16 avril 2024

Non au SNU — Sois jeune et ouvre là !

Nous publions cette interview d’un syndicaliste de SUD pour son intérêt d’autant que nous sommes aussi membres du Collectif Non au SNU depuis sa fondation (la rédaction du site)

Trois questions à Christian Mahieux l’un des principaux animateurs du collectif NON au SNU (service national universel) posée par la Fédération nationale de la Libre Pensée (FNLP) est membre depuis l’origine. Au moment où le Gouvernement entend, pour la troisième année consécutive, poser les jalons de l’incorporation à terme de l’ensemble des jeunes âgés de quinze à seize ans dans un service national obligatoire, il nous a paru nécessaire de recueillir son point de vue.

FNLP : Christian peux-tu rappeler à nos abonnés les bonnes raisons qu’a tout militant antimilitariste, pacifiste ou simplement favorable à l’émancipation de tous, et notamment des jeunes, de s’opposer résolument au SNU conçu par le Gouvernement Macron-Blanquer-Parly ?

Christian Mahieux : Le gouvernement vient de lancer sa campagne annuelle promotionnelle pour le SNU. Même s’il ne s’agit jusqu’à présent que de volontaires, quelques incidents, les années précédentes, ont déjà montré que ce n’était pas aussi idyllique que la propagande le laissait entendre. Quant au « brassage social » tant vanté, ce n’est que de la poudre aux yeux : l’égalité sociale, ce n’est pas se retrouver au même endroit quelques semaines dans toute la vie ; cela passe par la fin des discriminations et des inégalités, la reconnaissance des méfaits du patriarcat, du colonialisme, des racismes et exclusions, de la captation par une minorité des moyens de production et d’échanges et de l’exploitation de la majorité qui en résulte, etc. Pas vraiment le programme du SNU !

En tant que syndicaliste, je développerai un peu plus un des points évoqués. Les jeunes en formation, y compris les lycéennes et lycéens qui sont la cible des promoteurs du SNU, font partie de la classe sociale dont le syndicalisme est l’outil de défense et de lutte : celles et ceux qui vivent (vivront) de leur travail, pas de l’exploitation d’autrui. Ce qui concerne les jeunes, ce qui vise à soumettre et militariser la jeunesse concernent le syndicalisme en tant qu’organisation du mouvement ouvrier, en tant que force travaillant à l’émancipation sociale. Le syndicalisme, du moins tel que nous le concevons à l’Union syndicale Solidaires (et pas seulement !), a sa propre dimension politique : en toute autonomie, ce qui ne veut surtout pas dit en toute neutralité ; loin de là. Notre syndicalisme est anticapitaliste, féministe, antiraciste, pacifiste, écologiste, internationaliste, anticolonialiste.

Autant de valeurs qui ne sont pas celles du Service national universel, qui ne sont pas celles de l’armée qui encadre le SNU. Bien au contraire ! Enfin, nous refusons le SNU parce que le syndicalisme sert à défendre les droits des travailleurs et des travailleuses. Or, à travers les « Missions d’intérêt général » imposées aux jeunes, le SNU est une nouvelle attaque contre les droits des travailleuses et des travailleurs. Chaque année, des centaines de milliers de jeunes feraient, le temps de ces « missions », le boulot de salarié∙es, sans avoir aucun des droits des salarié∙es : ni en matière de rémunération, ni pour les conditions de travail, ni pour le droit de s’organiser collectivement, etc.

FNLP : Peux-tu indiquer aux lecteurs les initiatives qu’a prises le collectif NON au SNU, à Paris et en province, en dépit des difficultés résultant de l’état d’urgence sanitaire instauré en mars 2020 ? D’autres actions sont-elles prévues prochainement, à ta connaissance ?

CM : A Paris, Nantes, Chambéry, Bordeaux, Limoges, Nancy, Angoulême, … des collectifs locaux Non au SNU ou des organisations membres du collectif national ont organisé des rassemblements, des réunions publiques, des diffusions de tracts lors de manifestations, des communiqués intersyndicaux destinés au enseignantes et enseignants, des informations à destination des lycéens et lycéennes, … Tout ceci demeure trop peu, mais permet d’entretenir l’information sur les méfaits du SNU dans les réseaux militants. C’est important car un éventuel refus de masse parmi les jeunes ne parait envisageable qu’à partir du moment où le caractère obligatoire du SNU sera effectif. Tant qu’il s’agit de volontaires, celles et ceux qui n’en veulent ont juste à … ne pas sans soucier. Pour autant, bien évidemment, nous devons mener la lutte contre le SNU sans attendre. Et le mieux serait de gagner son abandon avant qu’il ne soit obligatoire !

FNLP : Dernière question : compte tenu de la proximité d’échéances électorales nationales et de l’existence récente d’un autre collectif, également hostile au SNU à la mode Macron, mais soucieux de promouvoir une politique nouvelle en direction « des jeunesses », sur la base du volontariat, peux-tu préciser aux abonnés la manière dont la mise en place progressive du SNU doit être combattue dans les mois qui viennent ?

CM : Le collectif Non au SNU a été créé en 2019. Des organisations qui n’ont pas souhaité le rejoindre en ont mis en place un autre, l’an dernier. Quelques organisations (dont La Libre Pensée) sont membres des deux. En novembre dernier, le collectif Non au SNU a proposé aux organisations animant l’autre collectif une rencontre pour voir sur quels points travailler ensemble ; sans suite pour l’instant. Il est clair que notre collectif ne s’intègrera pas dans une campagne pour « un autre SNU », car ce n’est pas l’objectif de notre plate-forme unitaire ; mais, d’une part chacune des organisations peut bien entendu y participer et, surtout, des actions communes à nos deux collectifs, contre le SNU que nous connaissons aujourd’hui sont possibles et souhaitables ! En tous cas, élection présidentielle ou pas, il faut poursuivre le travail d’information.

Le Service national universel que le gouvernement veut rendre obligatoire, à compter de 2026, pour les jeunes de 16 ans, c’est (1) :

Une opération de soumission de la jeunesse : il s’agit d’inculquer un esprit d’obéissance aux règles, un respect absolu des normes… Règles et normes qui, pour la plupart, ne visent qu’à perpétuer les inégalités et injustices inhérentes à l’organisation actuelle de la société. Cette volonté de soumission passe aussi par un contrôle renforcé, notamment à travers la mise en fiches de tous les jeunes de 16 à 25 ans ; on sait comment ce genre de fichier peut être utilisé ! Volonté de soumission, enfin, car elle ne reconnaît comme « engagement » des jeunes que les dispositifs étatiques.

La remise en cause des droits des travailleurs et travailleuses : les jeunes du SNU seront utilisé/es pour remplacer des emplois aujourd’hui occupés par des employé/es qui ont un salaire, une convention collective ou un statut, la possibilité de s’organiser syndicalement, des droits individuels et collectifs. Avec le SNU, chaque année, 800 000 jeunes seront exploité/es, sans aucun de ces droits, pour des durées variables ; ils et elles seront très vivement encouragé.es à poursuivre leur « engagement volontaire » par un service civique, dans les mêmes conditions de précarité.

Des dépenses considérables : 6 milliards €/an, selon un rapport sénatorial de 2017. 1,5 à 2 milliards dit aujourd’hui le gouvernement. Ces milliards seraient bien plus utiles pour le service public de l’Éducation, qu’aux mains des militaires !

Le renforcement de la militarisation. Encadrement militaire, levée du drapeau, chant guerrier, uniforme, parcours du combattant, raid commando, etc. contribueront à l’endoctrinement des jeunes. La propagande visera à banaliser encore plus le rôle de l’armée, alors que celle-ci est en pointe dans la répression, sur le territoire français, dan les colonies et diverses régions du monde. Sans surprise, il n’est nullement question dans le programme de pacifisme, de non-violence, ni de remise en cause du rôle de l’armée.

Le gouvernement nous dit : Il faut que les jeunes s’engagent. Mais c’est déjà le cas ! Ils et elles s’engagent pour lutter contre le racisme, pour que cesse la destruction de la terre, pour défendre leur droit à étudier, pour le partage des richesses, pour le droit au logement, pour l’égalité des droits et contre les discriminations, etc. Ce n’est pas à l’État de les forcer à s’engager !

Comment peut-on parler d’apprendre la citoyenneté, lorsqu’on confie l’encadrement à l’armée ?

Non au SNU ! Abrogation du SNU !

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *