Le 6e Conseil international des travailleurs de l’automobile s’est tenu du 15 au 18 octobre 2009 à Hanovre. 450 participants venus de 16 pays y ont participé. Des travailleurs de plus de 70 sites de l’industrie de l’automobile et de l’équipement, des familles ainsi que des camarades d’autres branches ont délibéré sur la manière de faire face aux nouveaux défis posés à la lutte des travailleurs de l’automobile dans la crise économique mondiale et la crise écologique qui touche également le monde entier.
Nous sommes, actuellement confrontés aux signes précurseurs d’une nouvelle et vaste réorganisation de l’industrie automobile mondiale. Il y a actuellement dans le monde des capacités de production de 94 millions de voitures, pour une vente probable de 55 millions de voitures en 2009. Du point de vue capitaliste, ce sont des surcapacités de production qui doivent être « résorbées » par une guerre économique de destruction d’entreprises au détriment de centaines de milliers de travailleurs et de leurs familles. Aussi, l’énorme accroissement de productivité sert à obtenir des profits maxima et à la lutte pour des parts de marché mondial, au lieu d’être bénéfique aux travailleurs. Alors que nous, les travailleurs, nous avons développé cette productivité par notre travail. Rien qu’un faible pourcentage de la valeur détruite par la crise pourrait éliminer la faim et la misère dans le monde. Il pourrait couvrir les besoins mondiaux en énergie par des énergies renouvelables et transformer la production en faveur de systèmes écologiques nouveaux dans des transports tant individuels que publics.
Dans certains pays dépendants et opprimés ainsi qu’en Europe de l’Est, le fardeau de la crise a été directement déchargé sur le dos des masses populaires par des fermetures d’usines et des réductions de salaires. Dans les pays de l’Europe de l’Ouest, et en partie aux États-Unis, les effets de la crise ont été provisoirement atténués en recourant aux budgets nationaux, par du chômage partiel, des primes à la casse et des indemnités. Le but étant de prévenir les protestations, les résistances collectives y compris par l’unité ouvrière internationale dans les usines d’origine et les centres de production des monopoles de l’automobile. Ainsi, plus de 100 milliards de dollars de subventions ont été versés aux groupes automobiles à travers le monde.
Selon la devise « Sortir gagnants de la crise » des groupes automobiles, les travailleurs devraient être poussés à une concurrence accrue entre eux. Les droits et les acquis sociaux, obtenus par la lutte de plusieurs générations, devraient être démontés.
Avec cette brusque évolution, nous devons faire un grand pas en avant dans le développement et la coordination de notre solidarité et de nos luttes, tant dans des grands groupes que chez des sous-traitants.
Comme le disait un participant russe: chaque bond en avant dans les luttes est toujours précédé par une profonde transformation dans les têtes et les cœurs. Nous avons constaté que partout nous devons répondre à des défis de même nature:
- En dressant les uns contre les autres les sites nationaux et internationaux, la division doit être portée par les salariés. Cette division n’est qu’une méthode pour affaiblir notre unité et nous pousser au renoncement. Un camarade raconte: «À Saragosse on nous a dit que les collègues d’Eisenach nous prenaient nos emplois. Hier, j’ai parlé avec des collègues d’Eisenach, et ils ne m’ont pas du tout fait cette impression …! »En même temps, le chômage des uns aggrave l’exploitation des autres. Il est révoltant que des gens soient licenciés en Espagne et qu’on doive faire des équipes supplémentaires en Allemagne!« Le capital est internationalisé, les travailleurs doivent agir de manière internationaliste pour que tout ce qui se passe dans le monde trouve une réponse globale» – a dit un participant.
- Pour imposer leurs objectifs, les capitalistes tentent d’opposer différentes parties de la classe ouvrière – personnel permanent et intérimaires, travailleurs issus de l’immigration et« autochtones», jeunes et vieux, collègues avec CDD ou collègues sous-traitants. Nous démasquons de mieux en mieux ces manœuvres souvent très complexes! L’union fait la force!
- Nous avons appris la généralisation de méthodes de plus en plus dures, de répression ouverte, d’oppression politique allant jusqu’à l’assassinat de représentants du mouvement ouvrier, et sur la mise en action de racistes et de fascistes pour terroriser des travailleurs combatifs et socialistes. Il faut d’abord surmonter ces intimidations et organiser la solidarité internationale. Mais aussi d’autres méthodes plus subtiles, telles que le harcèlement moral et l’intrigue sont employées de plus en plus comme instruments de lutte de classes menée par les capitalistes. Elles visent à nous démoraliser, à nous mettre sous surveillance et à détruire notre confiance en nos propres forces.
- Dans leur offensive d’exploitation, nos droits de travailleurs sont minés, notre santé attaquée, nos salaires abaissés et le temps et la charge de travail augmentent – encore plus fortement pour les intérimaires. Le travail intérimaire c’est de l’esclavage! Mais on comprend de plus en plus que le travail intérimaire n’est que le prélude pour attaquer les acquis de tous les travailleurs. L’unité grandit entre travailleurs intérimaires et fixes! Nous disons non au travail intérimaire!
- Il y a des attaques et des licenciements, mais aussi une politique dite «de la carotte et du bâton». Ainsi, la prétendue « participation des employés » nous est vantée. Mais en réalité, elle veut nous attacher aux intérêts des groupes pour mieux nous arracher des réductions de salaires, des suppressions de primes, etc. Pourquoi devrions-nous nous accommoder au moindre mal et à d’autres détériorations en général?
- Dans le monde entier, on s’emploie à ce que les travailleurs s’identifient avec la politique des groupes. En Allemagne, les employés d’Opel devaient porter des T-shirts «Nous sommes Opel», au Brésil ou « Nous sommes GM »; et aux États-Unis «N’achetez que des produits made in USA»! L’important n’est pas où et pour quelle marque tu travailles! L’important n’est pas ce qu’il y a d’écrit sur ta chemise! Qu’importe de travailler chez GM, Toyota ou VW, nous sommes tous des travailleurs et nous devons nous serrer les coudes!
- Certes, nous avons pu nous imposer par diverses luttes. Ce sont des succès importants et de bons signes pour l’avenir. Cependant, nous représentons encore un point de vue minoritaire dans de nombreuses questions. Sommes-nous pour autant dans l’erreur? Non! Nous visons juste ! La bonne cause se renforcera et s’imposera, parce qu’à long terme, les travailleurs ne se laisseront pas empêcher de mener des luttes pour défendre leurs intérêts. Les échecs nous rendent aussi plus vigilants et plus expérimentés. Si nous ne les craignons pas, nous serons plus forts et moins vulnérables.
- On nous raconte à nous, travailleurs de l’automobile, que c’est dans l’intérêt de nos emplois de conserver la même politique dans les transports et les moteurs à combustion des véhicules. Mais, ce n’est valable que selon la logique du profit ! Empêcher la catastrophe climatique est une question de vie ou de mort pour l’humanité. Jamais dans l’histoire, il n’y a eu de si bonnes conditions pour transformer à fond la politique de transport et de circulation ! De grandes conquêtes techniques ouvrent aussi la chance de conserver des emplois et d’en créer des nouveaux pour l’avenir. Il nous faut lutter pour la protection de l’environnement et pour des emplois, aux dépens des profits!
Les médias nous matraquent, en présentant l’abandon des acquis comme inévitable. Mais ce n’est pas nous qui avons causé cette crise. Nous, les travailleurs, allons sortir vainqueurs de la crise si nous surmontons divisions et manque de confiance en nous mêmes, et si nous passons à l’offensive.
La voie du dernier CITA s’est avérée fructueuse. Dans des chartes de solidarité internationale chez VW et chez GM, 22 délégations s’étaient engagées à exercer une solidarité et un soutien mutuel au-delà des frontières et des sites. Cette solidarité est devenue réalité par des échanges d’informations, des visites réciproques et des délibérations de travailleurs d’un même groupe industriel ; par des aides réciproques lors de grèves et de luttes, par des actions de solidarité transnationales, par des campagnes mondiales et par des journées communes d’action et de grèves nationales ou internationales. Dans ces luttes, ces délibérations et ce soutien mutuel, l’esprit des chartes de solidarité est devenu une puissance matérielle! Cela a été des pas en avant très importants, mais encore isolés ! Nous sommes fermement résolus à poursuivre et à renforcer cette voie de collaboration à l’échelle des groupes et des secteurs, à y intégrer d’autres salariés ; ainsi qu’à l’élargir dans le domaine de la lutte contre la catastrophe écologique mondiale.
Les conditions n’ont jamais été aussi bonnes, les travailleurs n’ont jamais été aussi productifs, aussi qualifiés, et liés, par leur appartenance, aux mêmes groupes internationaux. Et jamais avant, nous avons été si conscients de la nécessité d’agir ensemble. Jamais avant, nous n’avons eu une telle relation de confiance et un si large consensus sur les revendications fondamentales pour lesquelles nous voulons lutter sur le plan international:
- Non à la de baisse des salaires mais lutte pour une hausse des salaires et des rémunérations des apprentis – comme l’ont imposé les camarades de VW de Puebla au Mexique, de GM Sao Paulo au Brésil ou de Seat en Espagne par leur grève contre les menaces de fermer les usines. Partons de nos besoins concernant nos conditions de travail et de vie! A travail égal, salaire égal au sein d’un même groupe et dans le monde entier!
- Notre revendication économique centrale : 30 heures avec compensation intégrale du salaire. Le chômage partiel dans presque tous les pays démontre qu’une réduction du temps de travail maintien et crée des emplois et diminue la charge de travail. Réduire le temps de travail pas sur notre dos mais à la charge des profits. Aucune prolongation du temps de travail, ni par jour, ni en repoussant l’âge de la retraite ! Joignons-nous aux autres mouvements sociaux!
- Lutte pour chaque poste de travail et chaque place d’apprentissage. Chaque poste de travail acheté par une indemnité de départ manquera à un jeune. Nous réclamons: Zéro licenciement, et nous n’acceptons plus d’autres formes de suppression d’emplois!
- Travailleurs de l’automobile, portons-nous à tête du mouvement écologique combatif! Il faut imposer aux dépens des profits, la création d’emplois et un tournant radical vers la conservation de la nature et vers des énergies renouvelables, tout en transformant les moyens et la politique des transports. Un participant espagnol dira : « Si les 93 millions de voitures ne sont pas vendues, alors nous, les ouvriers, devons produire autre chose, comme les voitures à émission zéro, des moyens de transport publics et des produits écologiques.»
- Jeunes et vieux – main dans la main! Le CITA a souligné nos responsabilités vis-à-vis de la jeunesse ouvrière – protégeons la jeunesse ! Éduquons-la pour la lutte ! La jeunesse est particulièrement rebelle mais aussi particulièrement influençable et touchée par le chômage et le travail intérimaire. Nous l’encourageons, et nous la soutenons à résister à la division, au harcèlement et au danger fasciste.
- Notre situation en tant que travailleurs de l’automobile marque aussi la vie de nos familles. Gagnons nos compagnes et compagnons ainsi que nos enfants à notre lutte. Ils sont au premier rang ! Ils sont une puissante arme et ils sont l’avenir ! Soutenons en même temps l’autonomie, l’émancipation et la libération des femmes dans nos paroles et dans nos actes.
- Nous réclamons et revendiquons des droits et des libertés démocratiques et politiques. Nous demandons un droit de grève universel, intégral et légal. Nous avons besoin de la liberté d’action syndicale et politique dans l’entreprise. Non à l’espionnage patronal ; non à des conditions indignes pour le travail syndical, comme en Hongrie, où le syndicat a dû se constituer sur un parking, dans un autobus ! Nous pleurons mais nous sommes aussi révoltés face à l’assassinat de syndicalistes dans de nombreux pays. Nous sommes opposés aux licenciements et à l’oppression contre les ouvriers de chez Toyota aux Philippines et des syndicalistes au Brésil. Nous sommes opposés au fait que les paramilitaires soient formés aux États-Unis pour assassiner des syndicalistes en Colombie. Il faut mettre fin au soutien financier des militaires philippins par d’autres gouvernements!
- Nous avons besoin de syndicats forts comme organisations de lutte. Nous déclarons la lutte à toute forme d’oppression du travail syndical. Nous renforçons la base syndicale combative, et nous critiquons la politique de collaboration de classe de directions syndicales qui sont des co-gestionnaires des grands patrons. Ces personnes sont dans l’autre camp. Nous réclamons et soutenons un mouvement de critique résolue dans les syndicats contre des manigances anti-démocratiques de directions syndicales. Nous exigeons qu’il n’y ait pas d’exclusion du syndicat de révolutionnaires, de personnes critiques et de gauche et de combattants pour le socialisme, comme en Allemagne.
- Nous cherchons, discutons et luttons pour une alternative sociale à l’exploitation et à l’oppression. Personne ne nous interdira, ni ne nous empêchera de penser au-delà du système capitaliste ! Notre conseil a mis en lumière comment pourrait exister une véritable communauté socialiste : coopération productive et organisée du prolétariat industriel international, culture de débat démocratique, créatrice et enthousiaste, grande faculté à résoudre nos problèmes et solidarité indestructible!
- Nous sommes fiers d’être des ouvriers. Nous exigeons d’être dûment appréciés et socialement respectés!
- Nous faisons partie du mouvement ouvrier international – des mineurs combatifs, des ouvrières du textile, des travailleurs de l’équipement et dans la logistique,… Nous sommes solidaires des travailleurs sans emploi, ainsi que de tous nos frères et sœurs exploités et opprimés.
- Le Conseil des travailleurs de l’automobile, en tant qu’événement non lié à un parti et idéologiquement ouvert, donne la voie:
- Avançons vers la création de l’unité ouvrière internationale!
- Portons les « chartes de solidarité » dans de plus en plus de groupes. Mettons-les en pratique de façon de plus en plus vivante! Développons notre coordination ! Organisons des visites réciproques, renforçons nos compétences linguistiques et recrutons partout des traductrices et des traducteurs!
- Créons des sites web vivants, mis à jour quotidiennement et brûlant d’actualité pour des millions d’ouvriers de l’automobile.
- Préparons le prochain CITA 2012 sur une base encore plus internationale par des comités de préparation dans les différents pays!
- Vive la solidarité internationale! Ouvriers du monde, prolétaires de tous les pays, unissez-vous!