7 novembre 2024

Le socialisme et la guerre

« Le socialisme et la guerre » (écrit en 1915 par Lénine en pleine guerre mondiale). Ici se sont des extraits d’un article (Tome 23) qu’on peut trouver sur le site : « marxists.org ».

A cette époque « socialistes ou sociaux-démocrates » se réclament du marxisme. Ce n’est qu’après la guerre et la trahison ouverte des socialistes ou sociaux-démocrates que les marxistes s’appelleront « communistes ».

Cet article doit nous aider à clarifier la situation actuelle : d’un côté nous avons les « va-t’en guerre », de l’autre des opportunistes qui en arrivent à justifier l’agression Russe. Tous deux en fait visent à dominer un nouveau territoire pour y soutirer ses richesses.

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« Les socialistes ont toujours condamné les guerres entre peuples comme une entreprise barbare et bestiale. Mais notre attitude à l’égard de la guerre est foncièrement différente de celle des pacifistes (partisans et propagandistes de la paix) bourgeois et des anarchistes.

…Imaginez qu’un propriétaire de 100 esclaves fasse la guerre à un autre propriétaire qui en possède 200, pour un plus “ juste ” partage des esclaves. Il est évident qu’appliquer à un tel cas la notion de guerre “ défensive ” ou de “ défense de la patrie ” serait falsifier l’histoire ; ce serait, pratiquement, une mystification des simples gens, de la petite bourgeoisie, des gens ignorants, par d’habiles esclavagistes. C’est ainsi qu’aujourd’hui la bourgeoisie impérialiste trompe les peuples au moyen de l’idéologie “ nationale ” et de la notion de défense de la patrie dans la guerre actuelle entre esclavagistes, qui a pour enjeu l’aggravation et le renforcement de l’esclavage.

La guerre actuelle est une guerre impérialiste

Presque tout le monde reconnaît que la guerre actuelle est une guerre impérialiste, mais le plus souvent on déforme cette notion, ou bien on l’applique unilatéralement, ou bien on insinue que cette guerre pourrait avoir une portée progressiste bourgeoise, de libération nationale. L’impérialisme est le degré supérieur du développement du capitalisme, que celui ci n’a atteint qu’au XX° siècle. Le capitalisme se sent désormais à l’étroit dans les vieux Etats nationaux sans la formation desquels il n’aurait pu renverser le régime féodal…

A la liberté du commerce et de la concurrence se sont substituées les tendances au monopole, à la conquête de terres pour y investir les capitaux, pour en importer des matières premières, etc. De libérateur des nations que fut le capitalisme dans la lutte contre le régime féodal, le capitalisme impérialiste est devenu le plus grand oppresseur des nations. Ancien facteur de progrès, le capitalisme est devenu réactionnaire ; il a développé les forces productives au point que l’humanité n’a plus qu’à passer au socialisme, ou bien à subir durant des années, et même des dizaines d’années, la lutte armée des “ grandes ” puissances pour le maintien artificiel du capitalisme à l’aide de colonies, de monopoles, de privilèges et d’oppressions nationales de toute nature.

Tout le monde sait que les colonies ont été conquises par le fer et par le feu, qu’on inflige à leurs populations un traitement barbare, qu’on les exploite par mille moyens (exportation de capitaux, concessions, etc.; en les trompant sur la qualité des marchandises qui leur sont vendues, en les assujettissant aux autorités de la nation “ dominante ”, etc., et ainsi de suite). La bourgeoisie anglo française dupe le peuple lorsqu’elle prétend mener la guerre pour la liberté des peuples et de la Belgique : en réalité, elle mène la guerre pour conserver les immenses territoires coloniaux dont elle s’est emparée. Les impérialistes allemands auraient immédiatement évacué la Belgique, etc., si les Anglais et les Français avaient partagé avec eux leurs colonies “ à l’amiable ”. La situation a ceci de singulier que, dans ce conflit, le sort des colonies sera tranché par l’issue de la guerre sur le continent. Du point de vue de la justice bourgeoise et de la liberté nationale (ou du droit des nations à l’existence), l’Allemagne aurait incontestablement raison contre l’Angleterre et la France, car elle a été “ lésée ” en fait de colonies ; ses ennemis oppriment infiniment plus de nations qu’elle ne le fait elle même, et chez son alliée, l’Autriche, les Slaves opprimés jouissent assurément d’une plus grande liberté que dans la Russie tsariste, cette véritable “ prison des peuples ”. Mais l’Allemagne fait elle aussi la guerre pour opprimer des nations, et non pour les affranchir. Ce n’est pas l’affaire des socialistes d’aider un brigand plus jeune et plus vigoureux (l’Allemagne) à piller des brigands plus vieux et plus repus. Les socialistes doivent profiter de la guerre que se font les brigands pour les renverser tous. Pour cela, il faut avant tout que les socialistes disent au peuple la vérité, à savoir que cette guerre est, dans un triple sens, une guerre d’esclavagistes pour la consolidation de l’esclavage. C’est une guerre qui vise, premièrement, à aggraver l’esclavage des colonies au moyen d’un partage plus “ équitable ” et d’une exploitation ultérieure mieux “ orchestrée ”; deuxièmement, à accentuer le joug qui pèse sur les nations étrangères à l’intérieur des “ grandes ” puissances elles mêmes, car l’Autriche aussi bien que la Russie (la Russie dans des proportions beaucoup plus grandes et bien pires que l’Autriche) ne se maintiennent qu’au moyen de ce joug qu’elles renforcent par la guerre; troisièmement, à intensifier et à prolonger l’esclavage salarié, car le prolétariat est divisé et accablé, tandis que les capitalistes gagnent sur tous les tableaux en s’enrichissant par la guerre, en exacerbant les préjugés nationaux et en accentuant la réaction, qui connaît une recrudescence dans tous les pays, même dans les pays républicains les plus libres.

“ La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens ” (à savoir : par la violence)

Cette sentence célèbre appartient à Clausewitz, l’un des auteurs les plus pénétrants en matière militaire. Les marxistes ont toujours considéré avec juste raison cette thèse comme la base théorique de l’interprétation de chaque guerre donnée. C’est de ce point de vue que Marx et Engels ont toujours envisagé les différentes guerres.

Appliquez ce point de vue à la guerre actuelle. Vous verrez que, durant des dizaines d’années, pendant près d’un demi siècle, les gouvernements et les classes dirigeantes d’Angleterre, de France, d’Allemagne, d’Italie, d’Autriche et de Russie ont pratiqué une politique de pillage des colonies, d’oppression de nations étrangères, d’écrasement du mouvement ouvrier. C’est cette politique, et nulle autre, qui se poursuit dans la guerre actuelle. En Autriche et en Russie notamment, la politique du temps de paix, consiste, comme celle du temps de guerre, à asservir les nations et non à les affranchir. Au contraire, en Chine, en Perse, dans l’Inde et les autres pays dépendants, nous assistons durant ces dernières dizaines d’années à une politique d’éveil à la vie nationale de dizaines et de centaines de millions d’hommes, à une politique tendant à les libérer du joug des “ grandes ” puissances réactionnaires. La guerre sur ce terrain historique peut être aujourd’hui encore une guerre progressive bourgeoise, une guerre de libération nationale.

Il suffit de considérer que la guerre actuelle continue la politique des  “ grandes ” puissances et des classes fondamentales qui les constituent pour constater aussitôt le caractère manifestement antihistorique, mensonger et hypocrite de l’opinion selon laquelle il serait possible, dans la guerre actuelle, de justifier l’idée de la “ défense de la patrie ”…

Que vient faire alors ici la “ défense de la patrie ” ?? C’est là précisément le caractère particulier de la guerre impérialiste, guerre menée par des gouvernements bourgeois réactionnaires qui ont fait historiquement leur temps, avec pour enjeu l’oppression d’autres nations. Quiconque justifie la participation à cette guerre perpétue l’oppression impérialiste des nations. Quiconque préconise d’exploiter les difficultés actuelles des gouvernements pour lutter en faveur de la révolution sociale défend la liberté réelle de la totalité des nations, qui n’est réalisable qu’en régime socialiste.

Du pacifisme et du mot d’ordre de la paix

L’état d’esprit des masses en faveur de la paix exprime souvent le début d’une protestation, d’une révolte et d’une prise de conscience du caractère réactionnaire de la guerre. Tirer profit de cet état d’esprit est le devoir de tous les socialistes. Ils participeront très activement à tout mouvement et à toute manifestation sur ce terrain, mais ils ne tromperont pas le peuple en laissant croire qu’en l’absence d’un mouvement révolutionnaire, il est possible de parvenir à une paix sans annexions, sans oppression des nations, sans pillage, sans que subsiste le germe de nouvelles guerres entre les gouvernements actuels et les classes actuellement dirigeantes. Tromper ainsi le peuple ne ferait que porter de l’eau au moulin de la diplomatie secrète des gouvernements belligérants et de leurs plans contre-révolutionnaires. Quiconque désire une paix solide et démocratique doit être partisan de la guerre civile contre les gouvernements et la bourgeoisie.

Du droit des nations à disposer d’elles-mêmes

La mystification du peuple la plus largement pratiquée par la bourgeoisie dans cette guerre est le camouflage de ses buts de brigandage derrière l’idée de la “ libération nationale ”. Les Anglais promettent la liberté à la Belgique ; les Allemands à la Pologne, etc. En réalité, comme nous l’avons vu, c’est une guerre entre les oppresseurs de la majorité des nations du monde pour consolider et étendre cette oppression.

Les socialistes ne peuvent atteindre leur but sans lutter contre tout asservissement des nations. Aussi doivent ils exiger absolument que les partis sociaux-démocrates (ou socialistes) des pays oppresseurs (des “ grandes ” puissances, notamment) reconnaissent et défendent le droit des nations opprimées à disposer d’elles-mêmes, et cela au sens politique du mot, c’est à dire le droit à la séparation politique. Le socialiste appartenant à une puissance impérialiste ou à une nation possédant des colonies, et qui ne défendrait pas ce droit, serait, un chauvin.

La défense de ce droit, loin d’encourager la formation de petits Etats, conduit au contraire à la formation plus libre, plus sûre et, par suite, plus large et plus généralisée, de grands Etats et de fédérations entre Etats, ce qui est plus avantageux pour les masses et correspond mieux au développement économique.

Les socialistes des nations opprimées, pour leur part, doivent lutter sans réserve pour l’unité complète (y compris sur le plan de l’organisation) des ouvriers des nationalités opprimées et oppressives. L’idée d’une séparation juridique des nations (ce qu’on appelle l’ “ autonomie nationale culturelle ” de Bauer et Renner) est une idée réactionnaire.

L’époque de l’impérialisme est celle de l’oppression croissante des nations du monde entier par une poignée de “ grandes ” puissances ; aussi la lutte pour la révolution internationale socialiste contre l’impérialisme est-elle impossible sans la reconnaissance du droit des nations à disposer d’elles-mêmes. “ Un peuple qui en opprime d’autres ne saurait être libre ” (Marx et Engels). Ne peut être socialiste un prolétariat qui prend son parti de la moindre violence exercée par “ sa ” nation à l’encontre d’autres nations. »

 

 

 

 

 

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