Libérons les jeunes prisonniers politiques au Cameroun
Depuis un an, une campagne « vendredi noir » autour de l’alliance « Stand up for Cameroun » s’active pour la libération de plusieurs jeunes Camerounais, arrêtés arbitrairement après une réunion pacifique en septembre 2020.
Ils sont poursuivis pour conspiration de révolution et d’insurrection ! Ils croupissent dans la prison centrale de New-Bell à Douala sous des conditions inhumaines. L’audience a été reporté à plusieurs reprises.
L’article qui suit explique l’arrière fond de cette affaire : La situation de la jeunesse dans un pays dépendant et l’oppression par le régime dictatorial de Paul Biya. Mais ce régime n’est pas seul sur le banc des accusés. Il ne pourrait pas agir ainsi sans la complicité « aveugle » des pays impérialistes qui tolèrent, acceptent et soutiennent un régime corrompu comme celui du Cameroun, pour continuer à piller le pays. La France, pays des ‘droits de l’homme’, en premier mais aussi d’autres puissances qui interviennent de plus en plus fort comme l’Union Européenne, la Chine et d’autres.
Notre soutien internationaliste est nécessaire. Nos exploiteurs et oppresseurs d’ici, prennent à la jeunesse en Afrique toute perspective. Solidarité internationale et anti-impérialiste ! Liberté pour les quatre ! Liberté pour tous les prisonniers politiques !
CE SONT NOS ENFANTS QU’ON ASSASSINE !
Il s’appelle Mira Angoung âgé de 22 ans.
Il s’appelle Tehle Membou âgé de 24 ans.
Il s’appelle Étienne Ntsama âgé de 31 ans.
Il s’appelle Moussa Bello âgé de 37 ans.
Tous les quatre sont derrière les barreaux, à la prison centrale de New-Bel depuis bientôt un an. Mais quel est donc leur crime ?
Ils ont commis trois grands crimes impardonnables !
Le premier crime de ces quatre jeunes c’est de n’être pas nés dans des familles riches. Derrière les barreaux des prisons s’entasse notre jeunesse. A celui-ci on reproche d’avoir volé des pneus de voiture, à celui-là des cassettes-radios, des bouteilles d’huile, et ainsi de suite… Il y a des cas où le temps de la préventive dure longtemps, jusqu’à cinq ans, voire plus. Il suffit de passer un après-midi dans l’un de nos tribunaux pour voir à l’œuvre la machine à broyer des vies.
Certains de ces jeunes n’ont même pas terminé l’enseignement primaire. Bien souvent ils ne comprennent ni le français ni l’anglais au tribunal et répondent approximativement. Il y a des cas de quiproquo entre le Ministère public et les accusés, qu’on croirait dits pour le théâtre. Le verdict, lui, est bien réel et tombe, implacable. Et qu’ils comprennent le français ou pas, qu’ils comprennent l’anglais ou pas, les jeunes auront tout le temps derrière les murs de comprendre la sentence infligée…
Si la plupart de ces jeunes sont des cas de délinquance, celle-ci est mineure et du genre qu’on pourrait prévenir en mettant les enfants à l’école, selon la vision éclairée que proposait déjà le poète au dix-neuvième siècle : Chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne !1 Au pire, on mettrait ces enfants en difficulté à la rude mais salutaire école du travail dans des chantiers prévus à cet effet. Or qu’observe-t-on ? Des milliers de jeunes sont jetés dans la promiscuité corrompue des cellules des prisons, où ils végètent, se clochardisent, et finissent par tomber sous l’influence des vrais truands.
Et tous ces jeunes sont issus de familles modestes.
Le deuxième crime de ces quatre jeunes c’est qu’au lieu de se retrancher dans l’alcool, dans la drogue et les agressions, et de donner ainsi un motif en or à ceux qui les ont jetés en prison, ils ont choisi, eux, d’exercer un dur labeur au quotidien. Mira Angoung, Tehle Membou, Étienne Ntsama et Moussa Bello sont la jeunesse qui travaille à longueur de journées et qui est soutien de famille. L’un est mécanicien automobile, deux sont des commerçants, et le quatrième est chauffeur. Donc dans des métiers où sont réduits la grande majorité des jeunes issus des familles modestes. En un mot des jeunes qui acceptent de se battre dans le pays même, en dépit de tout, plutôt que d’espérer trouver fortune ailleurs en affrontant des drames dans les traversées improbables du Sahara et de la Méditerranée, sans oublier l’esclavage en Libye et ailleurs. Nous suivons tous les nouvelles de ces épreuves dont parlent régulièrement les médias et les réseaux sociaux, et qui sont le lot de notre jeunesse issue des milieux populaires. Mira Angoung, Tehle Membou, Étienne Ntsama et Moussa Bello auraient pu faire partie de telles aventures au cours desquelles nombre de nos enfants perdent leur vie. Au contraire, ils ont choisi de rester dans leur pays, et de se battre, pour s’en sortir, refusant de se retrancher dans l’alcool, la drogue et les agressions, refusant aussi d’aller mourir tous seuls sur les routes d’émigration.
Le troisième crime de ces quatre jeunes c’est qu’au lieu d’aller chanter et danser leur satisfaction politique au pouvoir en place dans des réunions où l’on distribue des pains et des sardines, Mira Angoung, Tehle Membou, Étienne Ntsama et Moussa Bello, eux, vont dans des réunions politiques de l’opposition. Ils font partie de ces jeunes qui ont résolument fait le choix du changement dans ce pays riche où, malheureusement, ils il n’y a que quelques-uns à profiter des richesses. Ainsi se sont-ils engagés dans la bataille pour le changement telle qu’elle est proposée par SUFC2, à savoir pacifique et à travers la Transition Politique dans notre pays. Depuis bientôt un an qu’ils sont derrière les barreaux, le pouvoir semble leur dire qu’ils ne devaient pas s’engager dans l’opposition. Et comme le même pouvoir ne tient pas à voir d’autres jeunes suivre l’exemple courageux de Mira Angoung, Tehle Membou, Étienne Ntsama et Moussa Bello et quelques autres encore, il semble en même temps envoyer un message d’avertissement à d’autres jeunes issus des milieux populaires, mécontents de leurs conditions et qui montrent des dispositions à s’engager dans la lutte politique pour le changement.
Au Tribunal militaire de Bonanjo à Douala où ils sont déférés, Mira Angoung, Tehle Membou, Étienne Ntsama et Moussa Bello sont poursuivis pour conspiration de révolution et d’insurrection ! Vous avez bien lu : conspiration de révolution et d’insurrection !
En vertu de quoi ils sont en détention depuis bientôt un an, car les audiences sont renvoyées et encore renvoyées. Comme pour rire. Et peut-être, au bout, des peines encore plus terribles sont- elles au programme…
Quelqu’un a dit : si l’on vous explique le Kamerun et que vous croyez avoir compris, c’est qu’on vous a mal expliqué. Ce propos horrible nous colle désormais à la peau. Horrible aussi ce motif de conspiration de révolution et d’insurrection asséné à quatre jeunes gens qui marchaient paisiblement dans la rue. Car il ne s’agit que de cela.
Le 18 septembre 2020 qui était un vendredi, ces quatre jeunes étaient au Siège du CPP3 à Bali, leur habillement en noir marquant leur protestation silencieuse et non violente contre la politique de Biya. C’était leur façon de dire : trop c’est trop !
Vers la fin de cet après-midi passé à échanger avec d’autres jeunes sur le sort actuel de notre pays, ils quittaient à pieds le Siège du CPP pour rentrer chez eux. Ils n’ont agressé personne. Ils n’ont élevé la voix contre personne. Ils n’ont dégradé aucun bien ni public ni privé. Ils rentraient chez eux, paisiblement, à New-Bell, non dans des luxueux appartements, mais dans des logements forts modestes – et c’est peu de le dire – où des enfants à l’étroit ne mangent pas toujours à leur faim, se serrent dans le petit espace et, très tôt, doivent assister leurs parents dans des activités quotidiennes.
A peu de distance du Siège du CPP, ils sont saisis par des éléments de la Légion de Gendarmerie de Douala. L’accusation a promis de produire des témoignages de passants ou d’habitants du voisinage, qui, la main sur le cœur, attestent avoir entendu ces jeunes aux mains nues préparer une terrible conspiration en pleine rue, à tout juste quatre, en vue de la révolution et de l’insurrection, sur le parcours éminemment guerrier du retour à leur domicile.
Devant de tels drames, car il s’agit bien d’un drame ce qui arrive à ces quatre jeunes, les mots en viennent à manquer. Comme ils en vinrent à manquer au poète pourtant réputé intarissable et qui ne savait plus que répéter : Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !4 Après quelques jours passés à la Légion à Bonanjo, ils sont depuis le 22 septembre 2020 à la prison centrale de New-Bell à Douala, qui est comme chacun sait pleine jusqu’à la gorge. Et bientôt un an derrière les barreaux. Quel gâchis !
Le gâchis consiste à étouffer l’élan vital d’une nation en s’entêtant à briser la volonté des jeunes qui s’impliquent pour le changement ! Ce sont pourtant ces enfants qui devront poursuivre avec ce Kamerun, cela va s’en dire, quand des vieux de mon âge, quand des plus vieux encore de l’âge de Biya, quand nous serons plus là. Qu’on le veuille ou pas, ces quatre jeunes gens, comme il y en a des millions dans notre vaste pays, seront la grande masse agissante de demain, la colonne vertébrale sur laquelle tout reposera dans notre pays : les activités économiques et sociales, le développement en un mot. Or, à quoi assiste-on ? Le pouvoir RDPC5 fait des phrases sur la jeunesse en ayant manifestement la tête ailleurs.
Il s’appelle Mira Angoung âgé de 22 ans.
Il s’appelle Tehle Membou âgé de 24 ans.
Il s’appelle Étienne Ntsama âgé de 31 ans.
Il s’appelle Moussa Bello âgé de 37 ans.
Ils sont derrière les barreaux depuis le 18 septembre 2020.
Demandons qu’on les libère à l’occasion de la prochaine audience du 15 septembre 2021 au Tribunal militaire de Bonanjo à Douala. Pour deux raisons claires :
Ils sont innocents ! Il s’agit de l’avenir de notre pays !
Dans l’Antiquité nous apprend-on, il y avait un monstre appelé Moloch à qui l’on sacrifiait rituellement des nouveau-nés. Nous, les vieillards, arrêtons de nous nourrir du sang de nos enfants !
Albert Moutoudou, président du UPC-Manidem6
Union des populations du Cameroun –
Manifeste National pour l’Instauration de la Démocratie
1Victor Hugo : Chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne. / Quatre-vingt-dix voleurs sur cent qui sont au bagne/ Ne sont jamais allés à l’école une fois, / Et ne savent pas lire et signent d’une croix.
2Alliance « Stand up for Cameroon »
3Cameroun People Party, partenaire dans l’alliance SUFC
4François Villon : La ballade des pendus
5Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) est le parti au pouvoir du Cameroun.
6L’UCP-Manidem est partenaire dans l’alliance SUFC