6 octobre 2024

J.P. Delescaut  de la CGT : « Les guerres ne sont pas dans l’intérêt des travailleurs »

Note de la rédaction. Nous soutenons cette courageuse prise de position de JP Delescaut, elle participe à la reconstruction d’un syndicalisme de lutte de classe et anti-impérialiste. À ce sujet nous vous rappelons notre point de vue sur cette question.
« Nous contribuons au regroupement des travailleurs dans les syndicats, les plus importantes auto-organisations de la masse des prolétaires. Nous sommes pour construire un syndicalisme unique et de classe sur une base servant les intérêts et besoins immédiats du prolétariat. Pour renforcer la solidarité et l’indépendance du prolétariat, nous combattons le corporatisme, le chauvinisme, toute forme de collaboration de classe et les méthodes et pratiques anti démocratiques. La lutte pour les réformes est menée par les marxistes-léninistes comme une école de la lutte des classes. Il s’agit de développer le luttes à un niveau supérieur dans la perspective du socialisme révolutionnaire. Cela demande à combattre le réformisme, le révisionnisme et l’opportunisme, qui prétendent à une gestion sociale du capitalisme. En fait, on l’a vu à mainte occasion, ils sacrifient les intérêts des travailleurs au nom de la conciliation des classes et de la paix sociale. » (extrait de notre projet de programme –4€ sur demande à notre adresse, port inclus)

J.P. Delescaut  de la CGT :

« Les guerres ne sont pas dans l’intérêt des travailleurs »

Grégoire Lalieu

Secrétaire général de l’Union départementale de la CGT du Nord, Jean-Paul Delescaut était présent à Manifiesta début septembre.

Investig’Action : Nous vivons une époque de grands bouleversements. Les conflits se multiplient partout dans le monde. Dans ce contexte particulier, la mobilisation d’un puissant mouvement pour la paix est capitale. Quel rôle les syndicats peuvent-ils jouer ?

Jean-Paul Delescaut: La CGT a un rôle majeur. Son histoire le montre, elle a toujours appelé pour la paix, car elle représente les travailleurs. Et on connait l’adage : travailleurs de tous pays, unissez-vous !

Concrètement, notre rôle est d’être sur le terrain. Dans les entreprises où nous sommes organisés en représentant les travailleurs. Mais aussi dans les quartiers où les travailleurs privés d’emploi restent des travailleurs. À travers nos sections locales, nous devons organiser des débats aussi larges que possible et expliquer que derrière ces conflits, on trouve des pauvres qui font la guerre pour les riches. Ce sont des enfants d’ouvriers, des travailleurs qui vont se faire tuer pour les intérêts des industriels et des puissances impérialistes. Nous devons donc développer l’analyse de classes de ces guerres impérialistes qui ne sont pas dans l’intérêt des travailleurs, mais profitent seulement à une petite minorité. À travers les tracts, les formations et divers moyens de communication, nous expliquons ainsi l’essentiel : la guerre n’est pas dans notre intérêt, nous avons besoin de paix et de fraternité entre les peuples.

Ça rejoint ce que disait le poète Anatole France durant la Première Guerre mondiale : « On croit mourir pour la patrie, on meurt pour des industriels ». Mais l’analyse de classes, on ne la trouvera pas sur BFM ni sur CNews ni sur aucun autre grand média. On nous raconte toujours des histoires de gentils contre des méchants, les Occidentaux étant toujours, à travers l’OTAN, du côté des gentils. Comment lutter contre cette propagande ?

En menant le combat sur le terrain. Avec l’UD du Nord, nous mettons en place des collectifs dans les quartiers populaires et les villes pour mener des discussions de fond. Elles se mènent sur plusieurs fronts : les mécanismes de pauvreté, la lutte contre le Rassemblement National et les guerres impérialistes. Tout est lié. L’enjeu est de faire prendre conscience aux travailleurs que leurs intérêts ne sont pas ceux du Capital et que nous devons nous organiser pour aller chercher notre dû.

La conscience de classe est la clé. Mais il y a de nombreux obstacles. Notamment la répression de la liberté d’expression, de plus en plus violente. Vous en savez quelque chose. Vous avez été arrêté par la police à votre domicile et condamné à un an de prison avec sursis en première instance pour « apologie du terrorisme ».

Oui. L’année dernière, nous avions publié un tract appelant à la paix en Palestine. Car nous savions que l’attaque du 7 octobre allait déboucher sur une violente riposte contre le peuple palestinien. À Gaza, ce peuple a été concentré sur une bande de terre qui est une véritable prison à ciel ouvert. On savait qu’Israël allait riposter violemment en tuant de nombreux civils. On s’est donc rapidement exprimé pour la paix.

Bien sûr que dans les deux camps, il y a des morts. Et bien sûr qu’un mort, c’est un mort de trop. Mais il faut compter les morts des deux côtés. Il n’y a pas que les morts israéliens. Il y a aussi des Palestiniens qui meurent et qui souffrent tous les jours. Aujourd’hui, il  y a plus de 40.000 morts palestiniens. Si on compte les blessés, les amputés ou encore les invalides, on dépasse les 100.000 victimes. On est sur la construction d’un génocide.

Votre cas est assez interpellant. Aujourd’hui, la loi contre l’apologie du terrorisme est utilisée pour censurer des messages pour la paix au Proche-Orient !

Et pour museler les organisations syndicales. Théoriquement, la liberté de la presse confère également aux organisations syndicales une certaine liberté d’expression politique. Mais en France, on nous interdit de réfléchir et de communiquer avec les travailleurs. Je ne vais pas rentrer dans les détails de l’affaire, car nous avons introduit un recours contre la décision rendue par le tribunal correctionnel de Lille. Mais je peux vous dire que la Brigade de Recherche et d’Intervention (BRI) est quand même venue me chercher à ma maison, armée, à six heures du matin ! Comme si nous étions des terroristes !

L’objectif est d’intimider ?

Clairement. Mais ça ne marche pas, et tant mieux. La CGT n’est pas uniquement composée de Jean-Paul Delescaut. Je ne suis qu’un représentant de l’organisation. Nous prenons les décisions collectivement. Si bien que les intimidations contre un individu ne peuvent pas nous empêcher de faire notre travail.

Nous avons donc continué à manifester tous les samedis avec l’AFPS 59 pour exiger un cessez-le-feu à Gaza. Et nous continuerons la mobilisation. D’autant plus qu’il y a aussi la Cisjordanie où les colons israéliens continuent d’accaparer des terres qui appartiennent aux Palestiniens en détruisant tout sur leur passage. Nous devons continuer l’œuvre que nous avons engagée depuis le début : rassembler tous ceux qui le veulent au sein du mouvement pour la paix, manifester et discuter avec les travailleurs.

Un autre grand obstacle : la force de mobilisation syndicale a été mise à mal par quarante années de néolibéralisme, des offensives systémiques contre les conquis sociaux et une propagande antisyndicale très forte. Les grands médias plaident toujours la nécessité des réformes, pointent l’irresponsabilité des syndicats qui résistent et dépeignent les actions syndicales comme des prises d’otages. Pourtant, nous traversons une crise politique, économique et médiatique. De plus en plus de gens disent en avoir « marre du système ». Ce qui offre des opportunités. Dans ce contexte particulier, comment les syndicats peuvent-ils reprendre du poil de la bête ?

Il faut être clair sur notre démarche. Comme nous l’avons été dans nos actions au Vertbaudet où nous avons obtenu une augmentation des salaires et l’intégration de 30 salariés intérimaires en CDI. Ou à Emmaüs avec la condamnation de la direction pour travail dissimulé et la régularisation de 59 travailleurs sans-papiers.

Pour remporter de telles victoires, il faut revenir à une conscience de classes avec un syndicat de classes. Et désigner clairement l’ennemi que nous avons en face : le Capital. Il faut déterminer cette approche pour déterminer quel syndicalisme on veut faire. Pour nous, cela implique une rupture avec le syndicalisme d’accompagnement. Nous avons une partie de la CGT qui va dans cette direction, et une autre qui n’y va pas. Mais à un moment, il va falloir se décider.

C’est un bras de fer en interne ?

Tout à fait. Mais il existe depuis 120 ans ce bras de fer. Depuis la création de la CGT en fait. Il faut maintenant que nous remportions ce bras de fer pour offrir des perspectives aux travailleurs. Comme organisation syndicale, la CGT attend des travailleurs qu’ils se mobilisent. Mais les travailleurs attendent eux aussi beaucoup de la CGT. Selon nous à l’UD du Nord, notre rôle est d’être un phare pour les travailleurs dans la lutte des classes. Nous devons être combattifs et offrir des perspectives aux travailleurs plutôt que d’accompagner des réformes contre leurs intérêts.

Enfin, un petit mot sur la nomination de Michel Barnier comme Premier ministre. Après la victoire du RN aux élections européennes, la dissolution de la Chambre et la victoire du NFP aux législatives, que dit cette nomination de la Macronie ?

À l’UD du Nord, notre analyse est que Macron fait le lit du Rassemblement National. Il lui prépare le terrain pour 2027.

On sait d’ailleurs qu’avant de nommer Barnier, Macron a consulté Le Pen pour s’assurer que le RN ne bloquerait pas le nouveau gouvernement.

Tout le cinéma de Macron dans la foulée des élections européennes n’aura finalement pas servi à grand-chose. Déjà présente, la collusion entre la droite et l’extrême droite se poursuit. Quant à Barnier, nous n’en attendons rien. C’est un libéral, comme Attal. Macron peut nommer tous les Premiers ministres qu’il veut, on sait qu’il suivra la même politique.

À nous maintenant de continuer à démontrer aux travailleurs que ce gouvernement ne va pas répondre à leurs attentes et à leurs besoins. Nous devons poursuivre la mobilisation à travers des grèves et des blocages d’entreprise pour faire comprendre au Capital et à ses valets comme Macron qu’il n’y a pas le choix : il faut revenir sur la réforme des retraites et augmenter les salaires. Nous avons déjà gagné un peu de temps avec la réforme de l’assurance-chômage qui a été mise sur pause. Il faut enfoncer le clou et aller au combat. C’est un vrai combat de classes. On y va ou on n’y va pas.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *