État, capitalisme et environnement
Nous disons dans notre projet de plateforme (en page 9 et 10) que: « En France règne le capitalisme monopoliste d’État dans la cadre de la production internationalisée : les monopoles internationaux d’origine française ou domiciliés ici se sont complètement subordonnés l’État ; leurs organes de direction ont fusionnés avec ceux de l’État et ils ont érigé leur dictature sur tous les secteurs de la société. EDF, Orano/ex-Areva, Renault, Peugeot, Vinci, Dassault, Total et d’autres en font partie.
Ces monopoles internationaux exercent leur influence aussi à travers l’Union Européenne sur d’autres pays européens — comme par exemple Airbus, Ariane-Espace, Lactalis… — ou à l’aide des institutions mondiales comme le Fond Monétaire International (FMI), l’Organisation Mondial du Commerce (OMC), etc. au-delà de l’Europe. Cela concerne aussi bien des groupes industriels comme Arcelor-Mittal, Alstom-Général Electric, PSA-Opel-DongFen, Sanofi… que des banques et des services comme Orange, Véolia, Carrefour, Suez-Engie, des entreprises privées ou publiques. Ils puisent dans des fonds publics et les États garantissent leurs investissements. Les monopoles internationaux d’autres pays agissent de la même manière en France. France et Allemagne visent à dominer ensemble l’Union Européenne. »
C’est cette réalité qu’illustre bien cet article de « Multinationales.org »‘ à travers l’exemple de Total — toutefois nous ne pensons pas que l’État « fait le jeu de Total », mais que Total met l’État à son service et qu’il est illusoire de pensez que « les institutions publiques représentent l’intérêt général », mais bien et avant tout, les intérêts des groupes monopolistes, comme l’illustre bien cet article:
Comment l’État français fait le jeu de Total en Ouganda
Les projets d’exploitation pétrolière de Total en Ouganda semblent l’exemple même de ce qu’il ne faut pas faire, du point de vue du climat, de la biodiversité, des droits humains et de la démocratie. Et pourtant, en pratique, l’État français s’est mis au service du groupe pétrolier pour les faire aboutir.
Dans un nouveau rapport publié avec les Amis de la Terre France et Survie, l’Observatoire des multinationales se penche sur les mécanismes d’influence par lesquels Total s’assure du soutien des pouvoirs publics, sur fond de profonde confusion entre les intérêts de la France avec ceux d’une multinationale dont les principaux actionnaires sont à Wall Street. Au cœur de cette mécanique : les portes tournantes, autrement dit les allers-retours de fonctionnaires entre Total et les hautes sphères de l’État.
Total se prépare à lancer l’exploitation de nouveaux gisements pétroliers en Ouganda, sur les bords du lac Albert, et à construire un oléoduc pour l’acheminer vers la côte tanzanienne, à 1 500 kilomètres de là.
Ces projets, nommés Tilenga et EACOP, sont l’exemple même de ce que nous devrions éviter à tout prix. Ils représentent des millions de tonnes de CO2 supplémentaires émises dans l’atmosphère. Ils mettent en danger plusieurs réserves naturelles abritant des espèces animales menacées et engendrent des risques de pollution dans plusieurs grands lacs africains et au-delà dans le bassin du Nil blanc. Ils entraînent déjà des déplacements forcés de population et de nombreuses violations des droits humains.
Ces projets font l’objet d’une vive résistance de la part des populations locales ; ils ont donné lieu à la première procédure judiciaire en France dans le cadre de la loi sur le devoir de vigilance des multinationales ; ils ont été dénoncés par quatre rapporteurs spéciaux de l’ONU ; et plusieurs grandes banques ont annoncé qu’elles ne participeront pas à leur financement.
Et pourtant…
Et pourtant, l’État français continue d’apporter un soutien implicite et explicite aux projets de Total en Ouganda :
*par la voix du président Emmanuel Macron qui a notamment écrit à son homologue ougandais pour lui garantir le soutien de la France à ses projets pétroliers et à Total ;
*par celle de l’ambassadeur de France à Kampala, proche de l’Élysée, qui joue les entremetteurs pour le groupe pétrolier ;
par le biais de l’ambassade et de l’Alliance française à Kampala, dont tous les événements publics ou presque sont sponsorisés par Total ;
*à travers les institutions diplomatiques et financières françaises qui lui apportent une caution morale et parfois même une garantie financière de l’État, comme cela a été le cas pour d’autres projets tout aussi problématiques de Total ;
*à travers la coopération militaire, en formant des troupes qui seront ensuite chargées de protéger les régions pétrolières contre les menaces extérieures… et au besoin contre les opposants au projet pétrolier.
Pour soigner les apparences, aussi bien Total que l’État français tendent à minimiser l’étroitesse de leurs relations. Ce rapport montre l’ampleur du soutien public sur lequel peut compter en pratique le groupe pétrolier. Ce soutien n’est pas moins déterminant – au contraire – parce qu’il s’exerce de manière « informelle », dans l’opacité des hautes sphères de l’État et de la diplomatie.
Comment des institutions publiques censées représenter l’intérêt général peuvent-elles se mettre ainsi au service du pétrole et des intérêts d’une entreprise multinationale dont les actionnaires sont plutôt à chercher du côté de Wall Street que de Paris ? Comment les pouvoirs publics peuvent-ils se trouver réduits au rang de simples pions dans le grand jeu pétrolier de Total ?
Dans ce rapport, nous démontons les rouages de la machine bien huilée qui permet au groupe pétrolier de s’ériger en maître du jeu. Au cœur de cette machine, les « portes tournantes », autrement dit la stratégie de Total de débaucher d’anciens hauts fonctionnaires et responsables politiques, ou bien au contraire d’encourager ses employés à retourner dans la fonction publique… et notamment dans les lieux de pouvoir où ils pourront au mieux servir ses intérêts.
Nous donnons de multiples exemples de ces allers-retours entre Total et la haute administration, devenus de plus en plus fréquents mais pas moins scandaleux, et qui sont particulièrement nombreux – ce qui n’a rien d’un hasard – au ministère des Affaires étrangères et dans ses agences. Cette interpénétration permanente ne donne pas seulement au groupe pétrolier un accès direct aux décideurs, jusqu’au sommet de l’État. Elle contribue aussi et surtout à cacher la réalité dramatique des impacts de Total sur le climat et sur les peuples derrière un voile de respectabilité, et à entretenir une confusion délibérée entre l’intérêt de la France et celui de Total et de ses actionnaires.