Jusqu’à 5000 mercenaires du régiment Wagner ont marché, en grande partie sans être inquiétés par l’armée, en fin de semaine dernière en direction de Moscou avec des chars et du matériel antiaérien.
Nos camarades du Conseil de coordination du mouvement ouvrier en Ukraine ; ceux de la Plate-forme marxiste-léniniste (MLP) de Russie de l’ICOR et du Parti maoïste russe (PMR) rapportent les analyses suivantes, résumées par rf-news* :
Les camarades du Conseil de coordination du mouvement ouvrier en Ukraine écrivent :
En Russie, la lutte pour le pouvoir entre les différents centres de pouvoir s’est intensifiée depuis le début de l’agression contre l’Ukraine et est désormais passée à la phase d’une insurrection armée. Cette insurrection a été lancée par le plus grand groupe armé privé, la « Troupe Wagner ». Il compte entre 20000 et 25000 combattants armés et dotés de divers équipements militaires. Il s’agit principalement de mercenaires professionnels et de divers criminels.
Prigojine, le chef du groupe, profite du fait qu’une partie des masses et de la classe dirigeante en Russie est mécontente du déroulement de la guerre. Il tente d’exploiter ces sentiments et de prendre le pouvoir… Les habitants d’Ukraine espèrent que ces développements conduiront à un relâchement de l’agression du régime de Poutine contre notre pays. Peut-être ce régime sera-t-il déstabilisé et contraint de se battre pour conserver le pouvoir au sein de la Russie (du moins pendant un certain temps). De son côté, Prigojine déclare ouvertement qu’une guerre civile se prépare en Russie.
En fin de compte, la rébellion de Wagner pourrait conduire à un affaiblissement ou même à la fin de l’agression russe en Ukraine. Nous verrons comment les événements évolueront. En attendant, nous continuons à nous battre ici pour survivre, pour surmonter les difficultés de la guerre, la hausse des prix et le chômage. Des travailleurs sont tués presque tous les jours par les attaques des militaires de Poutine, car les missiles et les bombes russes s’abattent sur eux jour et nuit.
Nos camarades de Russie du MLP et du PMR écrivent :
En fin de soirée, un accord a apparemment été conclu entre le régime de Poutine et la troupe Wagner par l’intermédiaire du régime fasciste de Loukachenko. Alors que le matin même, Poutine laissait entrevoir de lourdes peines face à une « mutinerie armée » et à ce qu’il appelait un « coup de poignard dans le dos », le porte-parole du Kremlin Peskov a annoncé que Prigojine lui-même ainsi que ses mercenaires ne seraient pas sanctionnés, en raison de leurs « performances » dans la guerre d’Ukraine. Le soir même, Wagner s’est retiré de Rostow et Prigojine a obtenu un sauf-conduit pour la Biélorussie.
Les dessous de l’affaire ne sont que partiellement connus. On sait que la CIA avait déjà observé auparavant d’importants rassemblements d’armes de Prigojine à la frontière avec la Russie. De même, certains corps de volontaires russes, qui combattent dans l’esprit de l’OTAN, soutiennent Prigojine. Le président des États-unienne, Joe Biden, a tenu samedi une conférence téléphonique de 45 minutes avec l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la France, dont peu de choses ont filtré. On ne peut pas dire que l’OTAN ait orchestré ce coup d’État. Mais une déstabilisation du régime de Poutine en tant que rival impérialiste est en tout cas dans l’intérêt des impérialistes occidentaux – même si elle a été provoquée par une tentative de putsch fasciste.
Hier samedi, il est devenu évident que la Russie néo-impérialiste est bien plus fragile que Poutine, ses alliés et ses amis révisionnistes ne veulent le faire croire. Même si cette tentative concrète de coup d’État est désormais terminée, les contradictions internes au sein de la classe dirigeante russe ne sont nullement terminées, mais vont continuer à s’aggraver.
L’opposition de la classe ouvrière et des masses populaires en Russie se développe
Les camarades de l‘organisation ICOR Plateforme marxiste-léniniste de Russie rapportent la baisse d’adhésion à la guerre parmi les masses populaires comme toile de fond à la tentative de putsch :
« La population ne considère pas la troupe Wagner et sa marche sur Moscou comme une bonne cause. Jusqu’à présent, elle est calme. L’adhésion à la guerre de Poutine a beaucoup baissé. Beaucoup ont dans leur famille ou parmi leurs connaissances des victimes, des morts ou des blessés. On voit les gens blessés, parfois sans bras ou avec une jambe dans les rues. La troupe Wagner – ce sont des voleurs, ce sont des gens corrompus, des criminels. Le chef Prigojine est peut-être contre les oligarques. Mais il n’a rien prévu de social. L’armée ne participe pas à son action ».
Le fait que le véritable souci de Poutine se rapporte précisément au déploiement de la lutte des classes de la part de la classe ouvrière apparaît clairement dans son discours d’hier, où il a établi un lien arbitraire entre la tentative de coup d’État de Wagner et la révolution d’Octobre, lorsqu’il a déclaré :
« Et donc les actions qui divisent notre unité sont au fond une trahison de notre peuple, de nos compagnons d’armes qui se battent maintenant sur le front. C’est un coup de poignard dans le dos de notre pays et de notre peuple. C’est exactement le coup qui a été porté à la Russie en 1917, lorsque le pays menait la Première Guerre mondiale ». La révolution d’Octobre a conduit « au plus grand choc, au démantèlement de l’armée, à l’effondrement de l’État et à la perte d’immenses territoires ».
C’est bien sûr une farce de dire qu’il y aurait un quelconque point commun entre un putsch fasciste et une révolution progressiste soutenue par les masses. Mais cela montre clairement la peur et l’aversion anticommunistes de Poutine pour les conséquences de la révolution d’Octobre, qui était justement aussi une victoire contre le chauvinisme et les appels tsaristes à l’unité. Sa peur concerne le développement de la lutte des classes lorsqu’il s’exprime contre les forces qui « divisent et déchirent le pays » et qu’il menace : « Nous ne permettrons pas que cela se reproduise. Nous protégerons à la fois notre peuple et notre État contre toutes les menaces. Y compris contre la trahison interne ». Mais cette menace révèle la faiblesse stratégique de Poutine et de son appareil néo-impérialiste, qui repose sur des pieds d’argile.
C’est à juste titre que le Parti maoïste russe, membre de l’organisation révolutionnaire mondiale ICOR, a appelé hier à s’opposer à la tentative de coup d’État et à former un Front uni contre le fascisme et la guerre d’agression, tout en avertissant : « Une résistance civile doit être menée. Il faut rappeler que la lutte ne sera pas ‘pour la classe dirigeante’ ou ‘pour Poutine et Choïgou’. Ce sera une lutte contre le fascisme envahissant, qui veut transformer le pays en camp militaro-terroriste et détruire ce qui reste des droits et des libertés démocratiques en anéantissant la lutte des travailleurs. Ce sera une lutte pour préserver ce qui reste des acquis du peuple ».
* article à partir de rf-news.de quotidien internet du MLPD/ Allemagne du samedi 24/06 et du mardi 27/06/2023