25 novembre 2024

De l’interaction entre le fascisme et la guerre

Voici la 3ème partie d’un document de nos camarades d’Allemagne  (le Parti Maxiste-léniniste d’Allemagne -MLPD- membre de l’ICOR) : « La guerre en Ukraine et la crise ouverte du système impérialiste mondiale ». Cette 3ème partie est tout à fait en rapport avec l’évolution actuelle de la situation mondial : la crise du capitalisme le pousse à chercher des solutions dans la fascisation en interne et à la guerre impérialiste en externe.

  1. L’interaction entre le fascisme et la guerre

Guerre impérialiste et fascisme sont des frères siamois. Willi Dickhut a écrit à ce sujet :

« Le fascisme n’est pas seulement une forme de domination de la réaction la plus sombre, de la pire répression à l’intérieur du pays contre le/son propre peuple, mais aussi une agression meurtrière à l’extérieur, contre d’autres peuples. Le fascisme, c’est la guerre ! »

La loi martiale bourgeoise légalise meurtres, destructions ou dévastations après le début de la guerre contre un adversaire militaire. D’une manière générale, elle est associée à l’état d’urgence en politique intérieure.

Le président de la République russe Poutine avait établi sa position dominante déjà pendant des années avec des méthodes fascisantes dans l’intérêt du capital financier russe. Il a fait éliminer l’opposition critique envers le gouvernement, réduire la liberté de presse et placer sous le contrôle étatique les médias critiques. Les vrais marxistes-léninistes ont été persécutés et gênés massivement dans leur travail.

Vladimir Poutine entretient des coopérations multiples et étroites avec des personnes et des organisations fascisantes et fascistes en Europe comme « Aube dorée » en Grèce, l’AfD en Allemagne, le Rassemblement national en France ou le Fidesz en Hongrie. À partir de la Russie des « Usines à trolls » propagent par millions dans les « médias sociaux » des théories du complot réactionnaires, des propos incendiaires racistes contre les réfugiées et une propagande chauvine.

Avec la conduite directe de la guerre le développement réactionnaire en Russie a fait un saut qualitatif. L’organisation de l’ICOR Plate-forme marxiste-léniniste (MLP) écrit de manière pertinente à ce sujet : « En Russie, une dictature fasciste a été établie. »

Avec une majorité des deux tiers, détenue par le parti de Poutine « Russie unie » et le soutien sans critique de la politique de guerre impérialiste par tous les partis représentés dans la Douma Poutine peut aussi gouverner de manière absolue sans déclarer formellement la Loi martiale. Par la suite, le travail de presque tous les médias a été rendu impossible. Internet et les « réseaux sociaux » étaient disponibles seulement pour la propagande pro-gouvernementale. Le service de censure Roskomnadsor a interdit la désignation de l’invasion de l’Ukraine comme « guerre ». Depuis le 4 mars 2022 sont passibles de la peine la plus sévère : « discréditer les forces armées de la Fédération russe » ainsi que propager de « fausses informations » sur les forces armées. En cas de récidive on risque une détention allant jusqu’à 15 ans. Déjà pendant les premiers jours de la guerre en Ukraine 13 000 adversaires de la guerre au moins ont été arrêtés et condamnés à des peines sévères, parmi eux aussi de nombreux marxistes-léninistes qui avaient participé aux protestations courageuses.

L’anticommunisme dans la guerre en Ukraine

Pour capter une base de masse bienveillante parmi le peuple russe Poutine minimise démagogiquement la guerre d’agression en une « opération militaire spéciale » motivée par l’antifascisme.

Le Parti des travailleurs communistes russes (PTCR), membre dans le réseau néo-révisionniste Solid, révèle cette justification mensongère :

« Vu du point de vue de la position de classe, les détenteurs du pouvoir russes, de même que ceux des États-Unis et de l’UE, se fichent complètement de la population travailleuse dans le Donbass, ainsi qu’en Russie et dans l’Ukraine. Nous n’avons aucun doute que les vrais objectifs de l’État russe dans cette guerre sont tout à fait impérialistes … »

Par contre, les révisionnistes du Parti communiste allemand (DKP) ont attesté encore en 2017 que la Russie « agit … objectivement de manière anti-impérialiste ». Après le déclenchement de la guerre, ils ont fabulé « d’une prévention contre une attaque imminente ».

Même pas le fait que Poutine lui-même met l’anticommunisme ouvert au centre pour légitimer son attaque, peut ébranler cette opinion absurde du DKP. Trois jours avant l’attaque impérialiste contre l’Ukraine Vladimir Poutine faisait une déclaration de principe, dans laquelle il a attaqué la politique des bolcheviques sur les nationalités, notamment de Lénin et de Staline, selon laquelle

« l’Ukraine actuelle (serait créé) complètement et sans restriction … par la Russie bolchevique, communiste. … Lénine et ses compagnons » auraient agi « de manière extrêmement impitoyable contre la Russie ». Il a vu la responsabilité dans les « idées d’une construction d’État confédérale et dans la parole du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes jusqu’à la séparation », sur lequel le « statut de l’État soviétique » était fondé.

En effet : La politique socialiste à l’égard des nationalités sous Lénine et Staline et la guerre d’agression impérialiste russe sont complètement opposées. L’union volontaire des nations socialistes dans l’URRS, la promotion de la langue et de la culture respectives et la vie commune internationaliste de toutes les républiques soviétiques et de leurs ethnies était le leitmotiv qu’elles vivaient. La Grande Guerre patriotique et sa victoire sur le fascisme hitlérien étaient soutenues par toutes les nationalités soviétiques.

Comment les écrivaillons anticommunistes en Allemagne sont-ils insolents, qui imputent à Poutine à la façon d’un moulin à prières de se trouver dans la tradition de Staline. Ainsi le journal capitaliste Handelsblatt prétend sur Poutine : « Il est un Staline qui était atteint de paranoïa et massacrait son peuple à volonté. »

Cependant, ce sont plutôt les faiseurs d’opinion bourgeois qui souffrent de paranoïa. Ils ont peur de l’attirance du socialisme et des acquis de la direction d’État par Staline, qui sont arrivés dans la discussion par les attaques de Poutine ! Pourtant c’est justement le haut commandement sous Staline qui a mené avec succès la libération de l’Ukraine du fascisme hitlérien. L’Armée rouge en commun avec les partisan.e.s héroïques a remporté la victoire sur la Wehrmacht allemande. Sur l’ordre du capital financier allemand la Wehrmacht a assassiné quatre millions de personnes en Ukraine, a fait dix millions de sans-abri, détruit 16 150 entreprises industrielles et 400 mines et rasé 714 villes et 28 880 villages. Les mineurs qui refusaient de collaborer avec le fascisme hitlérien ont été jetés vivants dans les puits.

Par contre, des organisations fascistes ukrainiennes comme celle dirigée par Stepan Bandera ont collaboré avec le fascisme. C’est un scandale que celui-ci peut aujourd’hui encore être vénéré comme « héros » en toute impunité par l’ambassadeur ukrainien Andriy Melnyk, l’ami des fascistes. Bandera était un antisémite fervent et coresponsable, aux côtés des fascistes hitlériens, de la déportation et de l’assassinat de 800 000 juifs en Ukraine pendant la Seconde Guerre mondiale. On n’entend pas un mot de protestation de la part des saints combattants contre l’antisémitisme dans les partis bourgeois en Allemagne quand Melnyk propage son bellicisme provocateur !

L’attitude libérale à l’égard des fascistes en Ukraine et leur promotion parfois systématique, jusqu’à l’intégration de la brigade d’Asov dans l’armée ukrainienne, servent à Poutine de lignes de justification pour son attaque contre l’Ukraine. En mélangeant vérités, demi-vérités et mensonges, Poutine renoue de manière démagogique avec la fierté légitime des masses populaires russes et ukrainiennes de la victoire de l’Union soviétique sur le fascisme hitlérien. Ainsi il détourne l’attention des véritables motifs de la guerre d’agression : de la lutte actuelle du nouvel impérialisme russe pour la prédominance en Europe.

L’Ukraine – un État complètement capitaliste et réactionnaire

C’est du sarcasme quand le chancelier Olaf Scholz (SPD) prétend : La guerre de la Russie contre l’Ukraine « se dirige contre tout ce qui constitue la démocratie ». En vérité, en Ukraine, tout ce qui constitue la démocratie bourgeoise était réprimé sous la domination des oligarques et aussi du gouvernement de Volodymyr Zelensky déjà dans les années passées. En 2015 des symboles communistes ont été interdits, des luttes ouvrières réprimées, aussi après l’avènement au pouvoir du gouvernement Zelensky. Pendant des années, l’UE a rejeté la demande d’adhésion de l’Ukraine, parce que celle-ci ne remplissait des critères d’admission essentiels tels qu’une « démocratie stable fondé sur l’État de droit, … mais aussi … une économie de marché viable et compétitive ». Encore en septembre 2021, donc longtemps après l’élection de Zelensky au poste de président 2019, la Cour des comptes européenne (CCE) a attesté à l’Ukraine que « la grande corruption (était) un problème central ». L’organisation humedica a déclaré, déjà en 2021, à propos de la situation sociale en Ukraine :

« Un revenu mensuel d’environ 350 euros et un coût de la vie au niveau de l’Europe occidentale – aujourd’hui plus de 45 pour cent de la population est considérée comme pauvre. … Les personnes qui, en Ukraine, ont besoin d’aide médicale ou qui mettent au monde un enfant malade voire handicapé, sont souvent confrontées à la ruine financière. »

Par contre, rien que les sept hommes les plus riches du pays possédaient en 2021 une fortune personnelle de 11,9 milliards de dollars américains. En janvier 2022, une loi linguistique raciste est entré en vigueur en Ukraine discriminant la langue russe dans l’espace public – bien que 40 pour cent de la population ukrainienne parle russe dans le milieu privé.

Avec le début de la guerre, la loi martiale a été instaurée en Ukraine et tous les droits et libertés ont été suspendus. La violence est devenue la principale méthode de domination : travaux forcés, expropriation, restriction de la liberté de circuler, interdiction complète des réunions et grèves, interdictions des partis, censure des médias, service militaire obligatoire, internement des étrangers ou suspension des élections.

Toute opposition au régime de Zelensky est désormais persécutée et éliminée sous l’accusation « d’activité prorusse ». Le 18 mars 2022, le président a interdit par décret les activités de onze partis de l’opposition, dont le Bloc des forces de gauche, l’Opposition de gauche et le Parti socialiste d’Ukraine. Le 20 mars, un décret a été adopté pour fusionner toutes les chaînes d’information nationales sous le contrôle du gouvernement.

L’organisation de l’ICOR Conseil de coordination du mouvement ouvrier de l’Ukraine (KSRD) a fait un rapport sur les attaques particulières contre la classe ouvrière :

« En même temps, les autorités ukrainiennes ont durci le droit du travail sous la loi martiale. … licenciement beaucoup plus facile des ouvriers et des ouvrières, augmentation de la durée hebdomadaire du travail de 40 à 60 heures et suppression des jours fériés nationaux. … Toute grève est interdite. »

La manière dont Volodymyr Zelensky – parfaitement mis en scène dans son T-shirt vert olive et sa barbe de trois jours – se présente à l’échelle internationale comme un valeureux défenseur de la liberté et de la démocratie est difficilement égalable en termes d’hypocrisie.

La classe ouvrière et les masses populaires en Ukraine ont tout à fait le droit de se défendre contre l’agression impérialiste de la Russie, les armes à la main. Cependant, dans la lutte pour une paix immédiate, ce gouvernement n’est pas un partenaire honnête. À fortiori dans la lutte pour la libération sociale, il faut aussi remporter une victoire sur son propre gouvernement, le renversement du régime réactionnaire de Zelensky. L’internationalisme prolétarien est entièrement solidaire de cette guerre compliquée sur deux fronts, menée par les masses populaires ukrainiennes.

La guerre accélère le développement vers la droite à l’échelle mondiale

Le 24 mars 2022, le Premier ministre hongrois Viktor Orbán a déclaré l’état d’urgence dans son pays pour la troisième fois après une modification de la loi fondamentale, votée à la hâte au parlement, en invoquant la raison suivante : La guerre en Ukraine serait « un danger permanent pour la Hongrie ». Son gouvernement d’urgence dispose d’un arsenal abondant de mesures réactionnaires : Suspension des lois ou de leur application, interdiction des grèves, réduction de moitié de la taxe professionnelle des entreprises, self-service dans les caisses de l’État, sanction des reportages non appréciés par des peines pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison

Il n’y a pas que les gouvernements connus partout comme réactionnaires, comme celui de Viktor Orbán qui durcissent le ton. En Allemagne aussi, comme dans la plupart des pays européens et aux États-Unis, il y a un développement forcé vers la droite de la société, s’intensifient la militarisation et la fascisation de l’État.

En Allemagne, certaines parties de la loi martiale entrent déjà en vigueur en cas d’alliance et complètement en cas dit de défense, conformément à article 115a de la loi fondamentale. Il suffit qu’une attaque armée soit « imminente » pour que la Bundeswehr soit déployée à l’intérieur et que tout l’arsenal des lois sur l’état d’urgence s’applique. Cela signifie : l’interdiction des rassemblements et des grèves, la restriction massive de la liberté d’expression et des médias, la confiscation de biens, la reconversion ordonnée de la production et le travail forcé et l’arrestation immédiate d’une personne, s’il « existe des indices substantiels ou réels permettant de la soupçonner de commettre, d’encourager ou d’inciter à commettre des actes punissables au titre de la haute trahison, de la mise en danger de l’État, d’actes de trahison, de l’infraction contre la défense nationale ».

De tout cela ressort la peur non dissimulée des dirigeants face à la résistance qui se développera inévitablement contre la pauvreté, le chômage, les conséquences de la guerre et de la crise. Pour le mouvement ouvrier et populaire international, il est indispensable de lier la lutte contre la guerre et le fascisme à la lutte pour le maintien et l’extension des droits et des libertés démocratiques, comme école de la lutte pour le socialisme.

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