« On croit mourir pour la Patrie, on meurt pour des industriels »
Le monde change sous nos yeux. Le camp des travailleurs a plusieurs coups de retard sur l’évolution du capitalisme en crise permanente. La guerre impérialiste est la continuation des politiques capitalistes par d’autres moyens. Préparons-nous.
Nouvelle phase des contradictions impérialistes
L’évolution rapide de la situation internationale depuis janvier 2025 a rebattu un certain nombre de cartes : nous entrons dans une phase d’accélération.
L’Administration Trump a donné le ton, avec la brutalité de la fin des statu quo, avec une remise à plat nette de ses relations avec l’Ukraine dans la confrontation qui les oppose à la Russie. En réalité, Washington souffle le chaud et le froid dans une stratégie de la tension permanente. La reprise de l’aide militaire à l’Ukraine après une « suspension » aussi courte que spectaculaire en est une parfaite illustration.
La posture américaine affichée de sortir du bourbier ukrainien – une guerre impérialiste par procuration qui a déjà beaucoup rapporté à certains industriels et financiers américains comme européens comme russes -, transparaît de cette évolution. Bien entendu, l’objectif principal de Washington est de « recentrer » les efforts américains en particulier en opposition avec la Chine.
Une nuance cependant, pour le moment, et à l’exception de quelques actes, rien n’indique une rupture réelle entre Washington et Kiev, qui s’apprête à signer le dépeçage et pillage de ses richesses minières. L’empressement des Etats-Unis, puis de la France et de l’UE à s’accaparer les terres et le sous-sol ukrainiens ainsi que les juteuses parts de marché de la reconstruction ont fini de dévoiler la réalité du soutien « désintéressé » des puissances occidentales à la guerre en Ukraine.
Pris de court par la méthode américaine qui a définitivement mis à nu la réalité des prétendus « valeurs » occidentales – déjà mises à mal puis anéanties par le génocide à Gaza mené par Israël avec la complicité active des grandes puissances – l’Union européenne et un certain nombre de ses Etats-membres bombent du torse et se livrent à une surenchère aussi dangereuse que bravache.
Un réarmement massif et colossal est promis à l’ensemble du continent européen. Les élites pro-guerre rêvent tout haut d’une armée européenne et de bases militaires en Ukraine. L’austérité est partout encouragée, « au nom de la guerre » et des « valeurs » hypocrites de la forteresse Europe.
La guerre, nouveau prétexte austéritaire
« Il faudra des réformes, des choix, du courage », a lancé Emmanuel Macron lors de son allocution anxiogène qui nous rapproche chaque jour un peu plus d’une situation de guerre ouverte avec la Russie. Le président le plus illégitime et détesté de la 5e république, le « Mozart » de la Finance qui a mis notre pays à genoux, a aussi estimé que « le moment exige des décisions sans précédent depuis bien des décennies ».
Les capitalistes et leurs VRP ont cette capacité permanente à toujours réussir (ou vouloir réussir) des « coups » d’opportunité, véritables effets d’aubaine. Hier le Covid, aujourd’hui la guerre en Ukraine.
Ainsi, du matin au soir, des éditorialistes, des officiers et des politiques emploient l’expression « économie de guerre » pour souligner la gravité du moment et insister sur les nécessaires sacrifices, notamment en termes de modèle social.
La ficelle est assez grosse ; le président du Conseil d’Orientation des Retraites n’a pas hésité à exprimer la jubilation des acteurs du Pouvoir : «l’entrée progressive, plus ou moins explicite, dans une économie de guerre, rendra secondaires sinon dérisoires les débats actuels sur l’âge d’ouverture des droits à la retraite à 64 ans […] La question deviendra plutôt, en ce domaine et parmi bien d’autres décisions à prendre, comment augmenter rapidement […] au-delà des 64 ans décidés dans la loi de 2023…».
L’ancien ministre de l’économie Antoine Armand propose quant à lui de financer l’effort de réarmement sur les dépenses sociales, les dépenses de santé, et le temps de travail. Des politiques lorgnent également sur l’épargne des Français : « tout cet argent qui dort » pourrait financer la guerre… La finance internationale et le complexe militaro-industriel français (second exportateur d’armes au monde) se frottent les mains.
Des sondages fallacieux sont publiés, des mensonges diffusés sur l’adhésion « des jeunes » à la guerre en Ukraine ou d’une population favorables au rétablissement du service militaire obligatoire, ou plébiscitant une plus grande surveillance de masse au nom, bien entendu, de la « sécurité ».
Ce qui se profile en réalité est assez simple : la mise en coupe réglée du pays. Chacun sait que la « montée à la guerre », puis la guerre elle-même sont toujours, invariablement, utilisés comme prétextes pour sabrer dans les dépenses sociales, détruire une à une nos libertés fondamentales, de réunion, de circulation, d’organisation, d’expression, afin d’offrir un débouché sans entrave au capitalisme, via le complexe militaro-industriel.
Les travailleurs ont besoin de clarté
Dans ce contexte, la « gauche » et les syndicats, dont notre CGT, ne peuvent se payer d’ambiguïtés sur le sujet de la guerre. Dire que l’effort de défense et militaire ne doit pas être un prétexte pour détricoter les politiques sociales ne peut pas suffire. Nous avons besoin d’un bloc social, syndical, politique, associatif contre la guerre.
Nous ne pouvons que nous étonner de l’absence de réaction forte de notre Confédération CGT. Nous appelons les syndicalistes CGT et l’ensemble des travailleurs à se montrer vigilants et exigeants. Deux exemples :
– Parler comme le fait Sophie Binet d’« d’internationale réactionnaire » de Moscou à Washington nous parait mensonger et trompeur. Les États-Unis et la Russie sont deux puissances impérialistes rivales qui ne sont pas alliées et qui, jusqu’à preuve du contraire avec des actes réels comme un cessez-le-feu, s’affrontent en Ukraine. Parler d’internationale réactionnaire contre laquelle il serait, au fond, légitime de s’armer nous parait rentrer dans une logique de bloc impérialiste contre bloc impérialiste là où le seul camp que nous devrions défendre est celui des travailleurs, de France comme du monde.
D’ailleurs, ce discours fait aussi, et c’est peut-être le plus grave, l’impasse sur la nature impérialiste de l’État français, héritier de l’Empire colonial, et de l’Union européenne, puissance nucléaire et qui a encore la capacité de mener des opérations militaires extérieures.
– L’OTAN n’est pas morte ; l’atlantisme n’est pas mort ; le « campisme » n’est pas mort. Insinuer ces idées relève au mieux de la naïveté, au pire de la manipulation. L’alliance militaire occidentale est toujours là, massivement implantée sur l’ensemble de la planète et particulièrement en Europe. Se battre pour la sortie de la France de cette alliance terroriste et impérialiste relève plus que jamais du bon sens et de l’urgence, pour désengager notre pays des guerres impérialistes et de la course à l’armement.
Nous appelons donc la Confédération CGT à se ressaisir et à enfin prendre la pleine mesure de l’évolution de la situation internationale pour en tirer des actions adéquates. Nous ne pouvons que souligner le temps perdu avec le soutien accordé au régime de Kiev qui a considérablement affaibli la clarté de nos positions internationalistes.
Mettre un stop à la marche à la guerre
Selon un sondage CSA publié début mars 2025 dans la presse – et vite enterré -, 68 % de la population (76% en février 2024) s’oppose à l’envoi de soldats au sol en Ukraine. Ces chiffres viennent percuter les efforts médiatiques insensés qui promeuvent un plan massif et historique de réarmement et de militarisation de l’économie en Europe. Notre peuple veut la paix, en écho d’ailleurs au sentiment très général qui prédomine en Europe.
La priorité est donc évidente : combattre l’effort de guerre, combattre la marche à la guerre menée tambour battant par les élites, combattre le bourrage de crâne pro-guerre, refuser toute régression sociale, conquérir de nouveaux droits.
Cela doit se démontrer par des actions massives, offensives et unitaires contre la guerre. Les travailleurs ont leur mot à dire et doivent s’exprimer par tous les moyens possibles, en premier lieu l’arrêt de travail et l’arrêt de l’économie. Mais aussi par la convergence avec toutes les forces politiques, sociales, syndicales, associatives qui s’opposent à la guerre.
Ce bloc anti-guerre peut s’articuler autour d’une revendication clé et suffisamment large : l’urgence pour notre pays et notre peuple de se désengager des conflits impérialistes et des alliances militaires et économiques et le retour en France de nos soldats stationnés à l’étranger, en particulier le long des frontières avec la Russie.
Nous avons besoin d’une coordination contre la guerre, en France mais aussi en Europe et dans le monde. Dans notre pays, la CGT peut et doit être l’organisation charnière de ce bloc anti-guerre. En Europe et dans le monde, la Fédération Syndicale Mondiale, Internationale ouvrière de classe et de masse, peut et doit être l’outil qui génère et amplifie la lutte contre la guerre impérialiste.
Contre la guerre et l’austérité, aucune fatalité : la lutte, la lutte, la lutte !