28 mars 2024

Zemmour et l’environnement (première partie)

« La culture et les valeurs morales de la société  bourgeoise sont broyées par la société où l’argent est roi….  Avec l’approfondissement de la crise, des formes réactionnaires de l’idéologie bourgeoise réapparaissent et se renforcent dans des courants et organisations obscurantistes, intégristes et fascistes. Ils servent tous au maintien du système et sont le plus souvent soutenus par des fractions de la bourgeoisie. Mais ils provoquent aussi une opposition large » (extrait de notre projet de programme, page 5)

Zemmour et l’environnement (première partie)

Nous publions ci-dessous des extraits d’un excellent document paru dans la revue « Reporterre » sur Zemmour et le changement climatique. Zemmour a multiplié les points de vue les plus réactionnaires et mensongers. Si Zemmour s’engage, nous le verrons dans la seconde partie (Zemmour 2) ce n’est pas par ignorance du sujet ou goût de la provocation mais bien pour défendre ses amis des grands monopoles financiers et industriels. Il faut donc se donner de bons arguments pour combattre pied à pied la vision du monde de Zemmour.

1/ « Apparemment, il y a des débats » sur la réalité du changement climatique

Lors d’un débat organisé par BFM TV en septembre dernier, Éric Zemmour a subrepticement remis en question la réalité du changement climatique, affirmant qu’il y « [aurait] des débats » sur la question au sein de la communauté scientifique.

Il ne s’agissait pas là d’un coup d’essai : en 2019, dans les colonnes du Figaro, il comparait déjà le réchauffement climatique à une « nouvelle religion ». Un an plus tard, dans le même quotidien, il s’insurgeait que les climato-sceptiques soient aujourd’hui « excommuniés comme jadis les libertins athées », avant de regretter que « toute contestation rationnelle [soit] bannie. »

Les « débats » évoqués par le polémiste d’extrême droite existent-ils ? Une étude publiée en octobre par des chercheurs de la prestigieuse Université Cornell montre que non. L’équipe de scientifiques a analysé plus de 88 000 études publiées depuis 2012 et soumises au processus « d’évaluation par les pairs », qui permet de s’assurer de leur qualité. Les résultats sont sans ambiguïté : 99,9 % d’entre elles montrent que les activités humaines, via l’émission de gaz à effet de serre, altèrent le climat. « Les explications alternatives (…) sont extraordinairement rares », observent les auteurs.

À titre de comparaison, les origines anthropiques du réchauffement climatique font autant consensus que la théorie de l’évolution et que la tectonique des plaques. Insinuer, comme le fait Éric Zemmour, que la communauté scientifique s’interrogerait encore sur la réalité et les causes du réchauffement climatique est donc mensonger.

2/ « La France n’a rien à voir là-dedans »

C’est ce qu’a affirmé le polémiste, il y a quelques semaines, lorsque des journalistes de LCI, de RTL et du Figaro l’ont interrogé sur sa vision du réchauffement climatique. L’ancien journaliste répète cette rengaine à l’envi. « Pour le climat, la France n’a qu’un rôle marginal dans cette histoire », pérorait-il en octobre sur le plateau du youtubeur Thinkerview. « Le problème, poursuivait-il sur Cnews, c’est la démographie et l’explosion de la natalité en Afrique et en Asie. »

Ces affirmations sont fausses. Afin d’avoir une vision réaliste de l’empreinte carbone de la France, il faut en effet inclure les émissions « importées », c’est-à-dire les émissions générées à l’étranger pour créer des produits et des services consommés en France. En 2018, comme l’expliquait un rapport du Haut Conseil pour le climat publié en octobre 2020, l’empreinte carbone « complète » de la France s’élevait à 749 mégatonnes d’équivalent CO2, ce qui correspond à 11,5 tonnes d’équivalent CO2 par habitant. C’est bien plus que la moyenne mondiale, qui s’élève, comme le rappelait la climatologue Valérie Masson-Delmotte sur Twitter en septembre, à environ 7,5 tonnes d’équivalent CO2 par personne.

Rappelons également que la notion de responsabilité, en matière climatique, s’étend aux émissions historiques. Le dioxyde de carbone persiste en effet pendant une centaine d’années dans l’atmosphère. « Le facteur dominant dans l’évolution du climat, c’est le cumul des émissions passées, présentes et futures de CO2 », poursuivait Valérie Masson Delmotte sur Twitter. Depuis 1850, la France a émis plus de 38,5 gigatonnes de CO2 sur son territoire, selon les données de Carbon Brief. Elle se hisse ainsi au treizième rang des nations les plus émettrices de gaz à effet de serre. Sa contribution au réchauffement climatique est donc loin d’être « marginale ».

À l’inverse, un milliard d’êtres humains vivant au sein de quarante-huit pays d’Afrique subsaharienne n’ont émis que 0,55 % des émissions de CO2 cumulées depuis 1750. Dire que l’Afrique est responsable du changement climatique est donc « faux et criminel », selon Alma Dufour, chargée de campagne au sein des Amis de la Terre. « Cela transforme les victimes en coupables. » Les populations les plus vulnérables au changement climatique, notamment en Asie et en Afrique, en sont les moins responsables. Selon un récent rapport du Laboratoire sur les inégalités mondiales, les 1 % les plus riches sur Terre ont davantage détraqué le climat que les 50 % les plus pauvres.

3/ « Nous devrions faire des cocoricos tous les jours », grâce au nucléaire

Le polémiste le répète dès que l’occasion lui en est donnée, par exemple sur BFMTV, en septembre : la France n’aurait pas besoin d’émettre moins de CO2, car elle serait déjà exemplaire. La preuve : sa production énergétique reposerait à 85 % sur des sources peu émettrices, le nucléaire et l’hydraulique.

Sauf que ces chiffres sont faux, ou du moins tronqués. Éric Zemmour n’évoque ici que le mix électrique (avec, de surcroît, des chiffres inexacts : en 2020, selon RTE, la production d’électricité provenait à 67 % du nucléaire, et à 13 % de l’hydraulique). L’électricité ne nous permet cependant pas d’assouvir tous nos besoins en énergie. Pour nous déplacer, nous utilisons encore en grande majorité du pétrole, et du fioul et du gaz pour pour nous chauffer. Si l’on prend en compte ces autres usages, la France apparaît sous un jour bien moins flatteur. En 2019, près de la moitié (47 %) du bouquet énergétique primaire français provenait de sources fossiles.

Depuis 1990, les consommations de nucléaire et de gaz naturel ont augmenté respectivement de 28 % et 46 %. Datalab – chiffres clés de l’énergie

Pour le moment, la France peine à réduire ses émissions de gaz à effet de serre, ce qui lui a valu d’être poursuivie et condamnée en justice pour inaction climatique. En juillet dernier, le Conseil d’État estimait que les mesures climatiques prises jusqu’ici par le gouvernement n’étaient pas suffisantes pour respecter l’objectif national de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030. Constat partagé par le Haut Conseil pour le climat. Pas de quoi, donc, se pavaner dans les basses-cours. 

4/ « L’Homme s’est toujours adapté à toutes les températures »

« Je trouve toujours curieux que des scientifiques nous expliquent qu’une augmentation de température de 1,5 °C provoque des catastrophes absolument apocalyptiques et incalculables et que l’Homme ne s’adaptera jamais à ça, alors que l’Homme est depuis des millions d’années la seule espèce qui s’adapte à toutes les températures », lançait avec emphase Éric Zemmour sur le plateau de Cnews, en juin 2021.

Cette position peut être comparée au « stade 6 » du climato-scepticisme décrit par le climatologue états-unien Michael E. Mann : quoi qu’il advienne, selon ses tenants, nous pourrions nous adapter ou trouver des solutions techniques au changement climatique. Changer de mode de vie ne serait donc pas nécessaire.

Miser uniquement sur les capacités d’adaptation de l’être humain revient cependant à oublier l’amplitude et la vitesse de la catastrophe climatique en cours. En 2019, une étude publiée dans la revue Nature montrait que la planète ne s’était jamais réchauffée de manière aussi rapide et homogène au cours des deux derniers millénaires. « La situation actuelle est caractérisée par une rapidité inédite des changements, non seulement des températures moyennes, mais surtout des évènements extrêmes comme les sécheresses, les crues, les tempêtes, les canicules et la hausse du niveau de la mer », explique à Reporterre Wolfgang Cramer, écologue, géographe, et directeur de recherche au CNRS.

Contrairement à ce que semble penser M. Zemmour, une augmentation de 1.5 °C de la température globale ne signifie pas qu’il fera simplement 21,5 °C au lieu de 20 °C dans la campagne française en mars, ou -18,5 °C au lieu de -20 °C à Montréal en hiver. Le système climatique dans son ensemble sera durablement bouleversé. « Pour chaque incrément de réchauffement supplémentaire, les fréquences et intensités des extrêmes augmentent de manière très nette », rappelle à Reporterre la climatologue Valérie Masson-Delmotte.

Les nombreux mégafeux, inondations, tempêtes et canicules qui ont pu être observés au cours des derniers mois rappellent que les effets du changement climatique se manifestent déjà, y compris en France, avec des conséquences dramatiques sur les écosystèmes, les rendements agricoles, l’accès à l’eau et la sécurité des habitats. « En 2020, l’Australie a mis plus de trois mois à éteindre les incendies de forêt. Dans le sud-ouest des États-Unis, en août, le gouvernement a dû rationner l’accès à l’eau, alerte Alma Dufour, des Amis de la Terre. Le réchauffement climatique commence déjà à dépasser les capacités d’adaptation des États les plus riches, malgré leurs moyens techniques et financiers, alors que nous n’en sommes encore qu’aux prémisses. »

5/ « La France va perdre 100 000 emplois à cause de la transition écologique »

C’est ce qu’a affirmé Éric Zemmour sur le plateau du youtubeur Thinkerview, en octobre. Là encore, ces chiffres sont erronés. « Sur la question des emplois, il y a beaucoup de débats et beaucoup de chiffrages différents, dont certains sont exagérément positifs, note Alma Dufour. Mais dire que la France va perdre autant d’emplois est totalement faux. 

La chargée de campagne au sein des Amis de la Terre cite en exemple l’étude publiée en septembre dernier par le Shift Project. Cette dernière table sur une croissance nette « modérée » de la demande de main-d’œuvre grâce à la transition écologique.

[D’autant que cette de perte ou de création d’emplois dépend surtout de la lutte des classes, des rapports de force entre la classe dirigeante et le prolétariat. Les capitalistes opposent souvent démagogiquement l’emploi à l’écologie, mais leur objectif n’ai ni l’un ni l’autre mais l’exploitation de l’homme et de la nature. (Note de la rédaction du site)]

6/ « L’éolien, c’est bien pour les gens qui n’ont pas le nucléaire »

Éric Zemmour ne cache pas sa détestation des éoliennes, qu’il juge « néfastes », « bruyantes » et « laides ». Sur le plateau du youtubeur Thinkerview, en octobre, il est allé plus loin, affirmant qu’il faudrait « arrêter » avec les énergies renouvelables. Elles seraient selon lui inutiles pour la France, qui pourrait se reposer entièrement sur son parc nucléaire.

Une contre-vérité de plus. En juin, le Réseau de transport d’électricité montrait que, même en cas de renouvellement des centrales nucléaires françaises et de prolongation de la durée de vie des réacteurs existants, l’énergie atomique ne pourrait jamais répondre qu’à 50 %, au maximum, des besoins en électricité de la France à l’horizon 2050. « Tous les scénarios supposent un effort substantiel sur toutes les technologies d’énergies renouvelables, sans exception », concluait-il. Le parc nucléaire est en effet vieillissant, et de nombreux réacteurs devront fermer dans les trente prochaines années. Si elle veut atteindre la neutralité carbone, la France devra quoi qu’il arrive développer ses sources d’énergie renouvelable.

…/…

 [En guise de conclusion : les idées de cet individu ne sont pas celles d’un fou ou d’un farfelu, elles tendent avec d’autres points de vue comme ceux sur le « grand remplacement », ou du retour à « l’homme providentiel » voir l’avenir comme un immense pas en arrière. Nous verrons dans le prochain article les amitiés de Zemmour et les intérêts de classe qu’il défend.]

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