16 juillet 2024

La crise politique en France a besoin d’un débat (1ère partie)

Plusieurs commentaires et points de vue nous sont parvenus concernant la montée du Rassemblement national (RN) et des idées et des forces ultra-droites et fascistes. Faut-il caractériser cette évolution comme une fascisation, comme progression de la réaction ? Quelles conséquences la participation du RN au gouvernement aura-t-elle ? Signifie-t-elle l’arrivée du fascisme au pouvoir ? Le RN est-il un parti réactionnaire, fascisant ou fasciste ? Quelles conclusions sont à tirer pour la stratégie et la tactique des communistes, des antifascistes, des démocrates ? Quelles conclusions peut-on en tirer pour la reconstruction d’un Parti véritablement communiste et pour la préparation de la révolution socialiste ?

Nous souhaitons poursuivre un échange sur ces questions et commencer à y répondre. Nous souhaitons lier nos débats et réflexions à un extrait du livre de Stefan Engel (MLPD) de 2021 « La crise de l’idéologie bourgeoise et de l’anticommunisme ». Cette bonne analyse matérialiste et dialectique des crises du système impérialiste mondial touchant son infrastructure, donc son économie et sa  superstructure (sa politique, son idéologie, sa culture) pendant les dernières décennies, établit des liens intéressants et permet de prendre du recul.

Nous partageons pour l’essentiel l’analyse. Nous caractérisons la droitisation dans la politique et dans le société comme un processus de fascisation, portée par beaucoup de gouvernements au pouvoir dans le monde. Cette fascisation concerne le démantèlement des droits et libertés démocratiques ; la dégradation accélérée des conditions de vie dans la société capitaliste et la tendance grandissante à la répression et à la réaction.

Déjà Lénine avait décrit la tromperie et la violence en tant que méthodes principales de domination bourgeoise (voir Lénine ‘L’Etat et la Révolution’). Aujourd’hui, en France la méthode principale de domination est toujours – et reste pour l’instant – la tromperie. Mais celle-ci perd, au fur et à mesure des crises, son influence : concernant surtout les élections, le parlementarisme, la « démocratie », les soi-disant valeurs de la République, etc. Dans le même mouvement, la violence prend une place de plus en plus grande, sans que l’on puisse encore parler de dictature ouverte et terroriste, du fascisme, comme étant déjà à nos portes. Toutefois, cette évolution traduit non la force de la classe dirigeante, mais sa faiblesse, incapable de maintenir sa domination de classe par la tromperie politique. Les résultats des élections européennes dans plusieurs pays et l’arrivée du RN au gouvernement signifierait une nouvelle étape dans la fascisation  de multiples conséquences. On y reviendra.

Voici donc la première partie de l’introduction du livre de Stefan Engel :

Introduction

La nouvelle organisation de la production internationale depuis les années 1990 a initié une nouvelle phase historique de bouleversements du capitalisme vers le socialisme. De 2008 à 2014, la crise économique et financière mondiale, à ce jour la plus profonde et la plus complète dans l’histoire du capitalisme, a fait rage. Elle a plongé tout le système impérialiste mondial, y inclus la production internationalisée y le commerce de portée globale dans une crise profonde et complète. Ceci a provoqué des changements énormes dans la superstructure du système impérialiste mondial, aussi bien dans la politique que dans l’idéologie.

Des crises économiques, politiques et écologiques ébranlent la confiance de toujours plus de gens dans le monde dans le système social dominant. Ils doivent subir les conséquences de la propension aux crises des pays impérialistes et endurent l’incapacité lamentable des forces dirigeantes à résoudre les problèmes. Les doutes augmentent que les conditions ne s’amélioreront jamais, s’il n’y a pas de changements décisifs. Une lutte a éclaté pour comprendre les causes de ces détériorations et les développements alternatifs possibles qui méritent d’être recherchés. De plus en plus de gens souhaitent des alternatives sociales, mais beaucoup d’entre eux ne savent pas encore clairement quel est l’objectif à atteindre ni comment y arriver.

La pression accrue de la concurrence impérialiste alimente partout la tendance du capital financier international dominant sans partage à la dictature ouverte et à la réaction ouverte agressive tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Un développement général vers la droite des gouvernements, des partis bourgeois, des médias, de la culture ainsi que parmi une partie des masses a émergé et continue à se développer.

Dans de nombreux pays, des gouvernements ultra-réactionnaires, fascisants ou néofascistes, racistes, nationalistes et chauvins ont pris les rênes ou ont changé leur méthode de domination : Trump aux États-Unis, Erdoğan en Turquie, Poutine en Russie, Modi en Inde, Bolsonaro au Brésil, Orbán en Hongrie, Kaczyński en Pologne et Johnson en Grande-Bretagne.

Une caractéristique particulière de ces gouvernements est qu’ils passent plus ou moins outre au consensus des règles internationales entre les monopoles et les États impérialistes et qu’ils ignorent les lois et pratiques démocratiques bourgeoises. Ils poursuivent une orientation rigoureuse sur leurs intérêts nationaux et remettent en question des piliers importants de la démocratie bourgeoise.

Ils démantèlent des droits et libertés démocratiques et accélèrent la fascisation de l’appareil d’État et la militarisation de la société. À cette fin, ils encouragent des organisations « völkisch »1 et fascistes et leur propagande. Petit à petit, ils suppriment la protection des minorités encore existante et abolissent le droit de fuir et le droit d’asile. Ils limitent l’indépendance relative des tribunaux, répandent des « Fake News »[1]2 et attaquent la presse libérale-bourgeoise. Les parlements et les institutions de la démocratie bourgeoise sont plus ou moins contournés. Ils augmentent massivement l’armement militaire, attaquent les droits des femmes obtenus de haute lutte et accélèrent la destruction des bases d’existence naturelles. Pendant la pandémie de Covid-19, ils minimisent le nouveau virus SARS-CoV-2 et ainsi, ils minent la protection sanitaire nécessaire d’une manière inhumaine. Ils risquent la santé de la population et sont responsables de dizaines de milliers de morts évitables du Covid-19. Leur ligne directrice centrale est d’éviter, dans la mesure du possible, toute charge grave pour la vie économique et surtout pour la production industrielle des monopoles internationaux réalisant des profits maximum.

La Chine néo-impérialiste fait toujours miroiter au yeux du monde d’être un pays socialiste. Au cours de sa vertigineuse campagne de conquêtes au marché mondial, une partie croissante du capital financier international a découvert que la démocratie bourgeoise fortement limitée de la Chine présente beaucoup d’avantages par rapport à la démocratie parlementaire-bourgeoise libérale dans la lutte concurrentielle. Les monopoles caressent le rêve de pouvoir accéder plus directement et plus rapidement à toutes les ressources de l’appareil d’État, de la production et des médias de masse et de ne guère être obligés à tenir compte des règles démocratiques, des droits et libertés des masses, des lois contraignantes ou de la critique des médias de masse.

Le développement général vers la droite a été renforcé par la crise internationale de la politique des pays impérialistes à l’égard des réfugiés, s’est intensifiée de façon fulgurante en 2015, entraînant une crise ouverte de l’UE.

Des organisations transnationales ou globales comme l’Union européenne (UE), les Nations Unies (ONU), l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord militaire (OTAN), le Fonds monétaire international (FMI) ou bien l’Organisation mondiale du commerce (OMC) se sont retrouvées dans des crises ouvertes. La remise en question ou l’annulation de règles mondiales et de décisions de l’ONU à l’instigation des États-Unis a plongé les pays impérialistes et néo-impérialistes dans des crises économiques et politiques. Par exemple : la guerre commerciale ouverte entre les États-Unis et la Chine, l’annulation de l’accord sur les armes nucléaire avec l’Iran, le retrait de l’OMC et de l’Accord de Paris sur le climat ou l’annulation de décisions de l’ONU protégeant les Palestiniens.

Sur la base de la suraccumulation chronique du capital, cette politique a déclenché une nouvelle crise économique et financière mondiale au milieu de 2018. Elle s’est déployée de plein fouet en interaction avec la pandémie de Covid-19 au début de 2020 et a accéléré, dans l’ensemble du monde capitaliste, une tendance radicale à une récession sans précédent à ce jour quant à sa dimension et son envergure.

D’autres nouveaux foyers de contradictions inter-impérialistes ont émergé pour la prédominance dans la mer de Chine méridionale, aux Caraïbes, dans le Proche et Moyen Orient, en Afrique du Nord et Afrique centrale, dans d’anciennes républiques soviétiques ou dans la Méditerranée orientale. Les grandes puissances impérialistes risquaient de s’affronter directement, ce qui a énormément augmenté le danger général d’une Troisième Guerre mondiale.

La crise écologique globale s’intensifie progressivement. De nouvelles connaissances et observations, surtout à propos du réchauffement dramatique de la Terre ainsi que de nouvelles destructions dans la biosphère ont mené à un éveil général de la conscience écologique des masses populaires à l’échelle mondiale. C’est aussi une réaction à l’annulation ouverte de la protection environnementale par l’ancien président des États-Unis Trump. Parmi les jeunes, un mouvement de résistance coordonné au niveau transnational et comprenant des millions de gens s’est formé pour sauver le climat mondial. Les monopoles internationaux dominants se voyaient de plus en plus la cible de la lutte pour sauver l’environnement d’une catastrophe globale.

La propension accrue aux crises du système impérialiste mondial se reflète dans la conscience des masses comme polarisation accentuée entre une tendance réactionnaire, chauvine ou bien fascisante et un revirement progressiste de l’état d’esprit. La base de masse de la plupart des partis bourgeois traditionnels s’effondre. La formation d’un gouvernement devient de plus en plus compliquée dans les différents pays.”

La suite, la partie 2, sera mise en ligne prochainement. Elle traitera de l’importance de la lutte idéologique actuellement.

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