Nous relayons ici une déclaration de l’organisation UPC-Manidem (Union des Populations du Cameroun – pour un Manifeste National de la démocratie) qui, comme l’UPML, fait partie des 58 organisations membres de l’ICOR.
Nous y apprenons la situation très difficile dans ce pays sous le joug néo-colonial de la France : secoué par une guerre, attaqué par des groupes terroristes et où la pandémie du Covid-19 aggrave tous les problèmes sociaux. La fermeture des frontières amène à des pénuries, à une flambée des prix, à une situation où les couches populaires luttent pour leur survie.
L’UPC-Manidem a organisé des brigades de santé, a distribué du matériel sanitaire, des aliments, etc. Mais elle mène surtout la lutte contre la politique gouvernementale catastrophique. Sa déclaration est parue à l’occasion de la fête nationale du Cameroun, le 20 mai.
Solidarité internationale ! Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
Union des Populations du Cameroun (UPC) 1948 Manifeste National pour l’Instauration
de la Démocratie (MANIDEM) 1974
UPC – MANIDEM
DÉCLARATION DU SECRÉTARIAT DU COMITE DIRECTEUR
QUAND 20 MAI RIME AVEC VACUITÉ DU POUVOIR
Pour cause de pandémie du COVID-19, le pouvoir a annulé les cérémonies festives du 20 mai cette année. En vérité, même si une certaine excitation est à l’œuvre dans les débits de boissons, le peuple kamerunais n’a pas le cœur à la fête et cela pour plusieurs raisons. Nous n’examinons ici que la crise dans le NOSO et la crise dans la pandémie du Covid19.
La guerre civile se poursuit au Nord-Ouest-Sud-Ouest
Depuis quatre ans le pays est plongé dans une guerre civile au Nord-Ouest et Sud-Ouest, avec plus d’un million de déportés intérieurs et de réfugiés au Nigéria, des milliers de morts. Plus de 130 villages rasés, des établissements scolaires fermés. La situation d’extrême violence se poursuit avec son lot d’exactions où les civils succombent toujours en plus grand nombre.
Le 14 février 2020, à Ngarbuh dans le département du Donga Mantung au Nord-ouest, l’armée a massacré 23 civils dont 3 femmes et 10 enfants sous couvert de la lutte contre un foyer de sécessionnistes. Pour camoufler ses exactions, elle a incendié les habitations. Face à la pression populaire, celles de la société civile, des défenseurs des droits humains, des représentants des différents cultes, des forces politiques et médiatiques, le gouvernement a été contraint de mettre en place une commission d’enquête dont les conclusions établissent clairement la responsabilité des militaires.
A cela, il faut ajouter la détention derrière les barreaux de nombreux prisonniers politiques, certains d’entre eux étant pourtant reconnus par les populations du NOSO comme des leaders politiques porteurs de leurs revendications ; donc des hommes et des femmes qui ne devraient pas être en prison s’il existait une volonté de dialogue du pouvoir en place, dialogue qui représente pour l’UPC-MANIDEM la seule et unique voie capable de mettre fin au drame que vit notre pays depuis bientôt 4 années. Répétons-le : la solution de la guerre dans le NOSO n’est pas militaire, elle est politique !
Enfin, les activités économiques dans cette partie du pays sont complètement par terre.
Face à cette terrible réalité, Paul Biya n’a pu trouver que la mascarade du grand dialogue national dont nous voyons l’inanité sur le terrain.
Le drame de Ngarbuh que nous venons d’évoquer vient allonger la liste des lieux où l’armée (dont le rôle premier est de protéger les populations) a commis des exactions et est systématiquement couvert par le gouvernement. Car nous avons toujours en mémoire les deux femmes qui avaient été sommairement exécutées à l’extrême nord, l’une avec son bébé au dos, l’autre avec son enfant à la main. Confronté aux images de cette exécution, le pouvoir de Yaoundé avait prétendu que cela se déroulait au Mali… jusqu’à ce que des enquêtes sérieusement menées rétablissent la vérité aux yeux de tous : oui, c’était bien au Kamerun de Paul Biya qu’on assassinait ainsi des enfants innocents et leurs mères qui ne l’étaient pas moins.
Nous sommes en présence d’un État qui est constamment dans le déni de ses insuffisances et de ses crimes ; ou bien qui trouve que la moindre interpellation relève d’un complot extérieur ou intérieur, et lance ou le ministre de l’intérieur ou le ministre de la communication dans des exercices de communication lamentables.
L’UPC-MANIDEM exige avec toutes les forces de bonne volonté :
- La libération des prisonniers politiques et évidemment de ceux de la zone anglophone
- Le retour des réfugiés
- Le cessez-le-feu, ou même des cessez-le-feu localisés
- Le rétablissement de la paix au NOSO dans le cadre d’un Vrai Dialogue National
- Un plan de reconstruction, de mise en valeur et de relance économique avec le soutien de l’Etat
- La mise en place d’une véritable décentralisation créant les conditions d’une réelle prise en compte du potentiel humain et matériel du NOSO
La lutte contre le COVID-19
Le COVID19 est la loupe grossissante mettant en évidence la vacuité du système Biya en général.
Un peu partout des chefs d’États se sont adressés à leur peuple afin de faire le point sur la pandémie au plan national et international, indiquer les grandes orientations et présenter des plans de lutte. Le Cameroun est le seul pays où pas une seule fois le chef de l’État n’a parlé aux populations en ces moments extrêmement difficiles. L’État à travers son Premier ministre s’est contenté de faire un copier-coller des mesures prises ailleurs, sans pouvoir distinguer là où ça coince, ni ajouter ce qui est requis dans le contexte kamerunais. Sans campagnes d’explication vigoureuses auprès de la population, sans proposer des mesures d’accompagnement en direction de nombre d’acteurs socio-économiques, principalement ceux qui sont dans l’informel, laissant ceux-ci dans une résignation qui ne favorise pas le respect des consignes élémentaires dans le cadre de la lutte contre le Covid19. Et le pouvoir en rajoute dans l’insoutenable : c’est ainsi que dès qu’il a décidé de la réouverture des débits de boissons jusqu’à des heures indues, contrairement à ce qui était prescrit au début de la pandémie, c’était comme s’il déclarait à la population qu’il n’y avait plus de risques, et celle-ci ayant baissé la garde les conséquences en seront bientôt ravageuses.
Des 20000 tests donnés gracieusement à notre pays pour des centres dédiés, une bonne quantité a disparu. Certainement pas pour tout le monde car ils doivent se retrouver chez des petits copains ayant des cliniques où ces tests reçus gracieusement deviennent payants. Par manque de tests, des malades sont aiguillés vers les images par scanner dont le prix est inabordable pour la grande majorité, alors ils s’en retournent chez eux avec la maladie.
En l’absence des mesures de protection efficaces, le personnel de santé qui est au premier rang de la lutte contre le Covid19 est en proie au malaise, qui tourne parfois à la peur. C’est ce qu’indique l’accroissement de l’absentéisme en son sein. Ceci exige des mesures minimales à l’égard de ce personnel : qu’il soit pourvu d’un équipement de protection efficace, et que des horaires assouplis et un encadrement psychologique lui soient prodigués afin qu’il puisse gérer le stress inévitable au contact des malades dont certains sont porteurs du virus.
Un grand désordre préside à la prise en charge des malades. Ce qui impose dans chaque grande ville au moins une plateforme commune de la gestion de l’orientation des malades et non plus que celle-ci se fasse parfois dans l’improvisation des personnels de santé ou grâce aux seules relations des médecins.
La prise en charge financière est également imprécise. Ainsi que nous venons de le dire il arrive que même le test ne soit pas gratuit.
Enfin, il n’y a pas davantage de prise en charge automatique des parents d’une personne testée positive et ayant vécu dans la promiscuité du malade. Ces membres de la famille se débrouillent comme ils peuvent pour ceux d’entre eux qui en ont les moyens, les autres rentrent tranquillement chez eux comme si de rien n’était.
Au lieu d’agir le gouvernement interdit les organisations qui interviennent contre la pandémie en les empêchant d’organiser des collectes et la distribution pour de matériel. Que veut ce pouvoir ? Non seulement il ne fait rien mais, il ne supporte pas que d’autres se mobilisent. Faut-il que le peuple meure pour qu’il soit satisfait ?
Dès le début de la pandémie, l’UPC- MANIDEM dans le cadre de Stand Up For Cameroon et avec d’autres forces, a accepté de prendre sa part dans le cadre de la lutte contre le Covid19 : en effet, notre parti fait partie de la plateforme Unité Covid19 des organisations de la société civile présidé par Monseigneur Samuel Kléda, Archevêque Métropolitain de Douala. Il y a une gigantesque tâche d’informations, d’encadrement et de prise en charge des populations ; il y a également celles de s’informer auprès des différents acteurs (autorités nationales et locales, personnel médical, bailleurs d’aides, etc.) et de les interpeller à l’occasion.
Tout ceci doit se poursuivre avec une claire conscience de l’incapacité de ce régime à résoudre le moindre problème national. De là découle la nécessité et l’urgence pour le processus de changement, à travers la Transition Politique avec les forces vives qui ont à cœur l’avenir de notre pays.
Chère compatriote,
La République unitaire du Cameroun de M. Ahidjo en 1972 qui mit fin à la République fédérale du Cameroun, transformée ensuite en République du Cameroun tout court par M. Biya, montre l’inconsistance de tout ce que l’on fait sur du papier sans pouvoir poser les actes fondateurs et porteurs. En ce 20 Mai 2020, jamais le pays n’a été autant divisé, jamais cette journée n’a aussi mal portée le nom de la journée de l’unité nationale.
- En plus de la crise du NOSO, l’extrême nord, région totalement ostracisée, subit également les exactions de BOKO HARAM.
- Le tribalisme d’Etat est érigé en mode de gouvernance, permettant désormais que certaines localités deviennent des zones interdites pour les non originaires de la région.
Il y a urgence, à créer cette dynamique de changement véritable, de rupture, de faire la démonstration qu’un AUTRE KAMERUN EST POSSIBLE avec un autre système politique, économique au service du peuple où CHACUN.E AURA SA PLACE.
Il faut sortir proprement et définitivement du système Biya. Et nous n’avons pas le droit de bricoler cette sortie sinon le pays replongera dans du n’importe quoi pour un demi-siècle encore.
L’UPC-MANIDEM dit qu’après tant d’années de blocage, d’incohérences et de gabegie, il faut reconstruire les fondations d’une Nouvelle République. Cela ne peut pas se faire en changeant simplement le président de la République : contrairement aux républiques fédérales, puis unitaire, puis république tout court, qui ont été imposées aux Kamerunais sans leur demander de participer à l’élaboration du contenu, nous disons que la Nouvelle République doit prendre place dans la cadre d’une large mobilisation des populations que préside le Vrai Dialogue National. Dans ce cadre, nous poserons tous ensemble les nouvelles bases de la nouvelle république. C’est ce que nous appelons la Transition Politique, qui est un moment d’élaboration populaire et démocratique qui nous permet d’éviter de sortir du n’importe quoi pour rentrer à nouveau dans du n’importe quoi.
En avant avec la Transition Politique !
Vive l’UPC-MANIDEM !
Vive le Kamerun !
Le 20 mai 2020
Pour le Secrétariat de l’UPC-MANIDEM
Vice-président aux Relations Extérieures et Panafricaines Bayémi André
Président Moutoudou Albert
Trésorier Leukam Ghislain
Secrétaire Général Chumchoua Penda