Cet article d’un camarade algérien est tout à sa responsabilité. En effet, nous connaissons trop peu l’histoire du communisme algérien pour nous prononcer sur le fond. Si cet article pouvait amener d’autres camarades à en débattre nous en serions satisfaits.
Toutefois du point de vue des principes, il nous semble qu’en préalable la critique du révisionnisme du PC Algérien est indispensable. Ce Parti a suivi la politique chauvine du PC français pendant la lutte de libération nationale, laissant ainsi la direction du mouvement national anti-colonial à la moyenne bourgeoisie. Cette couche moyenne au pouvoir est devenue une nouvelle bourgeoisie s’appuyant sur les forces armées. Celles-ci n’ont nullement l’intention d’aller vers le socialisme. Etc. Ces réflexions critiques nous semblent indispensables pour avoir de bonnes bases marxistes-léninistes pour reconstruire le mouvement communiste en Algérie. (le comité de rédaction)
Le Pads : un espoir vite éteint.
Au vu de l’absence d’articles (le dernier sur le site Internet remonte au mois de septembre 2024) du Parti algérien pour la démocratie et le socialisme (Pads) on peut penser qu’il n’existe plus. Or, son silence peut être vu comme une attitude malhonnête envers le mouvement ouvrier et communiste international. Surtout qu’il se présentait devant les communistes du monde entier comme le représentant qualifié de la classe ouvrière algérienne. Ce qui doit pas nous empêcher de donner notre avis sur ce qu’il a fait ou n’a pas fait pour éviter sa disparition.
Rappelons que le Pads est né en mars 1993, après que les renégats du communisme eurent liquidés en janvier de cette année le parti communiste algérien appelé Parti de l’Avant-Garde Socialiste (Pags). On se doit de s’interroger sur la facilité avec lequel ces renégats (gorbatchéviens) purent le liquider dans la foulée du renversement contre-révolutionnaire du camp socialiste. Si, cela a pu se produire c’est sans doute que le Pags était miné et gangrener par l’opportunisme en général.
Nous devons signaler que la fondation du Pads ne résultait pas d’une décision prise par un congrès, mais de celle de camarades issus du défunt Pags. La pratique a montré que c’était une décision précipitée du fait que les fondateurs ne se donnèrent pas le temps et les moyens d’élaborer un véritable plan d’organisation du Parti.
Au début du Pads nous avons demandés aux vétérans du Parti communiste algérien (PCA) d’écrire son histoire afin d’extraire « le bon grain de l’ivraie ». Tâche qu’ils n’ont pas voulu entreprendre parce qu’eux-mêmes n’étaient pas clairs sur son évolution en Algérie notamment envers la question nationale et, par la suite, sur son rapport aux orientations politiques et économiques de Ben-Bella et de Boumediene. S’ils n’étaient pas clairs sur ce passé, ils ne devaient pas être plus clairs sur les questions présentes, que le cours du développement social assignait aux communistes algériens.
Ensuite, aussi incroyable et dommageable que cela puisse paraître le Pads s’activait sans programme et sans statuts. Cependant, cela ne dérangeait pas la direction puisqu’elle pouvait s’en passer du moment qu’elle disposait de l’appareil. Sans un programme le Pads ne pouvait voir claire sur à quel moment, dans quelle circonstance et dans quelle condition il fallait agir pour lancer tel ou tel mot d’ordre pour mobiliser les masses. C’est seulement à cette condition qu’il pouvait apparaître comme l’interprète de la volonté des travailleurs.
D’autre part, l’absence de statuts permettait à la direction auto-proclamée et inamovible de diriger le Pads comme une secte où les nobles, ayant tous les droits, décident et dirigent, tandis que la base exécute les ordres venant d’en haut. Ce type de fonctionnement de type bureaucratico-tyrannique ne pouvait que rebuter les meilleures volontés. On n’exigeait pas une discipline juste et efficace des membres (pas de centralisme démocratique en l’absence de statuts), mais une obéissance aveugle non librement consentie puisque incomprise. Quant à la formation marxiste-léniniste elle n’a jamais été entreprise afin d’armer théoriquement et tactiquement les militants sur les sujets théoriques et concrets de la lutte des classes. De même que l’élaboration de l’orientation et la politique de l’organisation n’ont jamais été élaborés et contrôler collectivement. L’absence de cap, boussole et plan caractérisait parfaitement l’opportunisme en matière d’organisation et de son fonctionnement. Une ébauche d’un programme et de statuts fût envoyée au pays sans recevoir de réponse.
Invoquant l’argument, fallacieux, de la clandestinité (valable au pays, mais pas en France) la direction refusait la tenue d’élections et de congrès fondateur. Elle invoquait que nous étions une section à l’étranger du Pads, mais elle agissait, en lien avec des camarades au pays, comme une direction politique décisive.
Signalons que la plupart des membres de la direction autoproclamée du Pads avaient fait leur classe au sein du mouvement communiste en Algérie depuis la fin de la 2e Guerre Mondiale et dans la période de l’indépendance politique du pays en juillet 1962. Ils avaient connu la dynamique ascendante du socialisme sous Staline et son antithèse dans la période khrouchtchévienne, descendante et déclinante du camp socialiste. Pourtant, ces cadres pouvaient démentir les calomnies et les mensonges khrouchtchéviens contre Staline. Ils ne l’ont pas fait par fidélité aux révisionnistes soviétiques. L’organe du Pads, « Le lien des ouvriers et des paysans », trouva le moyen de rendre hommage à Houari Boumediene (comme chef de l’État algérien, socialiste petit-bourgeois), mais ignorer Staline le plus grand homme, après Lénine, du 20e siècle.
Sur le plan tactique. La présentation indirecte d’une liste aux élections législatives du mois de juin 1997 pour l’immigration algérienne a été une réussite politique sans pour autant se convertir en succès chez les ouvriers de l’immigration algérienne. Bien au contraire, elle montra qu’une tendance interne agissait pour orienter le Pads sur la voie ouvertement social-démocrate. Crise interne qui se termine par l’exclusion de cette tendance de type bundiste (de type kabyliste) durant la période 1997-1999.
A part, cette initiative en France le Pads était sur la ligne du boycott électoral mise à part le scrutin présidentiel de novembre 1995. Scrutin que le Front islamique du salut (FIS) et ses alliés socialistes et trotskistes (Parti des travailleurs) appelaient à boycotter. Les islamistes du FIS menaçaient de morts les citoyens qui iraient voter. Cependant, bravant l’interdit le peuple algérien se rendit massivement aux urnes pour crier haut et fort son rejet des islamistes. Le FIS venait d’essuyer une seconde défaite politique majeure après l’échec de sa grève générale de juin 1991. Le sang qu’il fît couler lui aliéna de nombreux soutiens au sein du peuple.
Ensuite, précisons que l’application du mot d’ordre de boycott chez Lénine répond à une condition politique sociale bien précise : il est juste lorsque l’élection risque de détourner les masses de l’effervescence révolutionnaire, tandis qu’en période de « de calme » il est faux politiquement.
Au même moment, certains droitiers (qui seront exclus) développaient la thèse que nous ne devions pas mettre en avant les revendications économiques des travailleurs algériens pour ne pas faire « fuir » les représentants de la petite bourgeoisie démocratique. En fait au nom de la lutte du front populaire anti-intégriste, que nous partagions unanimement, ces opportunistes agissaient pour que la classe ouvrière ne prenne pas l’hégémonie dans la lutte anti-intégriste.
L’arrivé de l’homme désirable de l’impérialisme international Abdelaziz Bouteflika en avril 1999 modifie la situation politique au pays. Place aux affaires et paix « dans les chaumières » pouvaient être les slogans de l’homme « providentiel » qui allait intégrer le pays dans le cadre de la « mondialisation et globalisation » capitaliste. Abdelaziz Bouteflika décide d’intégrer dans son gouvernement des partis islamistes (« modérés »), nationalistes et démocrates petits bourgeois. Il prône l’ouverture économique aux capitalistes étrangers ; la « concorde civile et la réconciliation nationale » et adopte une « amnistie » des groupes armées du FIS qui acceptent sa politique de la « main tendue ». Il faut savoir que ces groupes armés ont commis d’innombrables et d’innommables crimes contre « leur » peuple et ses infrastructures.
La cellule du nord du Pads appelle les citoyens algériens à voter contre la politique « de la concorde civile et de la réconciliation nationale » référendum du 16 septembre 1999. Sauf que la direction parisienne (sans aucune discussion) dénonce publiquement notre position et prône l’abstention envers la démarche référendaire. Or, l’abstention, envers une loi qui « pardonne » ceux qui ont plongés l’Algérie et son peuple dans un bain de sang était une faute politique majeure, une hérésie.
Au début de l’agression impérialiste de l’Irak en mars 2003, le Pads soutien la trahison du parti « communiste » irakien, venu dans les chars des troupes américano-britanniques. Bien évidemment, pour la direction khrouchtchévienne du Pads la guerre n’était pas une condamnable agression d’un Etat souverain mais une libération du peuple irakien de la dictature du baath irakien.
La moitié des camarades du Pads était contre cette position opportuniste, mais ils n’ont pas osé engager une action pour destituer la direction qui faisait honte au communisme en Algérie. D’autre part, celle-ci avait « oublié » que le communisme est toujours dans le camp des opprimés contre les oppresseurs.
Une digression s’impose pour mieux expliquer ce point de vue. Les communistes soutiennent « la défense de la patrie » ou lutte nationale des peuples quand celle-ci a un caractère défensif et ne poursuit pas des objectifs oppressifs. Quand une lutte nationale renforce la réaction et le capitalisme à l’instar de celles qui ont marquées l’actualité mondiale exceptée le peuple Palestinien et Sahraoui, elle est à rejeter. Ces luttes nationales divisent les travailleurs et les peuples pour assurer le profit au capitalisme, tandis que ne pas les rejeter revient à rejeter la réaction et l’impérialisme.
Un autre sujet est venu renforcer les divergences et les désaccords sur la question des langues en Algérie. Lors de la mortelle répression gouvernementale du printemps 2001 en Kabylie le mot d’ordre « amazigh, langue nationale et officielle » circulait dans la sphère intellectuelle du pays. La majorité du Pads partageait ce mot d’ordre sans avoir au préalable discuter sur le sujet.
D’emblée, précisons que la bourgeoisie algérienne « apeurée » par l’ampleur et l’envergure des manifestations en Kabylie a reconnu intégralement ce mot d’ordre sans voir qu’il contenait, et contient, en germes les motifs du séparatisme qu’elle veut éviter. Au point de vue de la démocratie politique, la reconnaissance et la promotion de la langue berbère est juste… autant l’élever au rang de langue nationale est injuste. Pourquoi ? D’une part, parce qu’elle n’est pas commune à tout le peuple algérien contrairement à la langue arabe. Ensuite, élever la langue berbère au niveau d’une langue nationale suppose qu’elle soit enseignée à tous les Algériens.
Les institutions du pays devraient communiquer en langue berbère obligeant de ce fait la population algérienne à apprendre cette langue. Mesure aussi absurde que de ne pas reconnaître officiellement la langue. On verrait mal en France ou en Italie que les institutions étatiques communiquer en breton, alsacien, sicilien ou sarde avec leurs citoyens parlant français ou italien. Les communistes algériens qui portent l’intégralité de ce mot d’ordre n’ont pas compris la question nationale et linguistique telle qu’admirablement définie par Staline.
D’autre part, un État qui reconnaît officiellement deux langues nationales n’est plus un État centrale au sens strict du terme, mais un État fédéral. Nous savons tous que le fédéralisme est la porte ouverte au séparatisme comme l’atteste l’histoire. En Belgique, le mouvement flamand avait commencé par des revendications linguistiques (justes), mais la dialectique même de son développement l’a conduit dans le fédéralisme et le séparatisme. Idem, en Algérie pour le MAK (mouvement séparatiste kabyle) qui revendiquait la culture berbère avant de tomber inévitablement dans le séparatisme kabyle.
Ce narratif sur un aspect de l’expérience du Pads en France serait partiel et partial si, nous occultons le travail de masse qu’il a effectué dans toutes les directions au sein de l’immigration ouvrière algérienne. Des actions concrètes avec le peuple algérien furent menées avec plus ou moins de succès. A un moment, la propagande était sous influence d’opportunistes (certains seront exclus en 1999) qui tenaient un discours à géométrie variable ; c’est-à-dire communiste devant des communistes et démocrate devant des démocrates petits bourgeois. Attitude qui traduisait en dernière analyse l’adaptation du carriérisme au communisme.
Le Pads a constitué un espoir pour les communistes algériens qui s’est vite éteint. La cause première de la disparition du Pads à un nom : l’opportunisme. L’opportunisme signifie la contradiction entre la théorie et la pratique, la conciliation entre deux points de vues extrêmes (révolutionnaires et réformistes) sur toutes les questions de la révolution et du socialisme, c’est l’adaptation du marxisme-léninisme au démocratisme petite bourgeois ; c’est l’exaltation et l’engouement aux périodes d’effervescences révolutionnaires passagères et, à contrario, l’abattement, la résignation à l’ordre établi quand les vents de l’histoire sont contraires, etc.
C’est Lénine qui a le mieux cerner la physionomie intellectuelle de l’opportunisme en déclarant que dans la société de classes il avait des causes matérielles entretenu et soutenu par les pouvoirs publics pour domestiquer le mouvement ouvrier et socialiste, communiste à notre époque.
En guise de conclusion. Toute contribution sur l’histoire du Pads ne peut contredire ce récit non exhaustif, mais l’enrichir. Ce récit est aussi un appel aux communistes algériens pour se rencontrer et discuter d’un plan de reconstruction du Parti communiste qui manque cruellement aux ouvriers et travailleurs pour devenir les leviers de la révolution prolétarienne. Ce Parti ne se construit pas de manière horizontal (par les luttes), mais du haut (verticalement) par l’avant-garde révolutionnaire armée de la doctrine féconde, salutaire et vivifiante du marxisme-léninisme.
Mahmoud-Ben-Lakhal.