Pour un bilan des élections législatives de 2022
Quelques chiffres qui en disent long
Une abstention à 54%, si on y ajoute les blancs et les nuls (8%) on obtient 62% des inscrits qui, soit se refusent à « jouer le jeu parlementaire » soit sont résignés, soit s’intéressent peu à la vie politique et en particulier à ce scrutin.
« Ensemble » avec Macron, 8 millions de voix, c’est un recul malgré un mode électoral qui l’avantage. Au 1er tour des présidentielles Macron atteignait presque 10 millions (soit 20% des inscrits)
La « Nupes », avec 6,5 millions c’est une avancée à nuancer car au 1er tour des Présidentielles Mélenchon atteignait près de 8 Millions de voix (16% des inscrits). Sans parler que la NUPES est une coalition de Partis qui auront bien du mal à s’entendre.
Le « RN » : 3, 6 Millions, c’est beaucoup, beaucoup trop. Ce sont 7% des inscrits ; mais au 1er tour le RN obtenait 4,2 millions de voix. Pour rappel : quand Le Pen père se lance aux présidentielles dans les années 90 il obtiendra 5 millions de voix ; aux élections de l’Union Européenne en 2019 le RN ramasse là aussi 5 millions de voix (soit 10% des inscrits et 23% des votants) ; au 1er tour des présidentielles de cette année, ce sont 8 millions de voix (17% des inscrits). Ces rappels pour nuancer « les succès » du RN (78 députés) souvent mis en avant.
« LR » », après la raclée de Pécresse aux présidentielles, n’obtiennent que 1,4 million de voix, mais surtout 61 élus, nombre d’élus suffisant important pour assurer une majorité d’environ 310 à Macron. Les programmes de ces 2 courants de droite sont sur l’essentiel identique.
Enfin Zemmour a disparu, ce fasciste pur et dur n’était pas encore soutenu par le grand capital dans son ensemble ; mais cela montre la capacité manipulatrice de ceux qui contrôlent la presse.
Pour un bilan politique
LREM (« Ensemble ») perd la majorité absolue en députés et en voix. C’est un désaveu profond du gouvernement Macron et de sa politique, ce qui mènera le gouvernement à une profonde crise. Il ne sera pas capable de mettre en place son programme facilement sans alliance avec les LR affaiblis et discrédités. Il n’aura pas besoin d’alliance officielle avec le RN. Le nouveau gouvernement sera instable. Cette situation, en liaison avec les multiples crises qui agitent la société, peut susciter plus d’intérêt pour la vie politique et faciliter la politisation des luttes qui ne manqueront pas.
La « Nupes », une alliance opportuniste de Partis, remporte un succès avec un peu plus de 31%. Selon la NUPES, elle deviendrait la première force d’opposition — mais elle sera très instable car on ne voit pas comment les programmes si différents de LFI, du PCF, du PS et des Verts dont aucun ne s’attaque à la domination du Capital, à l’exploitation du Travail, pourraient constituer une politique qui réponde aux besoins exprimés des ouvriers, des employés et autres exploités. Ces partis restent dans la tradition social-démocrate.
La droite traditionnelle confirme son écroulement à 7%. Une partie de son électorat a rejoint le RN ou Macron. Le « Front républicain » tant vanté s’est affaibli ! Là où la « Nupes » affrontait le RN au 2° tour, environ 12% des électeurs LR ont voté RN et 16% ont voté « Nupes ».
Enfin l’abstention, très importante, confirme la tendance de dizaines d’années avec 53,8% des inscrits sans compter les ‘blancs’ et les ‘nuls’ (soit 8% des votants). Ce qui traduit une rupture plus ou moins consciente des classes populaires d’avec l’ensemble du parlementarisme bourgeois. Les ouvriers, les employés, les jeunes, les femmes sont majoritaires parmi les abstentionnistes. Ce n’est pas seulement de l’écœurement passager vis-à-vis de tel ou tel candidats ou Partis, c’est comme l’ont démontré les gilets jaunes un rejet d’institutions anti-démocratiques.
Autant pour « Ensemble » que pour la « NUPES » les alliances vont être difficiles.
Qu’en tirer comme leçons politiques ?
1) Les contradictions de classe entre le prolétariat et le Capital monopoliste vont nécessairement s’exacerber, aucun Parti parlementaire ne pouvant répondre aux besoins des classes populaires en période de crise aigüe. Il y aura une recherche d’alternative politique dans les luttes sociales. Ce qui ouvre pour les communistes révolutionnaires un espace plus large et plus profond de débats et d’activités politiques.
2) La campagne de la « NUPES » a été active et militante, on sent que la base, se disant souvent « anticapitaliste » veut vraiment que cela change. D’un certain côté cela reflète des prises de conscience : « cela ne peut plus continuer comme avant ». Se sont reconnues dans LFI, dans la NUPES des couches populaires qui ont mené des luttes ces dernières années (les femmes de chambre avec Rachel KEKE, par exemple) ou qui cherchent une opposition aux différents gouvernements. C’est un certain éveil à la lutte politique et un rapport de force entre les classes traduisant la poussée des luttes populaires en cours depuis 2016.
Cette pression populaire va chercher dans la période à venir une issue politique concrète, un chemin que la NUPES sera incapable de tracer. Les communistes révolutionnaires le peuvent développer s’ils sont proches des besoins des masses, s’ils ne sombrent pas dans le spontanéisme des luttes sociales et surtout s’ils unissent autour du programme de la révolution.
3) C’est dans une période extrêmement troublée de guerre, de crises multiples que la solution socialiste-communiste doit apparaître comme une évidence. La lutte contre le chauvinisme, contre le repli nationaliste, contre toutes les valeurs réactionnaires colportées par de nombreux Partis (sans parler du RN) est bien sûr importante.
Mais plus que jamais il faut unir les résistances qu’elles soient sociales, écologiques, économiques, féministes. Mener ces luttes en posant la question du pouvoir, de la révolution communiste au plan national et international en dénonçant l’illusion qu’on peut changer durablement la situation des classes exploitées par la conquête pas à pas des instances de l’Etat capitaliste, parlement, régions, mairies.
«C’est pure folie que de s’imaginer que les capitalistes pourraient se plier de bon gré au verdict socialiste d’un Parlement, d’une Assemblée nationale, qu’ils renonceraient tranquillement à la propriété, au profit, aux privilèges de l’exploitation. Toutes les classes dominantes ont lutté jusqu’au bout pour leurs privilèges, avec l’énergie la plus tenace. Les patriciens de Rome tout comme les barons féodaux du moyen âge, les gentlemen anglais, tout comme les marchands d’esclaves américains, les boyards de Valachie, tout comme les soyeux lyonnais — tous ont versé des torrents de sang, ont marché sur des cadavres, au milieu des incendies et des crimes, ils ont déchaîné la guerre civile et trahi leur pays, pour défendre leur pouvoir et leurs privilèges. Dernier rejeton de la caste des exploiteurs, la classe capitaliste impérialiste surpasse en brutalité, en cynisme, la bassesse de toutes celles qui l’ont précédée. (…) À la violence de la contre-révolution bourgeoise, il faut opposer le pouvoir révolutionnaire du prolétariat, aux attentats, aux intrigues ourdies par la bourgeoisie, la lucidité inébranlable, la vigilance et l’activité jamais en défaut de la masse prolétarienne.»
Rosa Luxemburg, 1918