Chaque soir, les journaux télévisés débitent les chiffres de la dette publique comme un chapelet : 3 100 milliards d’euros, plus de 110 % du PIB, des « déficits structurels » et il va donc falloir faire des « efforts nécessaires », nous disent-ils. Et toujours, en écho : il va falloir « travailler plus longtemps, rogner les retraites, fermer des lits d’hôpital, réduire les dépenses publiques, abaisser le coût de la main d’oeuvre » Etc. Toujours pour « rembourser la dette ».
Mais de quelle dette parle-t-on ? À qui doit-on cet argent ? Et surtout : à quoi sert cette dette ? Voilà les questions qu’il faut poser — non pas à BFM ou au Sénat — mais dans les usines, les quartiers, les écoles, les collectifs de lutte. Parce que ce que le Capital veut nous faire passer pour une « fatalité » économique est en réalité un choix politique de classe, un mécanisme au cœur de la reproduction du capitalisme en crise.
La dette publique : un instrument du capitalisme
Ce n’est pas l’État qui est en faillite, c’est le capitalisme lui-même. Son moteur — le profit privé — cale. La baisse tendancielle du taux de profit, mise en valeur par K. Marx, n’est pas une théorie fumeuse : elle est une réalité historique qui s’impose à tous les capitalistes. Les taux de profit, en France comme ailleurs, s’érodent depuis les années 1970. Face à cette impasse, l’État bourgeois prend le relais : il s’endette pour maintenir artificiellement les profits.
L’État emprunte — mais pour quoi ? Pas pour investir massivement dans les hôpitaux, les transports gratuits ou le changement écologique global. Non. Il s’endette pour sauver les banques, financer les baisses d’impôts sur les entreprises, subventionner les grands groupes, garantir les dividendes. Chaque euro de dette supplémentaire est une avance sur le capital, une perfusion dans les veines du système.
On nous dit : « l’État-providence coûte trop cher ». Mensonge. Ce qui coûte, c’est le capitalisme assisté, le capitalisme sous respirateur d’État. Les aides publiques aux entreprises explosent. Rien qu’en 2023, 157 milliards d’euros de dépenses publiques sont allés directement ou indirectement aux entreprises privées. Dans le même temps, on nous explique qu’il faut reculer l’âge de la retraite pour économiser 13 petits milliards…
Qui prête à l’État ? Les mêmes qui en profitent
Le scandale va plus loin. Les prêteurs à l’État sont les détenteurs du capital financier : banques, fonds d’investissement, assurances, grands groupes monopolistes, etc. Autrement dit, ce sont les mêmes qui touchent les subventions, les exonérations de cotisations sociales, les marchés publics, les cadeaux fiscaux. Ils prêtent à l’État de l’argent qu’ils ont déjà extorqué au travail, la plus-value. Et ils touchent des intérêts sur les prêts.
C’est la double peine pour les travailleurs : on subit l’exploitation dans l’entreprise, et on la paie ensuite dans les politiques d’austérité. C’est une spirale infernale où la dette publique devient un instrument de prédation systémique. Engendrant d’un côté l’enrichissement croissant d’une minorité et de l’autre l’appauvrissement croissant de la majorité.
La dette, une arme politique contre les peuples
La dette est aussi un instrument de chantage politique. Elle permet aux gouvernements de justifier toutes les régressions sociales : « on n’a pas le choix ». Elle permet à la Commission européenne, au FMI, à la BCE, d’imposer des politiques néolibérales à tous les peuples d’Europe, de la Grèce aux hôpitaux français.
Ce n’est pas la dette qui menace nos conditions de vie — c’est l’ordre capitaliste qui en a besoin et qui l’utilise comme une arme politique. Une arme pour comprimer les salaires, privatiser les services publics, marchandiser l’éducation, liquider les dépenses sociales.
Et quand la crise explose, que les bulles spéculatives se dégonflent, comme en 2008 ou en 2020, des milliards arrivent, pompés sur la plus-value du Travail, en quelques jours pour sauver le système. Les mêmes qui n’ont jamais d’argent pour l’hôpital ont débloqué 672 milliards pour le « quoi qu’il en coûte »… Pas pour les infirmières, mais pour les patrons. C’est ce qu’on appelle un choix de classe.
Que faire ? Sortir du piège dialectiquement
Face à cette situation, il ne suffit pas de demander l’annulation de la dette. Il faut comprendre dialectiquement : la dette est un symptôme du capitalisme en crise, mais aussi un outil de sa reproduction. Tant que le pouvoir politique reste entre les mains du capital, toute dette annulée sera remplacée par une nouvelle forme de transfert de richesses vers les capitalistes.
Il ne s’agit pas de réformer la gestion de la dette. Il faut arracher le pouvoir économique au capital. Exproprier les banques, socialiser les leviers du crédit, remettre les richesses entre les mains de celles et ceux qui les produisent.
La dette est un révélateur : elle montre que ce n’est pas le gouvernement, la politique qui dirige l’économie de la société, mais bien les lois objectives qui s’imposent au Capital financier et à ses gestionnaires. C’est pourquoi la seule solution durable, c’est une révolution socialiste, c’est la prise du pouvoir par la majorité populaire, qui s’empare des moyens de production et d’échange, transforme les rapports sociaux capitalistes et construit un nouvel ordre basé sur les besoins humains et non sur le profit. C’est çà le socialisme révolutionnaire.
La dette n’est pas un mal nécessaire. C’est une chaîne. Il ne suffit pas de la réduire. Il faut la briser.
Bachir.