De TOGO EN LUTTE le 10.9.2023
Quelques réflexions sur les putschs et putschistes.
(Deuxième éditons revue et augmentée)
Les différents coups d’État militaires qui se sont succédés ces derniers temps sur notre continent, principalement dans la zone sahélienne, ne cessent de susciter des polémiques jusque dans la communauté africaine en Europe et aux USA.
C’est ainsi que certains se déclarent résolument partisans de ces putschs, et en guise de justification, évoquent l’expérience de Rawlings et de Sankara qu’ils caractérisent comme une révolution en Afrique et qu’ils nous invitent à suivre…
Voici ci-dessous quelques réflexions que nous aimerions partager avec nos auditeurs et lecteurs de notre web radio fmtogodemocratie.com.
John Jerry Rawlings et Thomas Sankara, ont su, il est vrai donner de l’espoir aux peuples africains et c’est ce que justement nous observons encore aujourd’hui, à voir tous ceux qui veulent se réclamer d’eux, tous ceux qui prétendent les prendre comme référence. Il faut reconnaître toutefois que la plupart de ceux qui se hasardent à de telles comparaisons n’ont pas pris la peine d’étudier leurs expériences, tant dans leur portée que dans leurs limites pour en tirer les meilleures leçons. Il nous appartient donc selon nous, d’œuvrer à combler de telles lacunes et de contribuer ainsi à lever tout malentendu à leur sujet.
C’est dans ce but que nous croyons nécessaire de présenter ici ce que furent Rawlings et Sankara, ce que furent leurs actions, ce qui les diffère profondément des militaires putschistes que l’on voit aujourd’hui; puis nous examinerons leurs actions, afin de les situer par rapport à la question de la révolution, ce qui nous permettra de tirer quelques leçons d’ordre général sur le phénomène révolutionnaire.
I. Des patriotes dévoués à leurs peuples.
Rawlings et Sankara se distinguent par un certain nombre de qualités qui leurs sont communes.
Le patriotisme; des convictions de anti impérialistes, anti colonialistes et anti néocolonialistes fortement ancrées; d’où de gros efforts pour se former politiquement dans ce sens, par des études, par la fréquentation de personnalités d’organisations démocratiques anti-impérialistes; la haine de la corruption; de l’injustice, la conscience de la misère du peuple.
Tout cela explique pourquoi la haute hiérarchie militaire les tenait toujours en suspicion, qu’elle ne se privait pas de les sanctionner, qu’un conflit permanent les opposait. C’est d’ailleurs à l’issue d’un conflit violent avec cette hiérarchie qu’ils ont été portés au pouvoir par un groupe d’officiers et de soldats qui partageaient leurs convictions. Il n’était nullement question de satisfaire une ambition personnelle, un intérêt égoïste.
Rien à voir avec les putschs auxquels nous assistons aujourd’hui, avec ces consensus autour de la haute hiérarchie militaire qui recyclent d’anciens personnels politiques.
Rien à voir non plus avec ces chefs galonnés de ces armées néocoloniales qui du jour au lendemain hissent le drapeau de la révolution mieux encore la révolution marxiste-léniniste !
Rien à voir avec ces officiers galonnés qui surfent sur la misère et sur l’hostilité grandissante des masses laborieuses contre l’exploitation éhontée et contre les guerres néocoloniales pour mieux se vendre à d’autres puissances étrangères. Tout ceci exacerbe les rivalités anti-impérialistes.
Avec Rawlings et Sankara c’était du sérieux. Mais peut-on pour autant parler de révolution ? C’est ce que nous allons voir dans cette deuxième partie.
II Une révolution ?
La révolution cela signifie, rappelons-le la fin d’un système et le démantèlement de tous les structures et instruments du pouvoir néocolonial y compris l’armée qui demeure, dans notre contexte, le bras armé de ce système ! Sur ce point, nous devons reconnaître que leur lutte s’est rudement heurté à des forces rétrogrades en Afrique et en occident et n’a pas pu leur résister.
Au Ghana, on sait qu’il a fallu une purge profonde de l’armée pour permettre à Rawlings de rester au pouvoir afin de réaliser son programme minimum qui consiste à redresser l’économie ghanéenne ! Donc la première opposition à la politique de Rawlings se situait au sein de son propre armée où l’on retrouve des officiers affairistes, agents des puissances étrangères et corrompus jusqu’aux os ! Et il faut croire qu’il n’a pas pu en venir à bout !
Du côté du Burkina-Faso, il y a eu certes la mise en place des CDR (Comité de défense de la Révolution) et les TPR (tribunaux révolutionnaires populaires) en Août 1983 pour juger publiquement quelques fonctionnaires corrompus,
cette purge a été, sans aucun doute, surévaluée, incomplète et des clans se sont rapidement formés autour et au sein de l’armée burkinabé. Aujourd’hui nous connaissons tous le résultat !
Devant ce résultat, force est donc de reconnaître que ce n’était pas la Révolution ni au Ghana ni Burkina-Faso !
Ceux qui continuent de caractériser cette période de révolution se trompent lourdement puisque ces luttes qui représentaient l’espoir de la jeunesse africain ne s’est pas réalisé ! C’est que ceux-là ne veulent pas consentir l’effort nécessaire pour en comprendre la raison. La question que nous devons nous poser, si nous voulons avancer c’est : pourquoi ?
III Quelles leçons ?
La raison c’est que ni Sankara ni Rawlings ne disposaient pas d’une organisation démocratique révolutionnaire capable d’accomplir les tâches d’une authentique révolution. C’est la raison pour laquelle, juste après le départ de ces deux dirigeants du pouvoir, les agents du néocolonialisme ont repris le pouvoir au détriment des masses populaires au Burkina-Faso et au Ghana.
La deuxième raison liée à la première c’est la confirmation de cette vérité, à savoir que les armées néocoloniales en Afrique ne représentent et ne peuvent défendre les intérêts des opprimés, qu’on a aucun intérêt à compter sur celles-ci.
Bref, que l’armée qui est une institution non élue par le peuple ne peut pas participer évidemment (en tant que structure autonome) à la libération des peuples opprimés en Afrique et encore moins diriger cette lutte.
L’expérience des luttes populaires a confirmé qu’en cas de conflits sociales où les intérêts de classes deviennent antagoniques, les armées néocoloniales choisissent toujours le camp de la classe dominante. Pourquoi ? C’est parce que la plupart des officiers ont été formés dans les écoles militaires en France, en Israël, aux USA et en Russie. C’est dans ces écoles qu’ils apprennent les diverses techniques de la terreur qu’ils utilisent contre les mouvements syndicaux, les révoltes populaires et les organisations démocratiques qui sont en train de remettre en cause l’ordre établi. Et, ce sont les éléments de la classe dominante qui détiennent dans nos pays et ailleurs le pouvoir politique, économique et financier.
C’est cette classe dominante pro-impérialistes au pouvoir qui le plus souvent rémunère gracieusement les officiers et autres soldats de rangs dans le but de leur faire jouer le rôle de mercenaires au service du pouvoir néocolonial et des multinationales qui organisent le pillage systémique en Afrique. (Cf: la guerre civile réactionnaire qui se déroulent actuellement au Soudan entre les deux putschistes ABDEL FATTAH AL-BURHAN et HAMDAN DAGALO alias HEMEDTI. Cette guerre civile confirme la nature de classe des armées néocoloniales en Afrique.).
Il suffit pour s’en faire une idée d’observer combien l’attitude et le comportement d’un homme en arme dans la vie de nos sociétés sont différents de ceux d’un fonctionnaire, civil ou d’un citoyen ordinaire notamment face à la chose publique: le plus souvent ces militaires carriéristes sont dispensés de toute les reproches même par devant les tribunaux ! Ils sont simplement au-dessus des lois ! En fait les armées néocoloniales sont des structures étrangères à nos sociétés. Ce n’est pas à elles qu’on peut demander d’œuvrer à la transformation de celles-ci !
Mais en revanche -dans cette lutte de libération nationale et sociale -nous ne nions pas que des éléments conscients issus de ces armées néocoloniales pourraient rejoindre individuellement les rangs du peuple en se mettant au service des organisations démocratiques et anti-impérialistes.
Pour ce faire, il est impératif que ces hommes en arme se placent sous la direction des cadres politiques pour œuvrer à la chute du pouvoir et surtout pour démolir ce système mafieux qu’on désigne, aujourd’hui, le néocolonialisme.
Tout ceci constitue la trame du programme de transformation démocratique qui est une immense tâche que les patriotes et les démocrates révolutionnaires doivent prendre à bras le corps pour faire aboutir les luttes de libération nationale et sociale en Afrique. Ils doivent se défaire de l’idée selon laquelle c’est l’armée qui pourrait conquérir le pouvoir pour le confier ensuite au peuple.
C’est cette fausse idée qu’agite actuellement certains opportunistes et illusionnistes de tous poils qui prétendent accompagner les putschistes sahéliens sous prétexte que ces dernier bénéficient actuellement de l’adhésion des masses populaires.
Nous disons ouvertement que ceux-là qui agitent comme prétexte cette prétendue adhésion populaire aux putschs travaillent contre la révolution, contre notre lutte de libération nationale et sociale. C’est une manière de nous éloigner d’une analyse lucide, critique des fructueuses expériences de Sankara et de Rawlings, mais aussi, de retarder la prise de conscience sur la nécessité de l’organisation politique et militaire des masses laborieuses qui seules peuvent mettre fin au néocolonialisme !
Belgique, le 18 septembre 2023
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