Vertuis de l’UCL dont nous reprenons l’introduction :
C’est un processus kafkaïen. Le MLPD, parti autorisé, est ciblé par les services secrets allemands, redoutables héritiers de la sinistre organisation Gehlen. Celle-ci a fait de la chasse aux communistes une « religion d’Etat » pour reprendre les termes du MLPD. Pourtant, les faits reprochés sont risibles et ne constituent pas des chefs d’inculpation valable. Ce ne sont même pas des transgressions des limites de la démocratie libérale. Mais le rôle croissant du MLPD, notamment grâce à sa participation aux luttes ouvrières et écologistes, fait craindre à l’Allemagne que celui-ci ne grandisse et n’augmente son influence dans un pays qui se remet mal de la crise du COVID. Pour ne pas se retrouver face à un adversaire trop fort, l’État frappe préventivement, avec des méthodes qui ont fait leur preuves par le passé : fichage, traque, pressions, arrestations préventives.
Nous sommes solidaires des camarades du MLPD et de leurs dirigeants. En tant que membres de l’ICOR, en tant que communistes, nous savons qu’il n’existe pas de frontières à la répression. Les enjeux de la lutte contre le capitalisme sont trop élevés pour que nos exploiteurs se conforment aux lois, malgré qu’ils les écrivent eux-mêmes.
Le scandale prend de l’ampleur : Le service de renseignement intérieur a fait rechercher la direction du parti du MLPD dans toute l’Europe.
Dernièrement, le service de renseignement intérieur (Verfassungsschutz) a dû admettre qu’il avait également fait rechercher Gabi Fechtner, la présidente du MLPD, dans toute l’Europe par le Bundeskriminalamt (Office fédéral de police criminelle) BKA. L’année dernière déjà, nous avions informé la presse que Stefan Engel, dirigeant de l’organe théorique du MLPD, Voie Révolutionnaire, et Monika Gärtner-Engel, responsable de la branche internationalisme du MLPD et coordinatrice principale de l’ICOR, faisaient l’objet d’une recherche secrète.
Pendant au moins six mois, à partir du 3 décembre 2019, tous les trois ont été recherchés dans tout l’espace Schengen. Cela par toutes sortes de services étatiques possibles, police, police des frontières, etc. Le principe de séparation des services secrets d’avec l’appareil policier, un apport important de la chute du fascisme hitlérien, est ainsi rendu caduc.
Cette démarche anticommuniste diffame, espionne et criminalise des représentants dirigeants du MLPD et vise à atteindre le parti tout entier. Le MLPD est un parti démocratique autorisé et protégé par la Constitution allemande, le Grundgesetz. Gabi Fechtner, Monika Gärtner-Engel et Stefan Engel n’ont jamais encore été condamnés par un tribunal allemand quelconque.
Le contexte est que depuis 2018, les forces dirigeantes, à l’époque encore dirigés par le gouvernement CDU/CSU/SPD et le ministre de l’Intérieur Seehofer, avaient initié un changement concret de tactique contre le MLPD. Il s’agissait apparemment d’une réaction à son nouveau rôle au sein de la société allemande. Ainsi, dans son rapport sur l’année 2018, le soi-disant Office de protection de la Constitution avait procédé à une « réévaluation » explicite du MLPD et mis en garde contre son potentiel.
Cette démarche a pris une importance nouvelle avec les avis de recherche et d’autres opérations. Le MLPD est passé à l’offensive contre toutes les invectives et a, jusqu’à présent, également gagné sur toute la ligne devant les tribunaux. Ainsi, le tribunal administratif de Meiningen a déclaré le 3 août 2021 que le traitement de Stefan Engel en tant que perturbateur présumé était illégal.
L’avocat responsable du cabinet Meister et partenaires, Frank Jasenski, apporte des éclaircissements sur le contexte de l’avis de recherche : « La justification du service de renseignement intérieur dans son mémoire de janvier 2022 est aventureuse : « L’avis de recherche était également approprié […] en raison de l’interconnexion internationale au niveau de la direction [avec des] organisations [prétendument] terroristes kurdes et turques. »
Pourtant, le travail des révolutionnaires kurdes et turcs est dirigé contre le régime fasciste du président Erdogan. C’est bien justifié et ce n’est pas du ‘terrorisme’. Les soi-disant ‘indices’ à cet égard sont d’une maigreur difficile à renchérir : Pour justifier la nécessité de l’avis de recherche, le service de renseignement intérieur a invoqué entre autres : une visite de solidarité aux grévistes de la faim kurdes (qui n’a même pas été effectuée par la direction du parti elle-même) ou des manifestations publiques sur les livres de Stefan Engel aux Pays-Bas en 2015 ( !). Que se passe-t-il ici, si une telle chose est déjà qualifiée de soutien au terrorisme international ? »
Au bout de six mois, les mesures de recherche ont été levées aussi officiellement, car aucun événement douteux n’a pu être détecté. Néanmoins, les informations relatives à l’avis de recherche sont restées dans les fichiers de surveillance INPOL.
Au-delà de l’avis de recherche, on constate également des méthodes absurdes pour criminaliser des personnalités dirigeantes du MLPD. Ainsi, Gabi Fechtner a été accusée par le passé, sans aucune preuve, d’avoir servi illégalement de l’alcool, d’avoir résisté aux agents d’exécution et d’avoir « libéré des prisonniers ». Actuellement, elle est de plus poursuivie pour « port d’arme non autorisé » en raison de sa simple participation à un défilé de rue de la Liste internationaliste/MLPD à Essen le 30 août 2021, défilé qui n’était pas soumis à autorisation pendant la campagne électorale et qui était bien entendu pacifique. Dans les procédures respectives, aucune de ces accusations n’a été sérieusement poursuivie, et n’a pu, encore moins, résister à un examen judiciaire. Toutes ces accusations ont été rejetées ou ont donné lieu à des acquittements.
Malgré cela, des données concernant Gabi Fechtner ont pu être consultées par des unités de police ordinaires lors d’opérations de police menées contre elle encore pendant la campagne électorale de 2021. Entre-temps, nous savons aussi que le fichier INPOL de Monika Gärtner-Engel contient encore jusqu’à aujourd’hui toutes les accusations réfutées depuis longtemps par les tribunaux.
« Il y a une méthode derrière cela », affirme l’avocat Frank Jasenski : « On veut accumuler et sauvegarder contre nos clients des accusations aussi abstruses soient-elles, que, en partie, n’importe quel policier peut consulter – pour qu’au final, on retienne que l’on a affaire à des grands criminels et à de dangereux terroristes, contre lesquels, comme chacun sait, tout semble permis. Et pourtant, aucun des reproches formulés ne correspond, même de loin, à la réalité. »
Aujourd’hui, du moins dans l’opinion publique progressiste, les courants réactionnaires tels que le fascisme, le racisme, l’antisémitisme, la misogynie, l’homophobie, etc. sont largement proscrits. Il existe à juste titre une grande sensibilisation contre l’oppression étatique et la privation des droits fondamentaux parmi les professionnels des médias pour de telles raisons. Cela doit également s’appliquer à l’anticommunisme – qui reste toutefois une sorte de religion d’État en Allemagne jusqu’à aujourd’hui.
Cela nécessite davantage d’engagement critique et de courage civil, y compris dans les médias.
Le gouvernement tripartite rouge, orange, vert et en particulier la ministre de l’Intérieur Nancy Faeser avaient annoncé publiquement qu’ils allaient à l’avenir porter l’essentiel de leurs efforts contre les forces fascistes et d’ultra-droite. Mais pourquoi cette criminalisation et cette diffamation se poursuivent-elles ?
La ligne anticommuniste de Seehofer se poursuit-elle ici en sous-main ? Gabi Fechtner a déclaré : « J’exige notre réhabilitation intégrale ! Les auteurs peuvent s’attendre à d’autres démarches offensives du MLPD et de ses supportaires. Il ne doit pas s’imposer que des personnes soient espionnées, diffamées et criminalisées en raison de leur idéologie communiste. Dans l’intérêt de toutes les personnes démocratiques, il faut étouffer le mal dans l’œuf.»