme. D’un point de vue militaire, elle fut effectivement grandiose, mais politiquement, elle représenta une garantie tardive de l’influence américaine sur les conséquences de la guerre mondiale.
… avec des méthodes impérialistes
L’historien français Jean-Luc Leleu a fait des recherches en Normandie à l’université de Caen et a écrit des ouvrages de référence comme 1944 – La Wehrmacht face au débarquement” ou “Le débarquement – de l’événement à l’épopée”.
JL Leleu s’oppose à l’idée répandue selon laquelle l’invasion aurait été décisive pour la guerre. Même si l’invasion contre l’Allemagne dirigée par les fascistes était justifiée et longtemps réclamée par l’Union soviétique socialiste, la guerre ne s’est pas décidée à l’Ouest mais à l’Est, où l’Armée rouge continuait à avancer.
Le débarquement des Alliés en Normandie représenta pour lui « une opération très importante », « mais elle n’a pas été décisive pour la guerre. L’Allemagne nazie a perdu la guerre essentiellement à l’Est ». Jusqu’au débarquement, il y  eut plus de deux millions de morts allemands — dont plus de 80 pour cent sur le front de l’Est. La situation n’était pas différente au second semestre 1944 : A l’Est, les Allemands ont enregistré environ les deux tiers de leurs pertes. « Mais les opérations en Normandie sont décisives pour le partage des zones d’influence entre les puissances victorieuses. Cela a permis la véritable libération de la moitié occidentale du continent », souligne JL Leleu.
20 000 victimes civils
En outre, l’historien révèle avec quelle brutalité les bombardiers américains, sur ordre d’Eisenhower, ont détruit des villages français, entraînant la mort de milliers d’habitants.
Ici la ville de Vire totalement détruite par les bombardements.
Ce fût de ce point de vue une guerre impérialiste. Cette année, les anciens Alliés ont commémoré pour la première fois officiellement les quelques 20.000 victimes civiles du débarquement. Plus d’un tiers de tous les civils tués en France pendant la Seconde Guerre mondiale sont morts en Normandie – la plupart suite à des bombardements Alliés. Ils se sont frayé un chemin en bombardant les voies de ravitaillement allemandes. Pourtant, quelques années après la guerre, plus personne n’en parlait.Ce n’est que dans les années 1990 que la question de la légitimité de ces bombardements a refait surface. JL Leleu affirme que : « Le général Eisenhower, commandant en chef, veut faire du débarquement un succès et mise sur son atout – les avions. Le calcul : le prix en vies humaines est justifié. Ainsi, le débarquement s’est délibérément attaqué à des villes et villages normands afin de bloquer les convois allemands par des ruines. Les civils ont été sacrifiés à cette stratégie. »
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(1)   De Gaulle et le « D-Day » : En octobre 1963, De Gaulle explique son choix à Peyrefitte qui l’interroge : « Eh bien, non ! Ma décision est prise ! La France a été traitée comme un paillasson ! Churchill m’a convoqué d’Alger à Londres, le 4 juin. Il m’a fait venir dans un train où il avait établi son quartier général, comme un châtelain sonne son maître d’hôtel. Et il m’a annoncé le débarquement, sans qu’aucune unité française ait été prévue pour y participer. Nous nous sommes affrontés rudement…..
Le débarquement du 6 juin, ç’a été l’affaire des Anglo-Saxons, d’où la France a été exclue. Ils étaient bien décidés à s’installer en France comme en territoire ennemi ! Comme ils venaient de le faire en Italie et comme ils s’apprêtaient à le faire en Allemagne ! Ils avaient préparé leur AMGOT, qui devait gouverner souverainement la France à mesure de l’avance de leurs armées. Ils avaient imprimé leur fausse monnaie, qui aurait eu cours forcé. Ils se seraient conduits en pays conquis. »
Il faut écouter l’historien et journaliste Eric Branca dans une interview qu’il donne sur  « Tocsin matinale » pour mieux comprendre les rivalités Alliés dans la lutte contre le fascisme hitlérien.
« Non les américains ne voulaient pas libérer la France »:

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