7 novembre 2024

Projet de réforme : « L’école de la confiance » : Attention – les casseurs sont à l’œuvre !

La loi Blanquer, ministre de l’éducation nationale, a été adoptée en première lecture par l’Assemblée Nationale le 19 février dernier. Elle vient renforcer l’arsenal libéral destiné à dissoudre ce qu’il reste de dignité à l’École publique. « École de la confiance » nous dit-on, labellisée Macron, loi de casse méthodique qui voudrait que l’école finisse de se plier aux lois du marché et de la concurrence, avec l’économie budgétaire comme seul et unique paradigme / absolu. Un camarade analyse quelques aspects de cette loi qui déclenche un mouvement de grève et de protestations en extension.

Ces objectifs d’économie (d’échelle) sont à peine dissimulés par un habillage pédagogique grotesque, accompagné de la petite rengaine habituelle sur la prétendue volonté de réduire les inégalités. La loi compile en effet toute une somme de mesures autoritaires, dont le seul but est de mettre au pas le corps enseignant et de désintégrer la dimension collective / publique de l’action éducative.

Assommés de réforme, les enseignants n’étaient évidemment pas demandeurs d’une nouvelle loi. Leurs attentes se situent davantage sur une revalorisation salariale pour TOUS, et des moyens supplémentaires (notamment humains) pour améliorer leurs conditions de travail et infléchir/contrer le diktat des programmes utilitaristes du ministère. A l’heure de la promotion tous azimuts (des résultats – de la synthèse) de la farce démocratique du Grand Débat, cette loi Blanquer vient rappeler l’essence, le socle matriciel de l’idéologie libérale-macronienne : autoritarisme, dérégulation, concurrence entre individus / établissements, saccage du service public. Cet article se limitera à quelques-uns des multiples aspects mortifères de cette loi.

L’enseignant « exemplaire et irréprochable »

L’article 1 annonce la couleur – et provoque la colère : il pourra être invoqué sous couvert « d’exemplarité et d’irréprochabilité » lorsqu’un collègue critiquera l’institution, une réforme ou la politique générale. Déjà, des formes de pression sont constatées. Une collègue ayant tenu un rouleau de scotch pour que des parents fixent une banderole contre une fermeture de classe s’est vue rappeler à l’ordre. Nul doute que les situations litigieuses vont se multiplier. Mais l’application de cette mesure dépend également du rapport de forces qu’il nous appartient de construire.

Savoirs fondamentaux = Savoirs minimum ?

L’article 6 illustre de manière éclairante la « méthode Blanquer ». Est introduite la possibilité de créer des « établissements publics des savoirs fondamentaux », structures regroupant administrativement dans un même établissement collège et école situés dans la même zone. La direction de ces Établissements Publics serait confiée au chef d’établissement du collège exerçant à la fois les compétences du premier et du second degré. A ses côtés exercera un adjoint en charge des classes du primaire, supposément issu du premier degré et dont les modalités de recrutement seront fixées par décret. L’objectif ici est de liquider la direction d’école sous sa forme actuelle en introduisant un nouveau statut hiérarchique et en dépossédant les directeurs actuels de leurs missions qui met fin à leurs fonctions (actuellement, les directeurs/trices d’écoles NE SONT PAS les supérieurs hiérarchiques de leurs collègues).

Cette fusion des écoles maternelles, élémentaires et des collèges aurait pour conséquence la fermeture MASSIVE de classe (voire d’écoles, en zone rurale particulièrement). Les effectifs par classe augmenteraient significativement, oscillant entre 30 et 35 élèves. La gestion budgétaire des écoles maternelles et élémentaires passerait de la ville au département. La Seine-Saint-Denis étant déjà en grande difficulté financière, on peut aisément imaginer ce que cela occasionnerait. Par ailleurs, il est intéressant de noter que la suppression de la carte scolaire amène la fin des écoles de « secteur ». Concrètement, s’il n’y a plus de place pour accueillir votre enfant dans l’école près de chez vous, il n’y aura évidemment pas d’ouverture de classe, l’enfant sera envoyé dans une autre école, là où des inscriptions demeurent encore possibles.

Avec un personnel formé à minima ?

Cette loi entraîne une gestion identique à celle d’une entreprise, ne pensant qu’aux chiffres et aux économies, sans jamais penser à l’intérêt suprême des enfants. Le recours aux contractuels sans exigence de diplôme et sans formation va devenir monnaie courante, à plus forte raison en Seine-Saint-Denis où déjà 600 contractuels opèrent dans tout le département. Dans le secondaire, des étudiants, pendant qu’ils préparent leur concours, se verront confier des tâches allant jusqu’à l’enseignement. Ils se verront remplacer les enseignants sans être formés au métier et en étant naturellement sous-payés. L’inclusion des enfants handicapés se fera sans aucune garantie autour des moyens pour les accueillir dans de bonnes conditions. L’instruction obligatoire à 3 ans (alors que près de 98% des enfants sont déjà scolarisés à cet âge…) amènent les collectivités à participer aux dépenses de maternelles privées. (Autant d’argent pris sur le public qui assure mixité scolaire et sociale).

La lutte s’organise !

Les fonctionnaires de l’Éducation Nationale ne sauraient être réduits à de simples exécutants de lubies libérales. C’est pourquoi ils s’organisent ! La journée de grève du mardi 19 mars 2019 a été très fortement suivie par les collègues de Seine-Saint-Denis. Avec plus de 60 % de grévistes et près de 200 écoles fermées, les enseignants du 93 ont manifesté fortement le rejet de la loi Blanquer. Assemblées Générales, nouveaux rassemblements, manifestations et grèves sont prévus. Nouvelle manifestation le 30 mars 2019, puis semaine de mobilisations autour d’une journée de grève le jeudi 4 avril 2019. Les parents commencent à adhérer à la logique de lutte et c’est éminemment encourageant.

Évaluation par compétences et sélection = éducation?

Il est intéressant de noter qu’en ces périodes qu’on pourrait qualifier de « chômage massif », les politiques d’éducation se recentrent essentiellement sur l’apologie de l’évaluation par compétences, et sélection. Ce qui illustre une des fonctions historiques de l’École sous le capitalisme, à savoir l’établissement de programmes comme investissement PRODUCTIF pour les besoins de MAIN d’OEUVRE et/ou « d’EMPLOYABILITE ». La casse des statuts et des diplômes et la diminution du nombre de personnels vient renforcer cette logique globale qui sous-tend chaque réforme ( voir notamment les Accords européens de Lisbonne en 2007.)

Depuis Jules Ferry, l’école a TOUJOURS été au service du capital. L’École est un service public d’éducation à qui le pouvoir en place fixe des objectifs comme pour la Poste ou EDF. Avec la construction de l’Union Européenne et la mondialisation des économies, cette école ne correspond plus aux ambitions du capitalisme. On veut nous faire accepter la situation actuelle comme intangible, il n’y aurait pas d’autres choix possibles, pas d’alternative. L’école de Blanquer a cette ambition : enfermer idéologiquement les jeunes dans l’illusion d’une pensée INDIVIDUELLE de leur vie, de leur devenir et du monde. Or il n’y aura pas d’autre école, pas d’autre société sans visions COLLECTIVES.

Pour une autre école !

Une École qui permette à chacun de voir et de comprendre les potentialités que recèle la société humaine, notamment en matière de pédagogie. Les jours qui viennent peuvent être difficiles, mais ils seront exaltants. Ils auront une perspective si les élèves des écoles, des collèges, des lycées, des ateliers, si les parents et les professeurs se donnent la main pour refuser la soumission au pouvoir du capital financier. Contre l’asservissement et la diffusion de la misère dans l’École Publique. Pour un épanouissement global et social de l’enfant dans un monde d’entraide et de coopération.

Un lecteur, professeur des écoles

pour aller plus loin, voir l’analyse de nos camarades de l’UCL sur la réforme de la Fonction Publique :
https://unitecommuniste.fr/france/cap-catastrophe-leducation-en-solde-et-la-liquidation-du-corps-professoral/

Voir aussi l’Initiative de collègues mobilisé-es de 25 collèges des Bouches-du-Rhône
réuni-es en Assemblée Générale les 6 et 13 mars 2019 :
Pétition Manifeste pour une école publique gratuite démocratique et populaire